Emmanuel Macron, PS… Le retour remarqué et contesté de Dominique Strauss-Kahn

8.11.2017
by Marie-Pierre Haddad

ÉCLAIRAGE – L’ancien directeur du Fonds monétaire international n’hésite pas à donner son avis sur la politique française. Au risque d’éveiller la colère de certains socialistes.

Des commentaires « d’outre-tombe » ? Depuis quelques semaines, l’ancien patron du Fonds monétaire international (FMI) n’hésite pas à commenter l’actualité politique français. En ligne de mire : le président de la République et le Parti socialiste.

De façon très discrète, Dominique Strauss-Kahn a opéré un retour dans la vie politique. En janvier 2017, en pleine campagne présidentielle et à quelques jours de la primaire de la gauche, Paris Match dévoilait qu’Emmanuel Macron aurait pris contact avec l’ancien ténor du PS. « Les deux hommes se voient régulièrement », écrivait alors le magazine. Dans Le Parisien, un ami du socialiste confiait : « Si vous écrivez qu’ils se sont vus régulièrement pendant cette période, vous ne commettrez pas d’erreur ».

Macron « est en train d’agir étonnamment bien »
Selon ce proche de l’ancien président du Fonds monétaire international, ce dernier « sent le souffre ». En octobre dernier, il avait donné une leçon de politique à Emmanuel Macron. Lors d’un hommage rendu à l’ancienne ministre Nicole Bricq, décédée cet été, Dominique Strauss-Kahn a déclaré : « Quand on est sûr de ce que l’on pense, on peut faire des compromis avec des adversaires d’hier et peut-être de demain (…) Parce qu’elle savait que les valeurs de gauche et les valeurs de droite ne sont pas les mêmes. Les mêler, ce n’est pas les confondre, les faire avancer ensemble, c’est savoir garder leur équilibre ».

Alors que certains observateurs y ont vu une critique lapidaire de la politique d’Emmanuel Macron, l’entourage du président de la République affirmait que tout ceci n’était qu’un « malentendu ». « Le Président pense que DSK n’était pas parti pour dire du mal de lui et que beaucoup d’observateurs ont mal saisi le sens profond du discours », explique un proche au Journal du Dimanche. Même modération chez les proches de l’ancien poids lourd socialiste : « Macron et DSK se connaissent. Ça remonte au dernier quinquennat. Un jour, Dominique m’a dit : ‘Il y quelqu’un dont on m’assure qu’il est supérieurement intelligent, très bon, un certain Emmanuel Macron' ».

Un mois plus tard, Dominique Strauss-Kahn n’a pas résisté à l’envie de faire un nouveau commentaire sur la politique du chef de l’État. Dans un entretien pour la World Policy Conference, il a indiqué qu »il (Emmanuel Macron, ndlr) est en train d’agir étonnamment bien (…) Macron n’est ni gauche, ni droite. Je voudrais qu’il soit de gauche et de droite (…) et c’est une bonne chose que les deux puissent travailler ensemble ». Il a ajouté ensuite que si Emmanuel Macron « saisit bien sa chance, il peut faire en cinq ans beaucoup de changements en France qui n’ont pas existé pendant les trente précédentes années ».

DSK achève le soldat PS
L’ancien maire de Sarcelles a également dressé un constat défaitiste concernant le Parti socialiste. « Ce parti qui est le mien – et je le dis avec tristesse – mais c’est comme ça, n’a pas su accompagner la mondialisation, se transformer quand le monde se transformait et donc il est temps qu’il disparaisse », a-t-il expliqué. Et il est donc « temps qu’une autre force, peut-être avec une partie des mêmes membres, apparaisse.Je crois que le PS n’a pas d’avenir et je crois que c’est une bonne chose, que le temps est venu de renouveler le centre-gauche français ».

Ce discours a fait bondir les fidèles au Parti socialiste. « Je n’ai pas l’habitude de commenter les commentaires et en particulier quand c’est des voix d’outre-tombe », a répliqué Boris Vallaud sur France 2. Ce qui m’intéresse, c’est savoir ce que l’on fait après une défaite monumentale (…) et dont on peut se demander si ce n’est pas (la défaite) d’une offre politique, et de la social-démocratie, ce qui est bien plus grave ». Et d’ajouter : « Le problème est peut-être que le Parti socialiste a accompagné la mondialisation, au lieu de se poser la question de ce tournant de la mondialisation, (…) de la réorganisation du capitalisme, qui a fait beaucoup de victimes, car ce qui a gagné dans la bataille politique et culturelle, c’est le néolibéralisme ».
Qui était le PS ces dernières années ? Qui a conduit le PS jusqu’ici ? Dominique Strauss-Kahn et d’autres.

Olivier Faure, président du groupe Nouvelle Gauche à l’Assemblée, a indiqué qu’il est « toujours gênant d’entendre des gens qui sont guidés plus par la rancoeur que par la raison. Si Dominique Strauss-Kahn n’a pas pu concourir à l’élection présidentielle, le Parti socialiste n’y est pas pour grand-chose. Aujourd’hui, le voir éteindre la lumière en partant parce qu’il n’est plus lui-même dirigeant de ce parti, ça a quelque chose de très triste, parce que c’est une intelligence, un talent, et qu’il est aujourd’hui dans une forme de nihilisme qui est difficilement compréhensible ».

Le député poursuit son attaque à l’encontre de Dominique Strauss-Kahn. « Qui était le PS ces dernières années ? Qui a conduit le PS jusqu’ici ? Dominique Strauss-Kahn et d’autres. Donc voir cette génération expliquer que finalement elle a échoué, et que parce qu’elle a échoué on doit tout arrêter, ça a quelque chose de très difficile à comprendre ».