Voici ce que les chefs d’Etats africains promettent à leurs concitoyens en 2024

Plusieurs dirigeants du continent ont pris la parole ce 31 décembre, pour des discours bilan et des promesses pour les 12 prochains mois. Voici une sélection réalisée par BBC Afrique.

L’on remarque que lors de leurs discours de fin d’année, la majorité des dirigeants ont abordé des questions économiques, liées notamment à l’inflation galopante dans la région, affectant le pouvoir d’achat des foyers, et menaçant la quiétude des citoyens.

Ils ont aussi abordé des questions liées à l’autosuffisance alimentaire, la lutte contre la corruption et les détournements de deniers publics.

Pour les pays gouvernés par des autorités militaires de transition, les dirigeants ont fait le bilan de leurs réalisations, et l’avancée des processus de retour du pouvoir aux civils, sans oublier la question de la sécurité, qui est restée omniprésente dans les allocutions.

Paul Kagame (Rwanda) : « Ce sont ceux qui nous promettent la destruction qui la subiront »

C’est devant des centaines de personnes que le président rwandais a préféré envoyer une réponse à demi-mots à son voisin congolais.

Décontracté devant la foule réunie le 30 décembre au palais à l’occasion de la fête de fin d’année, Paul Kagamé lance : « Lorsque nous entendons ceux qui prétendent planifier une attaque et détruire la sécurité du Rwanda, la question est : y a-t-il quelque chose que nous n’avons pas vu ? »

Sans faire nommément référence au président congolais Félix Tshisekedi, le dirigeant rwandais promet à ses compatriotes de les protéger.

« Ce sont ceux qui la souhaitent (la destruction ndlr) pour nous qui en feront l’expérience », déclare-t-il, en faisant des petits pas devant l’assistance.

Ses propos arrivent deux semaines après la déclaration de Felix Tshisekedi, alors candidat à sa propre succession, lors de la campagne électorale ayant précédé la présidentielle du 20 décembre qui a conduit à sa réélection.

Le candidat Tshisekedi déclarait devant ses partisans lors d’un meeting « Dites à Kagame que je ne suis pas comme les anciens dirigeants de la RDC avec qui il s’amusait. La RDC a changé. Je répondrai à toute provocation. »

Avant de promettre « Je vais convoquer le Parlement en congrès pour m’autoriser à déclarer la guerre au Rwanda », avait-il lancé, à la place Sainte-Thérèse de Kinshasa.

C’est un nouveau chapitre dans la guerre des déclarations entre les deux pays, qui arrive à l’aube d’une nouvelle année.

Kinshasa a toujours soupçonné Kigali de soutenir les rebelles du M23 qui causent l’insécurité dans l’Est de la RDC, ce que les dirigeants rwandais ont toujours nié.

« Nous ferons toujours ce qui est nécessaire pour garantir la sécurité des Rwandais, quoi qu’il arrive. », a ajouté Paul Kagamé lors de son allocution, après avoir félicité les forces de l’ordre du Rwanda, pour leur apport dans la sécurisation du pays, et dans les missions à l’étranger.

Mamadi Doumbouya (Guinée) : « une nouvelle constitution sera soumise au référendum »

C’est l’annonce forte du colonel Doumbouya, au pouvoir depuis le coup d’Etat contre le président Alpha Condé en 2021.

Ce sera « une Constitution approuvée par le peuple et qui n’est pas du copier-coller, mais une Constitution qui s’inspire du passé pour bâtir ensemble notre avenir », a-t-il expliqué pendant son allocution.

M. Doumbouya s’est engagé, après le coup d’Etat de 2021, de remettre le pouvoir aux civils dans 2 ans, à partir de début janvier 2023.

Il a également promis que ni lui, ni les membres de son gouvernement ne seront candidat aux élections qui sanctionneront la période de transition.

« La mise en place des institutions fortes qui résistent au temps et à la tentation des hommes reste et demeure l’un des objectifs clés de cette transition », a-t-il ajouté.

