Brexit : Les grands industriels inquiets et confrontés à d’immenses difficultés

29/10/2018

Benaouda ABDEDDAIM, BFM BUSINESS

Lors de la World Policy Conference, organisée du 26 au 28 octobre à Rabat, les représentants d’Airbus et de Nissan ont exprimé leurs inquiétudes.

 

Le directeur général à la stratégie d’Airbus en est à espérer un « mauvais » accord de sortie du Royaume-Unis de l’Union européenne (UE), plutôt qu’une absence d’accord. Ces craintes d’une rupture sans acte de divorce ont été exprimées au cours de la World Policy Conference, organisée du 26 au 28 octobre à Rabat (Maroc) par l’Institut français des relations internationales. Patrick de Castelbajac n’a pas vraiment cherché à ménager les autorités britanniques.

Pour lui, non seulement le « niveau de charge administrative est énorme pour l’outil de travail » mais , en plus, cette charge s’exerce sur fond « d’une impréparation » suscitant chez l’avionneur européen de très fortes inquiétudes.

La plus significative porte sur l’approvisionnement en composants. Patrick de Castelbajac explique que cela conduit a 80 000 allers-retours annuels entre la Grande-Bretagne et le continent. « Il faut 2 à 3 millions de pièces pour fabriquer un avion, souligne-t-il, si l’une d’elles est bloquée dans le circuit durant ne serait-ce qu’une semaine, le temps devient alors impossible à rattraper pour continuer à sortir 3 avions par jour ».

Des files d’attente de poids-lourds au port de Douvres représentent sa hantise. Or, les services britanniques des douanes ne semblent toujours pas en mesure de garantir la fluidité de la circulation. Son chef pense même qu’il faut compter sur 4 ou 5 ans pour que le nouveau système soit optimal. Cela contraint Airbus et ses sous-traitants à constituer des réserves (1 milliard d’euros programmés). Et le patron de la stratégie  de raconter que son entreprise, comme de nombreuses autres, sont activement à la recherche de locaux de stockage dans le Nord de la France.

Autre écueil en vue : la certification des composants. Invoquant le recouvrement de sa souveraineté, Londres entend ne plus dépendre de l’Agence européenne de la sécurité aérienne, dès lors qu’elle relève de la juridiction de la Cour de justice de l’Union européenne. Or, sans visa de cette agence, la pièce ne peut pas être assemblée. Le dirigeant d’Airbus se garde de menacer d’un retrait de Grande-Bretagne (14 000 emplois directs). Néanmoins, il prévient : « Cela nous force à revoir notre relation », alors même qu’il présente ce site national comme le plus compétitif du groupe.

Nissan mécontent également

Toujours à cette World Policy Conference, le président du groupe automobile Renault-Nissan, Carlos Ghosn, a également déploré, sur le fond, « une totale incertitude du Brexit », avec la perspective d’un impact négatif sur les activités britanniques. Cependant, à ses yeux, il ne s’agira somme toute, sur le long terme, que d’un soubresaut parmi ceux de la mondialisation, un « hoquet » dit Carlos Ghosn, comme peuvent l’être le conflit commercial entre les Etats-Unis et la Chine ou bien la refonte de l’accord de libre-échange nord-américain (Alena).

Lors d’une autre session, à destination de ceux qui en douteraient encore, un ancien président du Parti conservateur, Michael Lothian, aujourd’hui membre de la Chambre des Lords, a insisté sur le caractère inexorable de la sortie de l’UE. Et il a repris cette idée de simples turbulences de court ou moyen terme, en exprimant la conviction que le sens des intérêts mutuels de son pays et des 27 finiront bien par l’emporter. Son auditoire n’en a pas semblé vraiment convaincu.