07.11.2023
Une solution à deux Etats, une autorité palestinienne renforcée, et avant tout un cessez-le-feu, le tout passant par une grande conférence internationale: notre chroniqueur a écouté les pistes évoquées à la World Policy Conference.
A deux reprises, la Suisse a réaffirmé fin octobre devant l’ONU que « le seul socle sur lequel la paix et la stabilité peuvent reposer au Moyen-Orient est la solution à deux Etats ». C’est l’idée qui a généralement cours dans les chancelleries et qui reste en effet la base de toutes les résolutions des Nations unies. Toutefois, certains experts dans notre pays doutent de la possibilité de mettre en œuvre une telle formule en raison de la présence de 750 000 colons israéliens en Cisjordanie, qui constitueraient l’obstacle majeur à la création d’un Etat palestinien.
Il était donc intéressant d’entendre, le week-end dernier, l’ancien ministre égyptien Nabil Fahmi défendre ladite solution à deux Etats. Il s’exprimait à Abu Dhabi, lors de la World Policy Conference de cette année, tenue sous la présidence de Thierry de Montbrial. A son avis, il n’y a pas d’alternative: régler le problème palestinien au sein d’un seul Etat n’est pas réaliste et n’amènerait pas la paix; cela supposerait que les composantes israélienne et palestinienne doivent renoncer à leur identité respective au profit de l’identité sui generis du nouvel Etat, ce qui est impensable. Quand reviendra le temps de la diplomatie, les Etats arabes devraient prendre l’initiative de convoquer une conférence internationale avec l’aide des grandes puissances mondiales pour relancer le processus de paix entre Arabes et Israéliens, avec en son cœur le dialogue israélo-palestinien. Cette fois, on ne saurait se contenter de « contenir » le problème, selon l’expression d’Anwar Gargash, conseiller diplomatique du président des Emirats arabes unis, de le gérer comme on l’a fait depuis vingt-cinq ans. Il s’agit au contraire d’aller au fond des choses et de trouver une formule définitive, qui s’appliquerait à tous les aspects du problème et qui déboucherait sur la création d’un Etat palestinien viable et souverain. Aux côtés d’Israël dont la sécurité serait garantie. Israël et l’Autorité palestinienne devraient adopter une meilleure gouvernance, en particulier dans le respect du droit international.
L’ancien premier ministre palestinien Salam Fayyad, que d’aucuns verraient bien un jour à la tête de l’Autorité palestinienne, renchérit à ce propos dans un article de la revue Foreign Affairs: il plaide depuis dix ans pour l’élargissement de l’OLP à toutes les factions palestiniennes, y compris le Hamas, de manière à conférer plus de poids à l’Autorité palestinienne, qui serait alors en mesure de prendre pleinement ses responsabilités y compris sur le territoire de Gaza. Pour l’heure, l’urgence commande de se mettre en mode de gestion de crise (objectif: trêve humanitaire, prévenir l’escalade du conflit) selon un autre participant, Volker Perthes, haut fonctionnaire de l’ONU, avant de songer à la résolution du conflit proprement dite. Pour Nabil Fahmi, l’ex-ministre égyptien, les tueries quotidiennes, la destruction de Gaza ne sauraient servir de base à de futures relations; elles nourrissent un nouveau discours de haine et de revanche, ce qui rend d’autant plus urgent un cessez-le-feu, ne serait-ce que pour préserver les chances d’une reprise des négociations sur le fond. Il ajoute: « La thèse selon laquelle les « dommages collatéraux » seraient acceptables en raison de la source initiale du conflit n’est pas recevable. » Le professeur israélien Itamar Rabinovitch déclare que l’actuel gouvernement israélien n’est pas capable d’adopter une vue suffisamment large pour traiter avec les Palestiniens mais qu’il sera remplacé après la fin de la guerre, d’une manière ou d’une autre. Il souligne qu’Israël n’est pas seulement aux prises avec le Hamas, mais qu’il combat également les quatre autres organisations qui agissent par procuration de l’Iran (Hezbollah, Djihad islamique, houthis, groupe islamique de Syrie): les pays du Golfe en sont conscients.
Le risque d’une extension du conflit a été peu évoqué au cours de ce riche débat: pourtant, c’est un autre facteur de tension. La présence des porte-avions américains en Méditerranée orientale, d’un navire dans la mer Rouge et de renforts britanniques et américains à Chypre sert ainsi à la dissuasion vis-à-vis de l’Iran.
L’article a été publié sur Le Temps.