Édouard Philippe : La violence prend sa source dans le désespoir

13.10.2019

Michel Touma, L’Orient Le Jour

Le fondateur et président de l’IFRI Thiery de Montbrial prononçant son allocution à la séance inaugurale.

C’est dans le cadre exotique maghrébin, accompagné de modernité, que s’est ouverte samedi, à l’hôtel Four Seasons de Marrakech, au Maroc, la 12e édition de la traditionnelle conférence annuelle sur la gouvernance mondiale (World Policy conférence, WPC). Cette rencontre, organisée par l’Institut français des relations internationales (IFRI), fondé et présidé par Thierry de Montbrial, regroupe chaque année un large éventail de hauts responsables officiels, experts, diplomates, universitaires, économistes et journalistes triés sur le volet et représentant différents horizons internationaux, des quatre coins de la planète.

Les travaux de cette 12e session, qui s’achèveront lundi soir, abordent les principaux grands thèmes qui ont ponctué l’actualité mondiale au cours des douze derniers mois, notamment la montée en puissance de la Chine et les perspectives (et difficultés) économiques chinoises, la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, l’avenir du système monétaire international, l’impact sociétal et politique des bouleversements technologiques, les cyber-menaces, le climat et l’environnement, les incertitudes européennes, l’instabilité chronique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord huit ans après le « printemps arabe », le développement vertigineux du commerce illégal transfrontalier dans le monde (20 pour cent de croissance par an et 700 milliards de dollars de « chiffre d’affaires » engendrés notamment par les organisations terroristes et criminelles), les retombées de la montée de la Chine et ses difficultés économiques ainsi que la crise de Hong Kong sur les politiques étrangères en Asie de l’Est … Autant de thèmes qui font l’objet, pendant trois jours, d’interventions, de débats et d’échanges entre les participants à la Conférence, plus de 300 au total.

Le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil avait été convié à prononcer une allocution sur le problème des réfugiés syriens au Liban, mais il s’est excusé en dernière minute en raison de la tenue d’une réunion ministérielle de la Ligue arabe au Caire, comme l’a indiqué le cabinet du ministre.

La séance inaugurale a été marquée samedi par les interventions du Premier ministre de Côte d’Ivoire Amadou Gon Coulibaly et de la nouvelle ambassadrice de France au Maroc, Hélène Le Gal, qui a donné lecture d’un message du Premier ministre français, Edouard Philippe, qui a dressé un tableau sombre de la conjoncture internationale, soulignant au passage que « la violence prend sa source dans le désespoir ».

Dans son allocution de bienvenue, le président et fondateur de l’IFRI a dressé un tableau de la conjoncture internationale en évoquant principalement les thèmes fixés pour cette 12e édition de la WPC 2019. Abordant notamment les développements en cours au Moyen-Orient, M. de Montbrial a relevé que « l’Iran n’a pas cédé aux pressions imposées par les États-Unis », soulignant à ce sujet que « le leadership iranien manifeste sa résistance malgré sa complexité et sa diversité ». Quant à l’Arabie saoudite, elle « vient de manifester sa grande vulnérabilité face à ses adversaires en dépit des centaines de milliards de dollars investis dans la défense ». Le président de l’IFRI a souligné sur ce plan que « le prince héritier du royaume saoudien n’a toujours pas établi sa crédibilité, « que ce soit dans l’ordre politique ou par rapport à ses projets économiques ».

Rappelant que l’État islamique a perdu ses territoires, M. de Montbrial relève qu’il survit malgré tout, « caché et redoutable », et dans un tel contexte le danger du terrorisme islamiste « n’a diminué nulle part et semble même se renforcer, comme au Sahel ». Abordant, en outre, le cas de la Chine « où la croissance économique ralentit à cause de la guerre commerciale mais aussi pour des raisons internes », le président de l’IFRI a estimé que la détermination du gouvernement de Pékin à faire en sorte que les choses « rentrent dans l’ordre » à Hong Kong est due au fait que « derrière Hong Kong, il y a Taïwan, un enjeu vital du point de vue chinois ».

Une météo politique plutôt maussade

Le climat de crise chronique à l’échelle internationale a également été relevé par le Premier ministre ivoirien qui a souligné la nécessité d’une « création massive d’emplois » en Afrique, plus particulièrement en Côte d’Ivoire. Précisant que la « croissance de la production industrielle est insuffisante », il a appelé à des investissements étrangers de grande envergure dans le continent africain.

Quant au Premier ministre français, il a déploré dans son message lu par l’ambassadrice de France « les nombreux nuages qui planent sur notre avenir dans le monde », soulignant dans ce cadre que « la météo est plutôt maussade ». Evoquant les différents défis auxquels le monde est aujourd’hui confronté, notamment le changement climatique et les situations de crise dans plus d’une région, Edouard Philippe a prôné des solutions politiques aux crises régionales. Il a toutefois souligné que « l’Iran ne doit pas avoir sa bombe ».

Concernant le dossier du changement climatique, le Premier ministre français a affirmé que « nos populations attendent des actes ». Quant au développement durable, il a appelé à une « transformation de notre modèle de développement » et à « la construction d’une mondialisation ouverte qui doit contribuer à la stabilité du monde ». Et M. Philippe de conclure, en relevant que « la violence prend sa source dans le désespoir ».

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