Où en est la gouvernance mondiale?

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6.11.17

by François Nordmann

Donald Trump n’est pas un phénomène passager, on ne retrouvera pas après lui le type de relations que l’Europe cultivait naguère avec les Etats Unis, écrit l’ancien ambassadeur François Nordmann.

Analyse spectrale de la situation mondiale et exercice de prospective: c’est la double ambition de la «World Policy Conference» dont la dixième édition s’est tenue le week-end dernier à Marrakech. Présidée par son fondateur, Thierry de Montbrial, elle réunit des hommes d’Etat, des diplomates et des spécialistes des relations internationales avec des responsables de grandes sociétés multinationales. Elle a pour objectif, selon le résumé qu’en a donné le président Emmanuel Macron dans son message d’ouverture, «de réfléchir ensemble aux moyens de conserver une gouvernance mondiale raisonnablement ouverte, capable d’absorber les chocs tout en facilitant les changements désirables».

Cette année, les quelque deux cents participants ont traité de divers aspects de la gouvernance mondiale: que penser de la politique de Donald Trump? Quel est l’état de l’Union européenne? Qu’en est-il des risques qui pèsent sur l’économie mondiale? Quel impact la Chine a-t-elle sur la sécurité en Asie au lendemain du 19e congrès du Parti communiste chinois? Où en sera la Russie dans vingt ans? Comment évoluent les crises du Moyen-Orient? Politique commerciale, politique financière, énergie et climat, travail et intelligence artificielle, dimension humanitaire font aussi partie des thèmes abordés par des experts américains, européens, asiatiques et africains.

Risque nord-coréen
Prenez l’Amérique. Un an après l’élection de Donald Trump, Sir John Sawers, ancien conseiller diplomatique de Tony Blair, n’y va pas par quatre chemins. Le nouveau président est inefficace, profondément inapte à exercer ses fonctions et il représente de ce fait un réel danger, par exemple dans la gestion de la crise nucléaire provoquée par la Corée du Nord, préoccupation majeure aujourd’hui. Il reste six à dix-huit mois avant que Pyongyang ne devienne effectivement une puissance nucléaire.

Le rythme des essais atomiques s’accélère: Kim Jong Un veut disposer de l’arme nucléaire et de missiles intercontinentaux avant d’être étouffé sous les sanctions de l’ONU qui commencent à avoir de l’effet. Selon l’ambassadeur japonais Okamoto, Kim sera alors prêt à négocier en même temps le dossier nucléaire et celui de la réunification. Il cherchera à exclure les Américains de la péninsule et les menacerait du feu de ses missiles s’ils résistaient… Cependant ni le Japon ni la Corée du Sud n’ont intérêt à la réunification.

Test pour l’Europe
Selon Hubert Védrine, ancien ministre français des Affaires étrangères, Netanyahou et les Pasdaran iraniens se réjouissent de l’élection de Trump; Rouhani, les Palestiniens, le Mexique et le Canada le redoutent. La Chine en profite. Le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et les Européens sont déstabilisés et inquiets – à noter en passant la différence de tactique entre Mme Merkel et M. Macron dans leurs relations avec le nouveau président américain. Le président français essaie de garder le contact et de prendre Trump comme il est, mais sans taire leurs divergences. La chancelière allemande estime qu’on ne peut plus lui faire confiance et que l’Europe ne doit désormais compter que sur ses propres forces.

Sur le changement climatique et sur l’accord avec l’Iran, l’Europe tient bon. Si le Congrès américain devait finalement réimposer des sanctions à l’Iran au titre de son programme nucléaire, les Européens seront face à un dilemme: soit les sociétés européennes se plient au nouvel embargo, et c’est la fin de l’accord de Vienne. Soit elles ne s’y conforment pas, et elles s’exposent de ce fait à des représailles américaines. La capacité de l’Europe à se protéger solidairement de ces mesures constituera un test de toute sa politique extérieure. Mais Donald Trump n’est pas un phénomène passager, on ne retrouvera pas après lui le type de relations que l’Europe cultivait naguère avec les Etats Unis. Il est l’expression d’un changement radical de l’électorat américain. D’ailleurs, vu sa popularité et l’état de confusion dans lequel se trouvent les démocrates, on ne peut exclure qu’il ne soit réélu en 2020…