Jean Pisani-Ferry : « Evitons de déstabiliser encore plus le marché du travail, et d’ajouter ainsi la fureur au bruit »

Les bonnes performances sur l’emploi atteintes en sept ans de mandat sont en partie dues à des circonstances qui ne se renouvelleront pas dans les trois ans qui viennent, prévient l’économiste dans sa chronique.

S’il y a un point sur lequel Emmanuel Macron a tenu ses promesses, c’est celui de l’emploi. Au cours de la campagne présidentielle de 2017, son ambition de ramener le taux de chômage à 7 % de la population active et de créer 1,3 million d’emplois avait été accueillie avec scepticisme. A l’arrivée, au moment de la présidentielle de 2022, le taux de chômage dépassait d’un cheveu ce niveau, et 1,5 million d’emplois avaient été créés, malgré la pandémie de Covid-19 et la crise énergétique. Aujourd’hui encore, les chiffres de l’emploi restent bons.

Comment expliquer cette performance ? En 2017, l’équipe du candidat attendait que les créations d’emplois résultent en partie du redressement de l’activité économique (550 000 prévues), mais surtout, pour la plus grande part, de mesures structurelles en faveur de la formation (550 000) et de l’abaissement du coût du travail (200 000). Evidemment, elle n’anticipait ni la crise sanitaire ni le choc énergétique consécutif à l’agression russe contre l’Ukraine.

Dans les faits, la croissance a été moins bonne que prévu, ce qui n’est pas difficile à comprendre, mais les créations d’emplois ont, paradoxalement, été plus fortes qu’attendu. C’est en fait la productivité qui a encaissé le différentiel, avec une baisse de 0,4 % par an depuis la mi-2017, ce qui ne s’était jamais vu, en raison des mesures en faveur des personnes éloignées de l’emploi, dont la contribution à la production est plus faible que celle des salariés en place. Quand un jeune désœuvré ou un senior fatigué retrouve un emploi, la productivité moyenne baisse, mais c’est quand même une bonne nouvelle.

Mais cette explication n’épuise pas la totalité du paradoxe. Eric Heyer et ses collègues de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) ont mis effectivement en évidence un impact du coût du travail (+ 130 000 emplois) et un effet de la formation (+ 250 000 apprentis), mais qui ne suffisent pas à expliquer les résultats observés (« Sous la menace du chômage »Policy Brief, no 121, octobre 2023).

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