Le G20 planche sur l’aide humanitaire à l’Afghanistan

12.10.2021

Les pays du G20 vont discuter de la poursuite de l’aide humanitaire aux Afghans et de l’opportunité de reconnaître le régime taliban.

La délégation des talibans a rencontré des dirigeants du Qatar, médiateur agrée entre Kaboul et Washington, avant de rencontrer leurs homologues américains à Doha ce week-end. (EPN/Newscom/SIPA)

Deux mois après la chute de Kaboul, les pays du G20 réunis mardi pour un sommet dédié à la situation en Afghanistan doivent trancher des questions difficiles. Faut-il maintenir l’aide à la population afghane alors que l’hiver approche ? Est-il opportun de reconnaître officiellement le régime taliban ? En échange de quelles garanties ?

Invité de France Inter la semaine dernière, Emmanuel Macron a évoqué la nécessité de poser «nos conditions à la reconnaissance des talibans ». Cela concerne aussi bien les Européens que les Américains, la Chine, la Russie, les grandes puissances d’Afrique, d’Asie Pacifique et d’Amérique latine, a-t-il précisé. Par ses propos, il ouvre la porte à une possible reconnaissance du régime.

Kaboul en quêtes de reconnaissance internationale

Si les talibans y aspirent, ils ont peu de moyens de tenir d’éventuelles promesses. Le nouveau régime est encore instable, avec plusieurs forces rivales en son sein et il est également menacé par Daech, réseau djihadiste international rival d’Al-Qaida, qui est resté proche des talibans. Lundi, à Kaboul, une nouvelle alerte était donnée en raison de menaces d’attentats sur les hôtels de la capitale. Vendredi, plus de 55 personnes ont été tuées dans un attentat suicide dans une mosquée chiite de Kunduz revendiqué par la branche locale de Daech.

Pour la première fois ce week-end, les Etats-Unis ont repris langue avec les talibans au Qatar pour aborder les questions sécuritaires, l’aide humanitaire américaine et les droits humains, en particulier l’intégration des femmes et des filles dans la société afghane. La délégation américaine a rappelé « que les talibans seraient jugés sur leurs actions, pas seulement leurs paroles ». «Une question centrale touche à la rupture tangible des liens avec Al-Qaida», rappelle Marc Hecker, auteur de « La guerre de vingt ans » avec Elie Tenenbaum.

Si la Chine, l’Iran et la Russie sont toujours présents en Afghanistan, la plupart des pays ont pris leur distance et personne n’a reconnu le nouveau régime. L’Inde est très inquiète de l’influence du Pakistan, dont les services secrets ISI sont réputés être le véritable parrain des talibans. Et Moscou, qui a toujours maintenu le dialogue, s’inquiète d’une contagion terroriste dans les pays limitrophes de l’Afghanistan qui sont sous son influence. « La Russie n’aime pas les régimes religieux. Si elle reconnaît les talibans, c’est une cartouche qu’elle ne peut tirer qu’une fois », a observé la chercheuse de l’Ifri Tatiana Kastouéva-Jean, lors de la World Policy Conference début octobre à Abou Dhabi. Pour le commissaire européen à la justice Didier Reynders, également présent à la WPC, « il faudrait continuer l’aide humanitaire et s’en servir pour faire respecter les droits de l’homme ». Des émissaires européens vont rencontrer les talibans pour la première fois ce mardi.

Des menaces de famine

Ceux-ci ont d’autant plus besoin de cette aide qu’ils peinent à faire repartir l’économie. L’aide internationale, qui représente les trois quarts des recettes publiques, n’arrive plus qu’au compte-gouttes, car les Occidentaux, de loin les principaux bailleurs, veulent obtenir la garantie qu’elle bénéficiera aux 38 millions d’Afghans et non au seul régime. Les avoirs internationaux du pays, évalués à 9 milliards de dollars, sont gelés et les caisses de la Banque centrale sont vides, pour des raisons en partie antérieures à l’arrivée au pouvoir des talibans. Au vu de la pénurie de devises et de liquidités, les autorités ont limité les retraits bancaires. Les fonctionnaires ne sont plus payés depuis des mois, le système de santé est au bord de l’effondrement et un tiers de la population afghane est menacé de famine, selon les Nations unies. Les prix du blé et du riz flambent depuis deux mois.

Malgré divers gisements prometteurs, mais peu exploités, de métaux, l’Afghanistan, peu doté en industries, est un des pays les plus pauvres du monde avec un PIB par habitant inférieur à 500 dollars. Il figure parmi les dix pays les plus mal classés de la planète selon de nombreux indicateurs, dont le développement, la mortalité infantile, l’espérance de vie et l’alphabétisation.

Virginie Robert et Yves Bourdillon

Lire l’article sur Les Echos