Arabie Saoudite : « C’est une prise de pouvoir qui ne va pas de soi »

5.11.2017
by Virginie Robert

Intervenant à la « World Policy Conference » à Marrakech, qui réunit des spécialistes de la géopolitique, Michel Foucher, géographe et diplomate, revient sur les ambitions du prince héritier saoudien.

Que penser de la mise à l’écart des onze princes saoudiens ?
Cela s’inscrit dans une prise de pouvoir, et on voit bien qu’elle ne va pas de soi. Cela est d’ailleurs normal puisque, jusqu’à présent, la succession se faisait par les frères.
D’une certaine façon, cela fait penser à la lutte anti-corruption menée en Chine qui a pour fonction d’éliminer la concurrence et les opposants. Le prince a aussi essayé de s’affirmer avec la guerre qu’il mène au Yémen.
La mise à l’écart du neveu Mohamed Ben Nayef, pour faire place au jeune Ben Salmane, n’est pas pour nous sans problème car c’était l’interlocuteur des occidentaux pour des questions de sécurité.

Est-ce un passage obligé pour moderniser le pays ?
La volonté de modernisation est réelle et le prince héritier l’a bien détaillée avec sa Vision 2030. Le mentor et la référence de Mohammed Ben Salmane est le prince héritier des Emirats Arabes Unis, Mohammed Ben Zayed Al-Nahyane. Ce dernier, qui a 56 ans, est le stratège de la région. Il a fait des Emirats une sorte de Sparte qui est en train de réussir sa diversification.
Comme lui, « MBS » est engagé dans une lutte contre les frères musulmans et l’ingérence iranienne.

Fallait-il pour réussir un changement de génération ?
Mohammed Ben Salmane s’est présenté en disant « je suis comme vous un jeune saoudien ». Il développe les bourses Abdallah, veut désenclaver, moderniser la société y compris pour les femmes.
C’est une société de rentiers, qu’il faut transformer de fond en comble. L’Arabie saoudite est le premier consommateur de jeux vidéos au monde ! L’idée de sa cité nouvelle, Neom, c’est une idée de consultants. Ce qu’il faut, c’est une transformation en profondeur de l’Etat.