Macky Sall (Sénégal) : « le 2 avril 2024 s’il plait à Dieu, je transmettrai le pouvoir à mon successeur »

C’était un discours d’Adieux pour le numéro un sénégalais. Il rendra son tablier, début avril prochain, après la présidentielle prévue le 25 février.

Après 12 ans à la tête du pays, Macky Sall a renoncé à se présenter à la présidentielle prochaine, en juillet dernier.

« Je resterai ensuite disponible et de bonne volonté, car j’ai le Sénégal chevillé au corps ; et j’ai le Sénégal au cœur », a déclaré M. Sall, dans son allocution de dimanche dernier.

Il compte mettre en place une Fondation dédiée à la paix, au dialogue et au développement. Une organisation qui se penchera, selon le président sénégalais, sur un plaidoyer pour « la coexistence pacifique des peuples, le dialogue des cultures et des civilisations, le développement durable et inclusif, la justice climatique, le financement de la santé, en particulier la santé maternelle et infantile, le soutien à la jeunesse, le développement des infrastructures en Afrique et la réforme de la gouvernance mondiale », déclare-t-il dans son discours.

Dans un discours plus long que d’habitude, il ne fait pas de promesses particulières pour l’avenir du pays, mais se consacre à faire le bilan de ses 12 ans passés à la tête du pays.

Le pays tiendra le mois prochain, une élection présidentielle, la toute première dans l’histoire politique du pays, au cours de laquelle le président sortant ne prendra pas part.

En prélude à ce scrutin, plusieurs manifestations de l’opposition ont éclaté dans le pays, revendiquant la participation de l’opposant Ousmane Sonko, aujourd’hui incarcéré.

Macky Sall qui va se retirer, s’engage à faire « en sorte que l’élection présidentielle du 25 février 2024 se déroule, comme les précédentes, de façon paisible et dans les meilleures conditions d’organisation ».

Et invite « tous les candidats à œuvrer dans le même esprit », lance-t-il, avant de poursuivre « Tous, ensemble, allons aux urnes dans le calme, la sérénité et le fair-play ».

Brice Oligui Nguéma (Gabon) : « le dialogue national sera convoqué dans les prochains mois »

Assis, flanqué d’une vareuse rouge, Képi aux deux étoiles fixé sur la tête et charte de la transition bien visible, le colonel Oligui Nguéma a prononcé son tout premier discours de fin d’année en tant que chef d’Etat.

Une allocution largement consacrée au bilan de ses 4 mois de gestion du pays après le coup d’Etat du 30 août 2023.

Ma responsabilité « en tant que président de la République est de veiller au bien-être des populations gabonaises », lance le général, avant d’embrayer sur des promesses, dont celle qui a pris effet dès le 1er janvier.

« J’instruis le ministre du pétrole et du gaz de prendre toutes les dispositions administratives et techniques nécessaires afin qu’à compter du 1er janvier 2024, le prix du gaz en République gabonaise soit revu à la baisse » a-t-il indiqué, sans donner de précisions sur la marge de réduction.

Le dirigeant gabonais compte aussi racheter la société pétrolière Assala Energy, l’un des producteurs pétroliers majors du Gabon. La filiale de la société américaine Carlyle Group, présente au Gabon depuis 2017 semblait pourtant avoir trouvé une entente en août dernier avec la société pétro-gazière française Maurel & Prom pour son rachat.

Mais l’Etat gabonais a « décidé de faire valoir les droits de préemption de l’Etat pour le rachat de la société pétrolière Assala », déclare le général Oligui, estimant que « C’est un acte de portée nationale qui permettra à la République de marquer sa souveraineté dans le secteur pétrolier, poumon de notre économie ».

Brice Oligui pense aussi aux retraités, « je prends l’engagement de commencer à payer les rappels de vos pensions, d’ici le mois de février 2024 », promet-il.

Sur le plan politique, le général Oligui promet de restaurer les institutions, en commençant par un dialogue national « qui sera convoqué dans les prochains mois », et la Constitution, qui sera élaborée par la constituante et adoptée par voie référendaire.

