D’alliés opportuns à adversaires, voire ennemis: cinq décennies de rivalité entre la Chine et les Etats-Unis

Les échanges musclés se poursuivent entre la Chine et les Etats-Unis, deux superpuissances structurantes de la géopolitique mondiale qui cherchent à apaiser leur relation pour éviter un conflit armé aux conséquences potentiellement dramatiques. Dans une tentative de rétablir une communication mise à mal ces derniers mois, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken pourrait se rendre à Pékin en fin de semaine. Il s’agirait de la rencontre de plus haut niveau depuis l’affaire du ballon espion chinois abattu au-dessus des Etats-Unis au début du mois de février.

Or, cette période de forte tension n’a pas toujours été la norme entre les deux géants: Washington et Pékin ont longtemps coopéré. L’établissement des relations sino-américaines au début de la décennie 1970 a contribué à stabiliser les tensions avec l’URSS, ouvrant la voie à la fin de la Guerre froide. Les Etats-Unis ont en outre été l’un des principaux architectes de l’intégration de la Chine à l’économie mondiale au début des années 2000.

Comment en est-on arrivé à une telle détérioration? À quel moment les choses ont-elles mal tourné? Était-ce prévisible? Sur cinq épisodes, l’émission Tout un monde revient sur l’histoire des rapports entre la Chine, les Etats-Unis et l’Occident en général, entre diplomatie secrète, opposition idéologique, opportunisme et aveuglement.

Épisode 1

Une relation pragmatique pour stabiliser le monde

C’est à la fin des années 1960, en plein coeur de la guerre froide, que la Chine maoïste et les Etats-Unis foncièrement anticommunistes commencent à se faire discrètement de l’œil. La Chine est alors totalement isolée sur le plan géopolitique, économiquement à genoux, dévastée par la pauvreté, les famines et le chaos de la révolution culturelle. À sa tête, le chef suprême Mao Zedong bénéficie d’une adoration totale, à la tête d’un régime autoritaire comparable à l’actuelle Corée du Nord.

De leur côté, les Etats-Unis cherchent à s’extraire du bourbier du Vietnam et piétinent dans leurs tentatives de dialogue avec Moscou. La Chine, elle, est brouillée avec Moscou depuis la fin des années 1950 et Mao Zedong s’inquiète notamment de l’expansion des frontières soviétiques après l’invasion de la Tchécoslovaquie par l’armée rouge en 1968. Des escarmouches au Nord, à la frontière avec la Russie, survenues un an plus tard, provoquent une vive inquiétude en Chine. Le pays est donc un candidat de premier choix pour tenter de déstabiliser le bloc de l’Est.

« Du fait de son conflit avec l’URSS, la Chine est devenue un peu un électron libre et un pays dans lequel les Américains ont vu une occasion de diviser le camp soviétique, en dépit des divergences idéologiques évidentes. » Jean Pierre-Cabestan, chercheur au CNRS et professeur à l’université Baptiste de Hong Kong

De discrètes négociations s’engagent alors, avec d’un côté le président républicain Richard Nixon, le conseiller à la sécurité Henry Kissinger et son homme de confiance Winston Lord; de l’autre Mao Zedong et son charismatique Premier ministre Zhou Enlai. Déjà, le principal point de divergence concerne Taïwan. Il sera tout simplement remis à plus tard.

« Dès notre arrivée, Mao Zedong a clairement déclaré que la question de Taïwan pouvait attendre un siècle. (…) C’est tout le génie du communiqué (…) L’idée était de suspendre la problématique de Taïwan via des formulations ambiguës. » Winston Lord, ex-négociateur pour les Etats-Unis

Publié conjointement, ce communiqué de Shanghai ouvre alors la voie au développement d’échanges politiques, économiques et culturels, mais aussi à la fin de la Guerre froide et à un nouveau chapitre dans l’ordre mondial.

Écouter le 1er épisode de la série en entier sur le site de RadioTeleSuisse

https://www.rts.ch/info/monde/14082519-dallies-opportuns-a-adversaires-voire-ennemis-cinq-decennies-de-rivalite-entre-la-chine-et-les-etatsunis.html