Sarah Al-Amiri, une « fusée » dans le ciel des Emirats arabes unis

A 35 ans, à la fois ministre des technologies avancées et présidente de l’agence spatiale émiratie, la jeune femme a contribué au succès de la mise en orbite autour de Mars d’une sonde qui doit en étudier le climat.

Par Pierre Barthélémy

Publié le 12 mars 2022
Sarah Al-Amiri, ministre des technologies avancées et présidente de l’Agence spatiale des Emirats arabes unis, à Dubaï, le 23 février 2022.

A ce jour, aucune femme n’a dirigé la NASA. Ou l’Agence spatiale européenne (ESA). Ou le Centre national d’études spatiales (CNES) en France. Ou Roscosmos en Russie. A croiser depuis plus de deux décennies les patrons de ces agences, on a dessiné le portrait-robot d’un homme en costume-cravate, parfois quadragénaire mais le plus souvent quinqua ou sexagénaire, et pour ainsi dire toujours blanc (à l’exception notable de Charles Bolden, seul Afro-Américain à avoir occupé le poste d’administrateur de la NASA, sous les mandats de Barack Obama). Alors, quand l’occasion est donnée de rencontrer Sarah Al-Amiri, 35 ans, à la fois présidente de la toute jeune Agence spatiale des Emirats arabes unis et ministre des technologies avancées, on ne la rate pas, on veut savoir qui est cette jeune femme qui détonne dans le monde de l’espace.

Oubliés, évidemment, le costume et la cravate. Sans garde du corps, la ministre arrive au rendez-vous portant hidjab noir et abaya assortie – la longue tunique des Emiraties –, un grand sourire barrant son visage. Peut-être parce que la mise en avant personnelle n’est pas vraiment encouragée dans une fédération d’émirats où les cheikhs sont glorifiés, cette native d’Abou Dhabi reste discrète, voire modeste, au sujet de son parcours. Dans son anglais parfait teinté d’accent américain, elle ne répugne cependant pas à parler du début, de son enfance. Famille où le père est homme d’affaires et la mère enseignante, école internationale qui l’ouvre à d’autres cultures. « J’ai grandi en parlant de politique, de changements économiques, des développements du monde. Je pense que, petite, j’ai plus regardé les informations que les dessins animés, se remémore-t-elle en pouffant presque. J’ai compris que nous avions tous un rôle dans la société. Pas seulement dans notre quartier, dans notre ville ou notre pays, mais en tant que citoyens du monde. »

Son rôle, dans un pays qui se modernise à un rythme effréné permis par les pétrodollars, Sarah Al-Amiri le voit d’abord dans l’informatique : « J’ai toujours aimé les maths et les chiffres, dit-elle. J’ai commencé à programmer vers 11 ou 12 ans. Même si c’étaient alors des programmes très simples, j’ai vite su que je voulais devenir ingénieure en informatique. » S’ensuit donc un diplôme à l’Université américaine de l’émirat de Chardja. Peu après son obtention, elle atterrit rapidement dans le secteur de l’espace, qui l’a toujours fascinée. On est en 2009, elle a 22 ans. Les Emirats arabes unis (EAU) n’ont pas encore d’agence spatiale (elle naîtra officiellement en 2014). Eux, qui exploitent déjà quelques satellites mais n’en ont jamais conçu, s’apprêtent à lancer leur premier engin d’observation de la Terre, DubaiSat-1. « Les gens qui travaillaient avec moi avaient 26 ans ou moins. Presque tous avaient été engagés à la fin de leurs études. »