Hubert Védrine sur l’après-guerre froide : « La personnalité des dirigeants a été décisive »

SPÉCIAL MUR DE BERLIN. Selon le porte-parole de l’Elysée de l’époque, ce sont les statures de Gorbatchev, de Bush, de Thatcher, de Mitterrand aussi, qui ont permis une sortie ordonnée de la guerre froide. Mais les vainqueurs ont raté l’intégration de la Russie. Entretien.

Seriez-vous d’accord pour dire que les pays de l’Est comme de l’Ouest ont réussi la sortie de la guerre froide, et raté la construction du monde d’après ?

Oui, les deux sont vrais. Il y a eu une gestion très intelligente et responsable de la fin de la guerre froide, en fait de la décomposition de l’URSS, qui a commencé bien avant l’ouverture du mur de Berlin. Mon souvenir de l’époque comme mon analyse a posteriori sont qu’il y a eu une vraie intelligence collective, même si chacun poursuivait ses propres fins : ça a été bien géré. En revanche après la fin de l’URSS, je pense qu’il y a eu une gigantesque occasion manquée, par les Occidentaux dans un premier temps, par la Russie ensuite.

La qualité des dirigeants de l’époque explique-t-elle la sortie réussie de la guerre froide ?

Je ne pense pas que les dirigeants font seuls l’histoire, mais il y a des moments où la personnalité des leaders est décisive, et c’est le cas ici. Pour des raisons propres à chacun. A commencer par Gorbatchev, il est trop oublié, et trop décrié en Russie. C’est un homme exceptionnel, d’un idéalisme confondant, pour un homme issu de ce système. Pensez qu’il a décidé vers 1986 ou 1987 de ne plus employer la force pour maintenir les régimes au pouvoir en Europe de l’Est, alors qu’il y avait encore quelque 300 000 soldats soviétiques dans la seule RDA ! C’est une décision géante ! Bien sûr, il a sous-estimé les conséquences de ses décisions, y compris pour lui. Vers 1988, il a commencé à dire à Mitterrand […]

Lire l’article sur L’Obs