Josep Borrell : la Chine est le pays « qui exerce la plus grande influence sur la Russie »

ENTRETIEN – Plus d’un an après le début de la guerre lancée par Vladimir Poutine contre l’Ukraine, le chef de la diplomatie européenne réaffirme son soutien à Kyiv, estimant que l’envoi d’armes et de munitions de la part des 27 était indispensable, à défaut de quoi, l’Ukraine pourrait tomber en quelques jours et devenir une « seconde Biélorussie ».

Retrouvez, ci-dessous, l’interview accordée par Josep Borrell à notre journaliste Méabh McMahon, dans le cadre du douzième forum de « l’état de l’Union » de Florence, en Italie début mai.

Méabh McMahon : Le monde n’est peut-être pas plus sûr qu’il ne l’était l’année dernière à la même époque. Comment s’est déroulée l’année pour l’Union européenne, et pour vous ?

Josep Borrell : L’année a été difficile, sans aucun doute, car elle a été marquée par l’arrivée soudaine d’une nouvelle guerre à nos frontières. Nous avons été très occupés à essayer de soutenir l’Ukraine. Mais nous avons aussi assisté à l’émergence de la Chine en tant que grande puissance, une puissance affirmée, dans un monde qui est en train de se fragmenter. D’autres pays, de grands pays très peuplés, se développent rapidement et ne veulent pas prendre parti dans la guerre ukrainienne. Bien qu’ils aient voté aux Nations unies contre l’invasion, ils ont aussi envoyé un message politique montrant qu’ils ont le sentiment que cette guerre n’était pas la leur. Cela est très mauvais pour nous. Les prix de l’électricité, de l’énergie et des denrées alimentaires ont immédiatement grimpé. Je pense donc que pour nous, Européens, cette année a été l’occasion de faire le point sur une réalité très complexe, un monde fragmenté où les deux superpuissances, les États-Unis et la Chine, s’affrontent. Et une fois de plus, la réalité dramatique d’une guerre à nos frontières qui nous a coûté beaucoup d’argent et qui a coûté des vies aux Ukrainiens.

Méabh McMahon : Avez-vous l’impression d’être devenu un diplomate de guerre ? De donner la priorité à l’Ukraine, et ne plus avoir le temps de vous occuper d’autres questions ?

Josep Borrell : Nous faisons plus que de la diplomatie. Mais en Ukraine, malheureusement, le temps des conversations diplomatiques sur la paix n’est pas encore venu. Nous en sommes à l’étape du soutien militaire pendant la guerre. Je me sens donc diplomate, mais aussi une sorte de ministre de la Défense de l’Union européenne, car j’ai passé une grande partie de mon temps à parler d’armes et de munitions. Je n’aurais jamais pensé passer autant de temps à réfléchir au nombre de tirs d’artillerie que je peux fournir, que nous, Européens, pouvons fournir aux Ukrainiens.

Méabh McMahon : Effectivement, l’an dernier, à la même époque, nous parlions beaucoup de sanctions. Aujourd’hui, comme vous le dites, l’UE se concentre davantage sur la défense. Lorsque vous vous réunissez à huis clos avec les ministres, avez-vous l’impression que l’UE est en mode guerre ?

Josep Borrell : La guerre nous a unis. Il n’y a rien qui puisse vous unir plus qu’un ennemi, une menace, et le sentiment d’être confronté à une menace. C’est une menace existentielle réelle, nous a unis plus que n’importe quel discours, n’importe quelle approche théorique sur la nécessité de l’intégration. Et il a également uni l’Occident. La relation transatlantique n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui.

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