Le Brexit coûte déjà un milliard d’euros à Airbus et à ses sous-traitants

26/10/2018

Sophie Fay, Le Nouvel Obs

Lors du Salon aéronautique de Farnborough, au sud-ouest de Londres, en 2016. (ADRIAN DENNIS/AFP)

Pour anticiper la sortie du Royaume-Uni de l’UE et ne pas souffrir d’un manque de pièces, l’avionneur constitue des réserves, qui coûtent à lui et ses sous-traitants un milliard d’euros.

A la question “Quels sont les défis économiques majeurs des cinq prochaines années ?”, posée en ouverture de la 11e World Policy Conference organisée par l’Institut français des relations internationales du 26 au 28 octobre à Rabat (Maroc), Patrick de Castelbajac a répondu très clairement : le Brexit. Le directeur général délégué à la stratégie et à l’international d’Airbus est ensuite entré dans le détail, en prenant son entreprise en exemple.

Le groupe aéronautique est sans doute la société la plus intégrée sur le plan européen, mais ses inquiétudes sont partagées presque à l’identique par les constructeurs automobiles (Volkswagen, BMW et Toyota en tête) et par les entreprises pharmaceutiques qui utilisent les mêmes méthodes de production, décentralisées sur tout le continent.

D’abord, l’avionneur s’inquiète pour la circulation des personnes. Le groupe emploie 14.000 personnes au Royaume-Uni et comptabilise 80.000 aller-retours par an entre le continent et l’île britannique. Mais la vraie préoccupation, c’est l’approvisionnement en composants indispensables pour la construction des Airbus.

“Très inquiets du niveau d’impréparation”

Pour l’instant, personne ne sait comment se passeront les contrôles aux frontières. Mais si chaque camion est contrôlé, ne serait-ce que deux minutes, cela générera des bouchons de 30 à 50 kilomètres. “Nous sommes très inquiets du niveau d’impréparation”, insiste Patrick de Castelbajac.

“Pour faire un avion, il faut 2 millions de pièces. Nous sortons 3 avions par jour. Si nous prenons une semaine de retard parce qu’il manque une pièce, nous ne pouvons pas la rattraper et nous perdons un milliard d’euros.”

Brexit : ce qui se passerait en cas de “no deal”

L’avionneur, qui a publié en juin un mémo soulignant les graves risques d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne sans accord, prend donc sans attendre ses propres précautions. Le dirigeant détaille :

“Nous faisons des réserves, des stocks tampons. Cela nous coûte un milliard d’euros. Une somme qui pourrait peut-être être utilisée à des projets plus utiles.”

Ces coûts sont répartis entre Airbus et ses sous-traitants. Et ils pèsent surtout sur la partie anglaise… Le Royaume-Uni était jusqu’à présent le pays le plus compétitif de l’univers Airbus, il ne le sera plus.

La question de la certification des pièces

“Nous ne sommes pas les seuls à avoir cette préoccupation, insiste Patrick de Castebajac. Aujourd’hui, tout le monde cherche des capacités et des locaux de stockage dans le nord de la France.”

Airbus a beau expliquer aux élus britanniques qu’ils doivent répondre à l’urgence et au danger de la situation pour leur industrie, rien n’y fait : les Britanniques ne semblent pas mesurer l’ampleur du danger potentiel pour leur économie.

La question de la certification des pièces post-Brexit n’est pas non plus encore résolue. Pour que les pièces soient certifiées, il faut appartenir à l’Agence européenne de la sécurité aérienne ; et pour cela, il faut reconnaître l’autorité de la Cour de justice de l’Union européenne. Ce dont ne veulent plus les “Brexiters”, qui en ont fait un point de fixation, obsédés par la souveraineté et le slogan “take back control” (“reprenons le contrôle”). Un beau sac de nœuds en perspective si c’est la version “no deal” qui l’emporte.