La France va multiplier par quatre les dons pour l’aide au développement

VIRGINIE ROBERT, Les Echos

L’enveloppe de dons passera à 1,3 milliard d’euros en 2019, alors que les prêts étaient jusque-là privilégiés. Les priorités sont notamment l’Afrique et la formation des jeunes avec le développement d’une approche plus partenariale.

Afin de souligner la priorité que le gouvernement entend désormais porter à l’aide internationale, c’est, symboliquement, depuis le siège de l’Agence française pour le développement à Paris qu’un ministre des Affaires étrangères s’est exprimé pour la première fois, lundi.

Jean-Yves Le Drian a rappelé l’ambition du président Emmanuel Macron d’en faire « une politique d’investissement solidaire » dont les bénéfices pour notre pays « se traduisent en attractivité, influence et sécurité ». Alors que la France est à la traîne par rapport à d’autres puissances plus généreuses (voir graphique), ses moyens devraient atteindre 0,55 % du revenu national brut en 2022  (contre 0,43 % en 2017).

La France va multiplier par quatre les dons pour l\'aide au développement

Un besoin de nouvelles méthodes

Cette ambition accrue exige de nouvelles méthodes. « Il faut rétablir les actions bilatérales directes, faire le choix de la contribution vers les pays les plus fragiles en quadruplant l’enveloppe de dons », affirme le chef de la diplomatie française. Ce sont 1,3 milliard d’euros additionnels de dons qui ont été confirmés pour 2019 avec dans le  viseur l’éducation, la santé, les fragilités, le climat et les égalités hommes-femmes.  « Dans un monde où les logiques de puissances s’expriment de plus en plus fortement, notre aide crédibilise notre parole et notre action économique et diplomatique », assure Jean-Yves Le Drian.

Dans un rapport remis en fin de semaine dernière au Premier ministre Edouard Philippe, le député Hervé Berville (LREM) a souligné « la distorsion grandissante entre les priorités et l’allocation de moyens » de la politique d’aide au développement française. L’Afrique reste ainsi le premier continent bénéficiaire de l’aide française, mais sa part dans l’aide totale nette est passée de 52 % à 41 % en 2016. Le soutien à 19 pays prioritaires oscille seulement entre 10 % et 15 % de l’aide totale nette. Quant à celle réservée aux pays du Sahel, elle est en baisse de 29 % par rapport à l’année précédente, souligne le rapport. Il constate également que ces dernières années, les activités de prêts favorisant les pays les moins risqués ont été privilégiées et que la part de l’aide à l’éducation est très faible.

 L’Etat n’a pas su organiser le pilotage politique. 

En termes de gouvernance, « l’Etat n’a pas su organiser le pilotage politique ». L’architecture budgétaire est complexe et limite les capacités de contrôle du Parlement. Par rapport aux agences britannique ou suédoise, la France souffre d’un déficit de transparence. « Il faudrait créer une commission indépendante d’évaluation auprès de la Cour des comptes, d’autant que les moyens vont augmenter de six milliards d’euros d’ici à 2022, ce qui est substantiel », explique Hervé Berville. Il milite également pour un développement de la politique partenariale, une action plus affirmée des ambassades ainsi que pour la préparation d’une loi de programmation en 2019, un projet annoncé par le président de la République. « Il faut qu’on sorte de la logique quantitative pour s’intéresser à l’impact, à l’efficacité des programmes et qu’il y ait de la lisibilité dans la durée », estime-t-il.

Une inflexion historique

Le président de l’Agence française pour le développement, Rémi Rioux, parle de mettre en place « un nouveau logiciel » : « La maison double de taille et nous avons maintenant la capacité en dons qui nous manquait ». Concrètement, l’agence de 2.500 personnes devient un groupe qui inclut Proparco (investissements privés), et Expertise France (350 personnes). Un fonds commun avec la Caisse des dépôts doit permettre d’investir dans les infrastructures. Les engagements de l’AFD, qui ont atteint 10,4 milliards d’euros en 2017, vont croître à 14 milliards d’euros en 2019. Trois zones sont ciblées : l’Afrique (dans sa totalité), l’Amérique latine, et les pays d’Outre-mer.

Ces nouveaux moyens et ambitions marquent « une inflexion tout à fait historique », observe Rémi Rioux. A sa charge, désormais, de « susciter, structurer, instruire un nombre beaucoup plus élevé de projets ».