Ce que cache le retour médiatique de Dominique Strauss-Kahn

9.11.2017
by challenges.fr

En deux interventions, d’abord au CESE puis à la World Policy Conference de Marrakech, l’ancien directeur du FMI a soufflé le chaud et le froid sur le début de quinquennat d’Emmanuel Macron. Une manière de revenir au centre du jeu politique? Ses proches jurent qu’il n’est pas intéressé.

À quoi joue Dominique Strauss-Kahn ? L’ancien directeur du FMI qui se cantonnait au rôle d’expert « économique » depuis son explosion en plein vol au Sofitel de New York en mai 2011, vient de marquer la rentrée politique de son empreinte avec deux interventions millimétrées, d’abord au CESE début octobre pour une cérémonie en l’hommage de l’ancienne sénatrice socialiste décédée Nicole Bricq, et ce week-end à Marrakech en marge de la World Policy Conference où il a estimé qu’ »il était temps que le PS disparaisse ».

Celui qui fut un temps le grand favori de l’élection présidentielle de 2012 en a profité pour livrer son sentiment sur le début de quinquennat d’Emannuel Macron : la première fois en adressant un message sur les valeurs de la gauche, une manière subtile de rebondir sur le ni droite ni gauche porté par le président de la République ; et la seconde fois en se disant persuadé que le nouveau chef de l’État « peut faire en cinq ans beaucoup de changements en France qui n’ont pas existé pendant les trente dernières années ».

Il ne veut pas revenir en politique

Que recherche l’ancien hiérarque socialiste ? En distribuant bons et mauvais points à Emmanuel Macron, il semble vouloir se replacer au centre du jeu politique. Pourtant ses proches jurent qu’il n’a pas envie de remettre une pièce dans la machine. « Il n’a pas du tout l’intention de revenir en politique, assure l’ancienne vice-présidente de la région Île-de-France Michèle Sabban, une des rares ex-socialistes à lui être restée fidèle.

Les politiques français ne le méritent pas. Il dit et il dira ce qu’il pense ». Ancien très-proche de DSK, le frondeur Laurent Baumel affiche le même scepticisme : « Je ne peux pas croire une seule seconde que son intervention puisse être prise autrement qu’au premier degré. Il ne faut pas sous-estimer son affection pour le Parti socialiste, où il a agi de longues années. Il dit des choses qui correspondent à ce qu’il pense, et avec lesquelles je suis en désaccord, mais qui sont les paroles d’un acteur retiré du jeu politique. Penser qu’il puisse revenir en politique, c’est vraiment un truc de journaliste ».

« Je ne pense pas qu’il faille l’interpréter comme un geste politique, analyse Arnaud Mercier, professeur en communication politique à l’université Paris II Assas. Il y a plus certainement une dimension psychologique, au sens qu’il doit estimer qu’une partie de sa traversée du désert est derrière-lui et qu’il peut enfin reprendre la parole. Et il en profite pour régler ses comptes avec le PS car la vengeance est un plat qui se mange froid… Mais ce n’est certainement pas calculé comme le début d’un retour en politique. Il ne s’y prendrait pas comme ça. On le voit avec Nicolas Sarkozy, qui avait progressivement publié plus de contenu sur sa page Facebook, ou François Hollande en ce moment qui essaie de revenir par petites touches, DSK lui il arrive et il tape comme un sourd sur son ancienne formation politique. Ce n’est pas la stratégie habituelle. D’autant que même le timing choisi, en plein contexte Weinstein-balancetonporc, n’est pas idéal ».

Une offre de service ?

Pour Marc Vanghelder, de l’agence de communication politique Leaders&Opinion, le retour de l’ancien candidat à la primaire socialiste de 2006 s’apparente plutôt à une « offre de service ». « DSK arrive et tape sur tout ce qui peut être gênant pour Emmanuel Macron : le PS, le centre gauche. C’est presque un geste d’allégeance. Après avoir soufflé le chaud et le froid sur l’action du gouvernement, il propose d’une certaine manière ses services, il montre qu’il se tient prêt à aider ».

Mais peut-on vraiment imaginer Emmanuel Macron collaborer avec le socialiste déchu ? « Il y a les missions officielles et… il y a les missions officieuses, souligne l’expert en communication. Ce n’est un secret pour personne que Dominique Strauss-Kahn passe beaucoup de temps au Maroc, et qu’il entretient des relations privilégiées avec le roi Mohammed VI. Il se tient également très proche de l’Afrique subsaharienne, un carrefour stratégique des années à venir… On pourrait très bien imaginer que le gouvernement français lui confie une mission de cet ordre-là ».

Son entourage demeure sceptique. « Il n’a pas besoin de mission s’il doit agir ou aider à réussir », indique Michèle Sabban. Une chose est sûre : le futur politique de Dominique Strauss-Kahn ne s’inscrira pas au Parti socialiste. L’ancien directeur du FMI a rendu sa carte du PS, comme la plupart de ceux qui lui sont restés fidèles.