Otan : vers un nouveau pacte de sécurité ?

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Renaud Girard, Le Figaro

Dans les Relations internationales, il y a parfois des moments rares, qu’il faut savoir saisir.

Cet enchaînement particulier de la mi-juillet 2018 en est un. Les 11 et 12 juillet à Bruxelles se tiendra un sommet de l’Otan. Le 16 juillet un autre sommet, lui aussi en grande partie consacré à la sécurité en Europe, se tiendra à Helsinki entre les Etats-Unis et la Russie. Pourquoi ne pas préparer pendant le premier sommet un plan qui serait proposé lors du second ?

Le scénario attendu du sommet de l’Otan est connu : son Secrétaire général va dresser un tableau alarmiste des menaces potentielles en provenance de l’Ours russe ; le président américain va exprimer sa lassitude de payer pour la défense de ses riches alliés européens ; et ces derniers vont promettre de faire davantage d’efforts budgétaires en faveur de leurs forces armées. Le « si vis pacem, para bellum » ayant fait ses preuves dans l’Histoire, cette approche classique n’est pas sans justification.

Mais la France pourrait utiliser sa position particulière dans l’Alliance atlantique, marquée par sa tradition d’indépendance, pour faire acte d’inventivité à ce sommet de l’Otan. Elle pourrait faire valoir à ses alliés que la sécurité ne se recherche pas que dans l’armement, qu’elle se recherche aussi dans les traités.

Lors de la crise des missiles de Cuba (1962), le monde n’était pas passé loin de l’apocalypse atomique. S’ouvrit alors une seconde phase de la guerre froide, où les grandes puissances nucléaires mirent en place des arrangements (comme le téléphone rouge entre Moscou et Washington) et construisirent des traités, afin d’éviter les possibilités de dérapage, afin de réduire l’intensité de la course aux armements, afin de garantir la sécurité du continent européen. La plupart de ces traités sont aujourd’hui caducs. La France serait donc bien avisée de proposer à ses partenaires de l’Otan le principe d’une nouvelle grande Conférence sur la sécurité en Europe, qui aborderait tous les sujets qui fâchent : missiles nucléaires à portée intermédiaire théoriquement bannis (mais les Russes ont déployé dans l’exclave de Kaliningrad des missiles Iskander); « boucliers » anti-missiles de l’Otan en Pologne (dont les rampes de lancement peuvent aussi servir pour des missiles à portée intermédiaire) ; déséquilibre des Forces conventionnelles entre les différents pays ; manœuvres militaires ; cyberguerre, etc.

Le traité de Paris de réduction des forces conventionnelles de novembre 1990 a été suspendu, d’abord par la Russie, ensuite par les pays membres de l’Otan. Il n’est plus pertinent, car conçu bien avant l’élargissement de l’Otan aux anciens pays du Pacte de Varsovie, puis aux pays Baltes. Il a besoin d’être refait de fond en combles.

Le traité ABM de Moscou de 1972 limita à deux, puis à un, le nombre de sites de missiles antimissiles autorisé pour chacune des deux superpuissances. Il a été abandonné par George W. Bush au début de l’année 2002. Il mériterait d’être réactivé.

La cyberguerre est un nouveau type de conflit, très à la mode. C’est vraiment la « continuation de la politique par d’autres moyens » chère à Clausewitz, car, sans vacarme, elle permet d’avertir, d’intimider, de désorganiser, un adversaire qu’on a secrètement décidé de faire plier. Les Russes l’ont pratiqué contre les Etats Baltes ou, plus récemment, contre l’Ukraine. A commencer par la Russie, les Etats parties à cette nouvelle Conférence pourraient adopter un code de conduite où ils renonceraient à s’attaquer les uns les autres sur les réseaux informatiques.

N’est-il pas absurde de tenir une telle Conférence de sécurité en Europe alors que la crise ukrainienne de 2014 n’est toujours pas résolue ? L’hostilité Kiev-Moscou ne se résorbera pas du jour au lendemain car le sang a coulé au Donbass et l’armée ukrainienne y a été humiliée à deux reprises. Mais il faut à tout prix éviter que cette crise en catalyse d’autres. La persistance de la guerre au Donbass milite justement pour l’utilité de cette Conférence. L’absurde est qu’une forme de guerre froide soit revenue à l’Est de l’Europe, alors que l’intérêt des Occidentaux, face à la montée en puissance de la Chine, est qu’ils parviennent à ramener la Russie de leur côté.

Trump est affaibli car son Secrétaire d’Etat s’est fait ridiculiser par la Corée du Nord. C’est donc le moment pour les Européens de lui tendre la main et de l’aider à obtenir un succès diplomatique. L’Otan doit montrer son unité, afin que Trump arrive en position de force face à Poutine. Mais une fois renforcé, le président américain doit aussi proposer une ouverture à son homologue russe. Face à une Russie qui a besoin de réduire son budget militaire, quoi de mieux que la perspective d’un nouveau traité de sécurité ?

Les dirigeantes de Grande-Bretagne et d’Allemagne sont trop affaiblies chez elles pour prendre une telle initiative. A Macron donc de jouer !