Le régime Assad vivement stigmatisé au cours des séances de la WPC à Doha

24.11.16

Michel TOUMA (à Doha) | OLJ

Une conférence internationale sur la gouvernance mondiale ne pouvait pas, en toute logique, ne pas plancher sur le dossier du terrorisme international et de la situation explosive au Moyen-Orient. Au cours de deux tables rondes, des intervenants de différents horizons se sont ainsi penchés sur ces thèmes au cours de la 9e session annuelle de la World Policy Conference (WPC) qui s’est tenue pendant trois jours, du 20 au 22 novembre, à l’hôtel Sheraton de Doha, au Qatar, à l’initiative de l’Institut français des relations internationales, IFRI (voir L’Orient-Le Jour des lundi 21 et mardi 22 novembre).

Ce rendez-vous annuel organisé sous l’impulsion du président et fondateur de l’IFRI, Thierry de Montbrial, permet à plus d’une centaine d’éminentes personnalités du monde politique, économique, académique, des affaires et de la presse, venant des quatre coins de la planète, de débattre des grands sujets à caractère stratégique qui marquent les développements dans le monde dans les différents domaines de l’actualité.
Au cours du débat portant sur l’avenir du Moyen-Orient, un dénominateur commun s’est dégagé des discussions entre les intervenants : une stigmatisation du régime de Bachar el-Assad, et l’importance d’une action multilatérale globale qui devrait s’attaquer aux racines profondes des problèmes auxquels est confronté le M-O afin de trouver une issue aux crises qui secouent la région.

« Le futur est certes encore imprévisible, mais face aux défis actuels, nous devons coopérer tous ensemble », a notamment souligné Youssef Amrani, membre du cabinet royal au Maroc, qui a mis l’accent sur la nécessité de « ne pas occulter les menaces qui planent sur l’Afrique du Nord ». Il a appelé dans ce cadre à « détruire l’extrémisme » et à « œuvrer en vue de trouver une alternative au radicalisme », ce qui nécessite, précise-t-il, de « travailler sur les mentalités » et d’induire « une stratégie inclusive », dans le respect du pluralisme.

Saëb Erakat, négociateur en chef au nom de l’Autorité palestinienne, a abondé dans le même sens, appelant à « redéfinir notre système éducatif et à défendre le droit de la femme », d’autant que « nous faisons face à une culture de la haine ». Dans son exposé critique de la situation présente au Moyen-Orient, le responsable palestinien a par ailleurs déploré que pour certaines parties internationales, Bachar el-Assad est considéré comme « un bon ou un mauvais dictateur suivant les circonstances ». « Ce double jeu doit cesser », a-t-il notamment déclaré.

L’ancien Premier ministre syrien

Riad Hijab, ancien Premier ministre syrien qui a abandonné son poste en 2012, fuyant la Syrie pour rejoindre l’opposition, a rebondi sur la situation dans son pays, soulignant qu’il ne s’agit plus de lutter contre le régime Assad « qui a perdu le contrôle d’une bonne partie de la Syrie ». « La lutte revêt désormais un caractère existentiel », a relevé M. Hijab qui a dénoncé à cet égard la présence sur le territoire syrien de « dizaines de milices confessionnelles et sectaires étrangères ». Stigmatisant les exactions du régime contre la population civile, l’ancien Premier ministre syrien a abondé dans le même sens que les autres intervenants, affirmant que la lutte contre le terrorisme doit être « une lutte globale ».

Rappelant que le président Barack Obama a clairement souligné que « Bachar el-Assad a perdu sa légitimité » du fait des massacres qu’il a perpétrés contre son propre peuple, Riad Hijab s’est prononcé pour la mise en place d’un « gouvernement transitoire qui ne devrait pas englober ceux qui ont commis des massacres, dont notamment Bachar el-Assad ». L’objectif qui devrait être atteint, a relevé l’ancien Premier ministre syrien, est d’aboutir à un système politique pluraliste.
Déplorant la passivité de l’administration américaine à l’égard de la guerre en Syrie et des massacres perpétrés par le régime Assad, Riad Hijab a stigmatisé la politique de veto pratiquée par la Russie, précisant que Moscou a usé à cinq reprises de son droit de veto à l’Onu afin de bloquer des résolutions sur la guerre syrienne.

L’ancien ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, a tenu des propos plus nuancés, appelant à l’instauration d’un cessez-le-feu durable en Syrie et déplorant le fait que la communauté internationale « n’agit pas suffisamment pour faire face au monde nouveau » auquel nous sommes confrontés. « Le 11/9 (les attaques contre New York et le Pentagone) et le 9/11 (l’élection de Donald Trump) montrent que nous sommes entrés dans un nouveau monde », a déclaré M. Moratinos qui a affirmé que la véritable stabilité au Moyen-Orient passe par le règlement du problème israélo-palestinien. Et l’ancien chef de la diplomatie espagnole d’appeler les pays arabes et l’Union européenne à prendre l’initiative de proposer un plan de paix, sans attendre les États-Unis à ce propos.

Itamar Rabinovich

Ancien ambassadeur d’Israël à Washington et actuellement président de l’Institut d’Israël, basé à Washington, Itamar Rabinovich a rappelé dans ce cadre que lui-même, de concert avec Saëb Erakat, avait longtemps lutté pour l’adoption de la solution des deux États pour régler le conflit israélo-palestinien. Analysant la situation au Moyen-Orient, M. Rabinovich a relevé qu’au XXe siècle, la Turquie et l’Iran ne comptaient pas parmi les acteurs politiques au M-O, ce qui n’est plus le cas actuellement. « Ce facteur doit être pris en considération », a déclaré l’ancien ambassadeur d’Israël qui a ajouté sur ce plan que la conjoncture dans la région devrait être examinée aussi en ayant à l’esprit qu’il existe six États dans la région dont les fondements ont été détruits, en l’occurrence la Syrie, l’Irak, la Libye, le Yémen, le Soudan et le Liban. « Le défi est d’édifier des États stables dans ces pays », a souligné M. Rabinovich qui a affirmé sur un autre plan que « l’avenir du Hezbollah dépend du sort de la Syrie, d’où le fait que l’Iran s’investit beaucoup en Syrie ».
Le président (saoudien) du Centre de recherche du Golfe (Gulf Research Center), Abdulaziz Othman bin Sager, a dénoncé de son côté la tentative de « détruire l’identité et l’appartenance arabes au profit de structures confessionnelles ». Le responsable saoudien a déclaré dans ce cadre que le printemps arabe a été exploité pour implanter des milices étrangères et faciliter les ingérences non arabes.
En conclusion, le responsables saoudien a affirmé, comme les autres intervenants, que le terrorisme constitue une menace pour tous les pays et nécessite ainsi une coopération globale de toutes les parties concernées.