Cheikh Tidiane Gadio à la World Policy Conference : « Mutualiser les forces pour aider l’Afrique à défendre l’Afrique… »

22.11.2016

Ndeya G.

À l’occasion de la World Policy Conference, tenue cette année à Doha au Qatar (20-22 novembre), le Docteur Cheikh Tidiane Gadio, Président de l’IPS, et Nathalie Delapalme, Directrice exécutive à la Fondation Mo Ibrahim, ont co-animé un Panel sur « Sécurité et développement économique en Afrique ».

La « World Policy Conference », un rendez-vous annuel initié, depuis 9 ans par Thierry de Montbrial, Président de l’IFRI, réunit des experts de haut niveau et des membres d’instituts académiques et des leaders de Think Tank de référence de tous les continents pour faire le point sur l’état du monde et proposer des perspectives.

Dr. Gadio, seul panéliste originaire de l’Afrique sub-saharienne, a séduit les participants, selon un communiqué parvenu à notre rédaction, par une analyse et des propositions loin de la langue de bois et appelant sans ambages à une rupture paradigmatique urgente sur les questions de sécurité et de développement en Afrique.

Selon le Président de L’IPS, l’Afrique, en ayant refusé la vision et le plaidoyer panafricanistes de Nkrumah et de Cheikh Anta, n’a tout simplement « pas de stratégie » et a inscrit son action dans  l’errance, le tâtonnement et l’éternel recommencement.

Un coup c’est le brillant « Plan de Lagos », le lendemain c’est le « Traité d’Abuja », le surlendemain c’est « la vision et les missions de l’Union africaine », sitôt supplanté par le Nepad, lui même bousculé par le bouquet (final?) qu’est le fameux « Agenda 2063 » qui choisit d’inscrire l’urgence des grands ensembles et de la Renaissance africaine dans un incroyable et long processus de 50 ans. Ce dernier plan, déjà concurrencé par la fièvre épidémique des « Plans émergents » individuels, souvent irréalistes et solidement ancrés dans la poursuite suicidaire des « chevauchées individuelles pour un échec collectif », contient un aveu de taille: ce que la Corée du Sud a réalisé en 2 décennies l’Afrique s’engage à le faire en… 100 ans.

Le Docteur Gadio a rappelé que ce pays asiatique qui était au niveau du Sénégal et du Ghana en 1960 a, aujourd’hui, un PIB équivalent à celui des 25 pays d’Afrique regroupés dans le marché du Nord-Est et du Sud du continent.

Au total a-t-il conclu ce chapitre, parmi  les 54 pays de l’Afrique hyper-balkanisée (et en voie de balkanisation continue), que lèvent le doigt ceux qui ont réussi les fondamentaux du développement: agriculture, éducation santé, infrastructures et embryon d’industrialisation!

Par ailleurs, Il a déploré la faiblesse des réponses africaines aux défis sécuritaires et la résistance, au nom d’une souveraineté factice et très relative, à la mutualisation des forces et des compétences pour aider « l’Afrique à défendre l’Afrique », « l’Afrique à protéger l’Afrique ». Face au carré infernal des Shebabs en Somalie et au Kenya, Daesh en Libye et en Egypte, Aqmi au Mali et dans le Sahel et Boko Haram au Nigeria et dans le BASSIN du Lac Tchad, le danger de déménager l’épicentre du terrorisme mondial en Afrique est loin d’être une vue de l’esprit. 22 pays du continent sont désormais directement affectés par le fléau du Terrorisme et les métastases continuent!!!

Seul le Tchad, avec son engagement sans réserve au Mali, au Nigeria, au Cameroun et au Niger, a été à la hauteur des urgences sécuritaires mais à quel prix. Puisque à force de se projeter avec ses ressources limitées sur plusieurs théâtres d’opérations, ce pays sahélien, qui subit gravement la chute brutale des cours du baril fait face maintenant à une très difficile situation économique. Parmi ceux qui ont bénéficié de la sollicitude du Tchad, puissances régionales et surtout les organisations internationales en charge de la sécurité internationale, qui a réellement mis la main à la poche en guise de solidarité réciproque avec le Tchad?

Le Président de l’IPS a conclu sa contribution, selon le document, en lançant un appel pour un sursaut africain dans une perspective fédéraliste et dans le cadre de regroupements régionaux forts, intégrés au plan économique et politique, capables demain d’être des interlocuteurs crédibles et respectés dans un monde des « global players » comme la Chine, les USA, l’Inde, le Canada, l’Europe unie et le Brésil…