Débats de haut niveau en présence du Président rwandais Paul Kagame

13.10.2019

Le Matin

World Policy Conference 2019

 

Dans son allocution d’ouverture, Thierry de Montbrial, fondateur du WPC, s’est montré sceptique et inquiet quant aux perspectives mondiales. Ph. Saouri

Les travaux de la 12e édition de la World Policy Conference se sont ouverts, samedi à Marrakech, avec la participation d’un parterre d’éminentes personnalités du monde de la politique, de l’économie et des médias, outre des académiciens, des experts et des chercheurs issus des quatre coins du monde. Placée sous le Haut Patronage de S.M. le Roi Mohammed VI, cette Conférence, qui se poursuit jusqu’à ce lundi dans la cité ocre, a pour mission de contribuer à promouvoir un monde plus ouvert, plus prospère et plus juste.

Unique par son format au nombre restreint de participants, la World Policy Conference (WPC) a ouvert ses travaux samedi à Marrakech, marqués par la présence du Président rwandais, Paul Kagame, qui a pris part samedi soir à un dîner-débat. Offrant un espace de réflexion et de dialogue essentiel autour des grands enjeux de la gouvernance mondiale, tout en permettant de développer des liens durables, cette 12e édition a donné la parole à un parterre d’éminentes personnalités du monde de la politique, de l’économie et des médias.

S’exprimant à cette occasion, le président et fondateur de la World Policy Conference, Thierry de Montbrial a souligné la nécessité pour les puissances moyennes de comprendre la réalité internationale telle qu’elle est, afin de mieux prendre en main leur destin. M. de Montbrial, qui a fait un large tour d’horizon de la situation géopolitique et géo-économique dans le monde à l’heure actuelle, a aussi insisté sur l’enjeu de l’Union européenne, qui dépasse celui de ses membres, car, a-t-il affirmé, «seule une Europe solide pourra peser face aux deux puissances impériales en compétition pour les prochaines décennies, ou aux autres mastodontes comme l’Inde ou le Japon».

De son côté, le Premier ministre français, Édouard Philippe, a mis en avant «l’exemplarité» du partenariat liant la France et le Maroc, soulignant que ce partenariat constitue «une vraie tentative pour bâtir une mondialisation plus équilibrée et profitable à tous». Dans un message prononcé en son nom par l’ambassadrice de France au Maroc, Mme Hélène Le Gal, le responsable a insisté «sur l’exemplarité du partenariat qui lie la France et le Maroc. Un partenariat qui se décline dans toutes les dimensions: le développement économique et social, la paix et la sécurité, la recherche et l’innovation, la culture et la jeunesse». C’est «un partenariat qui s’accompagne d’un dialogue continu et très précieux sur les questions globales, tout en s’ouvrant à l’Afrique», a-t-il ajouté.

Saluant la tenue de cette douzième édition de la World Policy Conference, qui s’ouvre cette année alors que «les nuages qui planent sur notre avenir sont nombreux et que la météo est pour le moins maussade», M. Philippe a précisé que le Maroc s’impose en effet comme «le cadre naturel» pour un tel événement, tout en mettant en relief l’implication sans faille des autorités marocaines en faveur de ce forum qui s’invite désormais dans le calendrier des grandes rencontres internationales. «La Méditerranée ne nous sépare pas, elle nous rapproche. Pas uniquement pour des raisons géographiques ou historiques. Mais parce que de part et d’autre de ses rives, nous sommes confrontés à des enjeux similaires», a-t-il soutenu. Les travaux de cette 12e édition portent sur les enjeux de la technologie dans la société et en politique, les cyberpuissances, la cybermenace, l’énergie et l’environnement, ainsi que sur les perspectives économiques et politiques, le commerce, l’investissement direct et la confiance, mais aussi sur l’avenir du système monétaire international, l’arme du droit et la mondialisation. Seront également abordés les thèmes suivants : l’Europe, l’Amérique latine, le Moyen-Orient, l’Afrique et notamment l’Afrique du Nord et de l’Ouest, les nouvelles tendances de politiques étrangères en Asie de l’Est et bien d’autres sujets.

