La Chine cherche le soutien des Philippines pour avancer ses pions en mer de Chine

Les promesses d’investissements de Pékin convainquent le président Rodrigo Duterte de se tenir à un ton conciliant.

Par Frédéric Lemaître et Brice Pedroletti

Publié le 21 novembre 2018, Le Monde 

Après la Papouasie-Nouvelle-Guinée et le sultanat de Brunei, le président chinois, Xi Jinping, s’est rendu mardi 20 et mercredi 21 novembre en visite aux Philippines auprès du nouveau soutien régional de Pékin : le président Rodrigo Duterte. Une première pour un chef d’Etat chinois depuis treize ans.

Autant d’étapes qui montrent que, malgré les critiques américaines, la Chine n’a aucunement l’intention de renoncer à son projet d’investissements internationaux des « nouvelles routes de la soie ». L’étape philippine est stratégiquement importante car Manille est un allié de longue date des Etats-Unis.

L’un des vingt-neuf accords conclus au cours de cette visite concerne l’exploration conjointe du pétrole et du gaz dans les eaux litigieuses de la mer de Chine du Sud, encore au stade de protocole d’accord. « Si cela aboutit, Pékin marque un point, car il cherche depuis longtemps à mettre en place ce type de cadre avec des pays riverains. Les Vietnamiens ont toujours refusé, par exemple »,explique Jean-Pierre Cabestan, de l’université baptiste de Hongkong.

Pour la Chine, l’intérêt est de préparer le terrain pour des arrangements similaires avec les autres pays riverains qui contestent ses revendications maritimes en mer de Chine du Sud. M. Xi s’est donné trois ans pour mener à bien l’élaboration d’un « code de conduite », une sorte de pacte de non-agression, discuté de longue date, avec les pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est.Rodrigo Duterte a fait montre, dès son élection en 2016, d’une grande prévenance envers Pékin : il a décidé d’ignorer la décision, tombée quelques semaines après sa victoire, de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye qu’avait saisie son prédécesseur, Benigno Aquino, après l’occupation par la Chine de l’atoll de Scarborough en 2012, à 220 km à peine des côtes philippines. Celle-ci avait donné raison à Manille en statuant que les revendications de Pékin en mer de Chine méridionale n’avaient « aucun fondement juridique ».M. Duterte s’était justifié au motif qu’aucune entité ne pouvait faire appliquer la décision. En octobre de la même année, il se rendait à Pékin avec l’ambition ouverte d’y signer des contrats, annonçant solennellement, pour le plus grand plaisir de son hôte, sa « séparation » d’avec les Etats-Unis.

[…]