Paul Biya (Cameroun) : « je suis intransigeant pour le respect du droit à l’éducation »

C’est une déclaration reçue dans les milieux des enseignants comme une menace. Le président camerounais est revenu sur la grève qui perdure dans le système éducatif du pays, les enseignants regroupés au sein du collectif OTS, revendiquent leur prise intégrale en solde et les avancements dans leurs carrières.

L’enveloppe qu’ils réclament à l’Etat s’élève à quelque 200 milliards de francs CFA, selon les syndicats des enseignants.

Dans son discours, M. Biya renseigne qu’une « provision complémentaire de 102 milliards de francs CFA a été constituée dans le budget de l’Etat, au titre de l’exercice 2024, afin d’apurer les dépenses résiduelles », après les « 72 milliards de francs CFA (…) débloqués en 2023 pour prendre en charge » les dépenses liées aux revendications des enseignants, avant de les mettre en garde.

« Il sera dès lors difficilement admissible que l’éducation de nos enfants continue d’être prise en otage par une frange d’enseignants, dont les motivations réelles semblent s’écarter des objectifs affichés », déclare-t-il.

« Je suis intransigeant pour le respect du droit à l’éducation », poursuit monsieur Biya.

Dans son allocution, le président camerounais revient aussi sur l’épineuse question des subventions du carburant.

Au mois de décembre, le pays a fait face à une pénurie qui a duré plusieurs jours, paralysant certains secteurs d’activité.

Pour maintenir les prix bas, le gouvernement a décidé de subventionner ce produit de grande consommation. En 2022, l’Etat a déboursé 1000 milliards pour ce besoin, avant de réduire l’enveloppe à 640 milliards en 2023.

Mais, « Le poids de ces subventions pèse lourdement sur notre budget et rétrécit considérablement les ressources, dont nous avons le plus grand besoin, pour apporter des réponses aux autres problèmes auxquels nos populations sont confrontées », soutient-il.

Avant de conclure « Nous n’aurons très certainement pas d’autres choix, que de la réduire de nouveau. Nous veillerons néanmoins à ce que les ajustements nécessaires n’impactent pas substantiellement le pouvoir d’achat des ménages ».

Ibrahim Traoré (Burkina) : « nous allons poursuivre les efforts de reconquête du territoire »

« Nous allons continuer à briser les chaînes de l’esclavage, à briser les chaînes du néocolonialisme qui nous empêchent de connaître le bonheur », lance le capitaine Traoré assis devant un tableau, pavoisé par les couleurs du pays, lorsqu’il entame sa série de promesses pour l’année qui s’ouvre.

La défense semble être l’une de ses priorités majeures au cours de cette année. Le dirigeant burkinabè annonce la création d’une « brigade spéciale d’intervention rapide », une unité de combat qui sera mise en place pour la première fois dans le pays, et qui regroupera trois corps de l’armée, dont les forces spéciales, informe M. Traoré.

Il a la mine serrée, lorsqu’il aborde ses ambitions sur le plan de l’alimentation, citant deux projets gouvernementaux en cours qui en 2024, « permettront de se rapprocher de l’autosuffisance alimentaire ».

Le Burkina Faso, comme plusieurs pays de la région vivent des situations d’urgence alimentaire. Au Faso par exemple, 3 millions, 351 mille personnes ont connu une insécurité alimentaire en 2023, selon le programme alimentaire mondial.

L’agence onusienne citant le cadre harmonisé, par lequel les Nations unies analysent la sécurité alimentaire dans le Sahel en collaboration avec les Etats, estime que ce chiffre connaîtra une légère baisse en 2024, avec quelque 2 millions 998 mille personnes qui devraient être touchées.

Le dirigeant burkinabè promet aussi d’intensifier la lutte contre la corruption. Entre 2018 et 2021, 16 milliards de francs CFA d’irrégularités financières ont été constatés à la présidence de la République, à l’Assemblée nationale et à la primature, selon l’autorité supérieure de contrôle d’État et de lutte contre la corruption du Burkina Faso.

« Le phénomène a perduré en 2023 », déclare Ibrahim Traoré.

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https://www.bbc.com/afrique/articles/cv2j80emyr1o