Guerre en Ukraine : les pays Baltes veulent obtenir une protection accrue de l’Otan

Avant le sommet de l’Otan à Madrid en juin prochain, les dirigeants des pays Baltes continuent d’alerter sur la nécessité de renforcer la protection de leurs pays après l’invasion de l’Ukraine.

Un soldat français lors d'un exercice de l'Otan à la base militaire de Tapa, en Estonie, en février 2022.
Un soldat français lors d’un exercice de l’Otan à la base militaire de Tapa, en Estonie, en février 2022. (ALAIN JOCARD/AFP)

Par Virginie Robert, Emmanuel Grasland

Publié le 30 mars 2022

Pas assez écoutés – malgré les annexions successives par la Russie de territoires en Géorgie, au Donbass et en Crimée -, et se sentant encore plus vulnérables depuis l’invasion de l’Ukraine, les pays Baltes n’ont de cesse de réclamer une protection plus importante des membres de l’Alliance atlantique qu’ils ont rejointe en 2004.

« Il faut que l’Otan se prépare aux menaces futures » et il n’y a qu’une réponse possible : « une dissuasion crédible, visible, et efficace », plaide le président d’Estonie , Alar Karis, dans une tribune publiée par le « Financial Times » mardi. Cela passe selon lui par une présence permanente et renforcée sur le flanc est de l’Otan, qui succéderait aux rotations actuelles et mettrait la Pologne et les pays Baltes à égalité avec l’Allemagne, l’Italie ou le Royaume-Uni.

Lors du Sommet de Varsovie en juillet 2016, l’Otan a établi une présence avancée renforcée (« enhanced Forward Presence », eFP) dans les pays Baltes et en Pologne avec des bataillons multinationaux. La France vient d’ajouter 150 soldats aux 300 présents en Estonie, où les Britanniques sont la nation cadre. Mais ce dispositif est encore jugé insuffisant.

A l’avant-poste face aux Russes

Les pays Baltes réclament une aide sur terre, sur mer et dans les airs pour avoir « le muscle nécessaire afin de bloquer Poutine » qui cherche « à restaurer les frontières de l’Otan de 1997 et créer un nouveau rideau de fer en Europe », assure Alar Karis. Du grain à moudre pour les membres de l’Alliance atlantique qui vont se retrouver en juin à Madrid.

« Les pays Baltes se sentent à l’avant-poste de l’Union européenne et de l’Otan face à la Russie. Par rapport à la question ukrainienne, ils sont extrêmement engagés et ne cessent de dire qu’il faut aller plus loin et qu’on n’en fait pas assez. En général de concert avec la Pologne », explique Céline Bayou, enseignante à l’Institut national des langues et civilisations orientales et spécialiste de la région.

Populations russophones

Imants Lieģis, ancien ministre de la Défense et ancien ambassadeur de Lettonie en France, raconte combien la situation a été extrêmement tendue en Lettonie après l’invasion de l’Ukraine. « Les gens étaient inquiets. J’ai rassuré ma femme en disant que nous faisions partie de l’Otan. Elle m’a répondu que ses parents avaient quitté le pays en 1944 avec une valise et qu’elle ne voulait pas se retrouver dans cette situation. »

Les pays Baltes, depuis qu’ils sont sortis du giron soviétique en 1991, sont passés du collectivisme à une économie de marché, du parti unique au pluralisme. Il leur a aussi fallu construire un discours national, plus évident pour la Lituanie riche d’une histoire millénaire que pour l’Estonie et la Lettonie. Alors qu’il y avait moins de 10 % de russophones dans les trois pays Baltes avant 1939, on compte désormais 30 % de russophones en Lettonie , 25 % en Estonie et 6 % en Lituanie.

« Enfin, on nous écoute »

« Les pays Baltes n’ont cessé de dire pendant des années que la Russie était une menace mais ils étaient souvent considérés comme des russophobes au sein de l’Union européenne. Aujourd’hui, les leaders d’opinion et les élites politiques de ces pays se disent : enfin, on nous écoute, enfin l’Europe a compris », explique Katerina Kesa, estonienne et enseignante à l’Institut national des langues et civilisations orientales.

Face à la menace russe, les dangers sont multiples : dépendance énergétique, cyberguerre, campagnes de désinformation, attaques hybrides avec l’envoi de migrants syriens orchestrés depuis la Biélorussie.

Les pays Baltes ont fait des choix stratégiques pour leur sécurité : intégration à l’Otan, protection des Etats-Unis, adhésion à l’Union européenne. « Nous voulons que les Américains et les Européens travaillent ensemble car ce sont les démocraties qui sont défiées », explique un conseiller diplomatique pour qui l’appui américain est une « question de survie ».

Coincés entre la Russie, la Biélorussie et Kaliningrad

Les Baltes éprouvent en revanche la plus grande méfiance vis-à-vis du concept d’autonomie stratégique européen et de défense européenne. « Quels sont les objectifs, quelles sont les lignes rouges ? » s’interroge un diplomate balte. Toute architecture sécuritaire ne peut s’entendre qu’avec l’Alliance atlantique, car l’Union européenne est très loin d’être une puissance militaire. Coincés entre la Russie, la Biélorussie et le couloir de Kaliningrad, les risques de conflits conventionnels, voire nucléaires, leur paraissent plus réalistes que jamais.

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