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Le protectionnisme, nouvelle menace pour l’Afrique

L’Afrique dispose de bases solides pour devenir l’un des piliers majeurs de la croissance et de la prospérité mondiales. Son taux de croissance, supérieur à la moyenne mondiale, était de 3,5% en 2017 et 2018. Il est attendu à 4% en 2019 puis 4,1% en 2020. «Des taux de croissance qui restent, toutefois, insuffisants face aux deux défis majeurs, à savoir la création massive d’emplois, en particulier pour les jeunes, qui représentent près de 70% des populations africaines, et la réduction de la pauvreté», a déclaré Amadou Gon Coulibaly, Premier ministre ivoirien, le samedi 12 octobre à Marrakech, lors de la 12e édition du World Policy Conference. Pour ce haut responsable, l’avenir de l’Afrique dépend étroitement du financement des infrastructures du continent. «Nous devons imaginer la possibilité que les fonds de la Banque mondiale servent d’effet de levier afin de mobiliser les ressources nécessaires pour faire face aux besoins de financement des infrastructures en Afrique», a-t-il souligné. Autre défi majeur, selon lui, faire face à la montée du protectionnisme suscité par les différentes guerres commerciales. Ceci induira une baisse des exportations africaines en raison du renforcement des normes de qualité et de sécurité de nombreux produits, le ralentissement de l’industrialisation africaine dû à la forte concurrence de produits manufacturés et la chute des investissements étrangers sur le continent en raison de difficultés nouvelles rencontrées par les principaux investisseurs. Face à cette nouvelle menace, Amadou Gon Coulibaly prône une accélération des échanges commerciaux au sein des communautés économiques régionales ainsi que la mise en place effective de la Zone de libre-échange continentale africaine représentant un marché de 1,2 milliard de consommateurs et l’émergence d’une classe moyenne d’environ 800 millions de personnes. «Cela permettra de renforcer les échanges commerciaux intra-africains et d’atténuer ainsi l’impact des chocs externes. De plus, L’Afrique devra renforcer davantage la mise en place d’accords commerciaux avec ses partenaires privilégiés», a recommandé le Premier ministre ivoirien.

DNES à Marrakech, M.A.H.

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Verbatim

Thierry de Montbrial, fondateur et président de la World Policy Conference

«Comment contribuer à l’organisation d’un monde dans les nouvelles conditions, qui ne soit pas trop fragile, un monde raisonnablement ouvert ? Il est vrai qu’il y a aujourd’hui dans le monde de nombreux facteurs de risque, aussi bien dans l’ordre économique que politique. Il faut toujours envisager les hypothèses les plus tragiques pour pouvoir les éviter en s’y préparant.»

Amadou Gon Coulibaly, Premier ministre de la Côte d’Ivoire

«Les relations entre le Maroc et la Côte d’Ivoire sont anciennes, et elles se sont renforcées aujourd’hui. C’est une coopération multidimensionnelle qui touche plusieurs secteurs. Quant aux défis sécuritaires en Afrique, il faut aller au-delà des initiatives continentales, vers une coalition internationale pour lutter contre le terrorisme dans le Sahel.»

Karim El Aynaoui, directeur du think tank Policy Center for the New South

«L’un des messages à retenir de cette conférence est la détérioration de la situation globale. Dans ce contexte, le Maroc tire bien son épingle du jeu. C’est un pays stable avec des performances de croissance plutôt robustes. Mais la vigilance est de mise, il faut rester unis, sérieux et travailler ensemble.»

Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel français et ancien président de la COP 21

«Nous constatons aujourd’hui que certains pays et entreprises ne respectent pas les engagements de l’Accord de Paris. Nous devons tous faire des efforts pour arriver à respecter l’Accord que tous les pays du monde ont signé. Je note ici le rôle que joue le Maroc, notamment au niveau des énergies renouvelables.»

Élisabeth Guigou, présidente de la Fondation Anna Lindh pour le dialogue des cultures méditerranéennes

«Nous constatons aujourd’hui que certains pays et entreprises ne respectent pas les engagements de l’Accord de Paris. Nous devons tous faire des efforts pour arriver à respecter l’Accord que tous les pays du monde ont signé. Je note ici le rôle que joue le Maroc, notamment au niveau des énergies renouvelables.»

Élisabeth Guigou, présidente de la Fondation Anna Lindh pour le dialogue des cultures méditerranéennes

«Chaque fois qu’on parle et qu’on échange, c’est une bonne chose. C’est l’intérêt de telles conférences pour croiser les regards sur la conjoncture mondiale. Et organiser la WPC au Maroc est fondamental, car c’est un pays qui réussit dans la région et en Afrique. Aussi, l’Europe et l’Afrique, à travers les pays de la Méditerranée, ont un enjeu commun et un puissant intérêt à s’unir.»

Propos receuillis par Mohamed Sellam

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