Les contradictions du monde n’incitent pas à l’optimisme

29.10.2018

François Nordmann, Le Temps

OPINION. La rivalité croissante entre la Chine et les Etats-Unis va structurer les relations internationales des trente prochaines années. C’est le constat de la World Policy Conference qui s’est tenue à Rabat, relate notre chroniqueur François Nordmann

La rivalité croissante entre la Chine et les Etats-Unis va structurer les relations internationales des trente prochaines années, a déclaré Thierry de Montbrial, président de la World Policy Conference à l’ouverture de la 11e édition, qui s’est tenue à Rabat du 26 au 28 octobre derniers.

En 2049, la Chine célébrera le centenaire de la révolution de Mao Tsé-toung, ce qui devrait sceller l’ascension du pays au rang de première puissance mondiale. Avec la nouvelle «Route de la soie» terrestre et maritime, Pékin poursuit un projet de nature économique qui lui permet d’étendre son influence géopolitique. En même temps le Parti communiste chinois renforce son emprise à l’intérieur de la Chine, dont il contrôle tous les aspects de la vie sociale. La recherche de nouveaux débouchés pour écouler la surcapacité de la production chinoise en acier, en ciment et autres matériaux sert de justification à cette gigantesque entreprise qui transformera l’Asie centrale en la désenclavant et en la dotant d’infrastructures nouvelles – routes, voies de chemin de fer, ports et aéroports… Il s’agit aussi de garantir l’approvisionnement de la Chine en énergie. Soixante pays sont associés à cette initiative, ouverte à tous ceux qui veulent y participer et destinée à faciliter les échanges commerciaux, de capitaux et de personnes. Mais les investissements colossaux auxquels elle donne lieu favorisent l’endettement des pays partenaires avant qu’ils n’en bénéficient. La taille même de la République populaire crée une relation inégale avec ces derniers.

Les républicains abandonnent le libre-échange

Le phénomène Trump a nourri la plupart des discussions consacrées aux Etats-Unis. Il a transformé le Parti républicain naguère partisan du libre-échange en un parti protectionniste, tandis que le centre s’est effondré. Il divise le pays en se dressant contre les démocrates. Le 45e président a aussi transformé la politique mondiale en amplifiant le courant populiste anti-immigrés, hostile aux minorités – il est à la tête d’un mouvement qui va du Brésil à la Pologne… Refusant d’apparaître comme le leader du monde libre, il s’est retiré de l’Accord de Paris sur le climat, de l’accord nucléaire avec l’Iran et même de l’Union postale universelle. Il a transformé le rôle de la présidence en s’en prenant à d’autres institutions de la vie publique des Etats Unis, la Justice, le FBI, la presse, et jusqu’à la Réserve fédérale. Il insulte ses adversaires aussi bien que ses alliés tout en affichant sa sympathie pour les hommes politiques autoritaires tels que Poutine, Xi Jinping ou Kim Jong-un. Accusant la plupart des partenaires commerciaux des Etats-Unis de tricher par le jeu des organismes multilatéraux, il renégocie non sans succès des accords bilatéraux avec la Corée du Sud, le Mexique et le Canada. Ces pays lui font quelques concessions relativement mineures – diminution de quotas, accroissement des importations américaines – après quoi il peut se vanter d’une grande victoire.

Trump en force

On peut penser que l’accord avec la Chine suivra le même modèle et que l’on arrivera – au cours des prochaines semaines – à une entente sur le plan commercial et peut-être même sur les droits de propriété intellectuelle. Les problèmes stratégiques et militaires quant à eux subsisteront. On constate que la conclusion du nouvel accord avec le Mexique et le Canada a redoré le blason de Trump et lui a permis de remonter sa cote dans l’opinion publique, tout comme l’élection du juge Brett Kavanaugh à la Cour suprême. A une semaine des élections de mi-mandat, la vague bleue favorable aux démocrates a été stoppée, même si normalement ceux-ci devraient pouvoir encore emporter la Chambre des représentants. Mais les républicains devraient conserver le Sénat et même y accroître légèrement leur majorité.

La conférence a encore abordé notamment la situation en Corée du Nord et au Moyen-Orient ainsi que l’état de l’économie mondiale et de la finance internationale. Il s’en dégage une vue pessimiste et peu rassurante pour les Occidentaux d’une période de transition qui apparaît instable et tendant vers l’éclatement de l’ordre mondial.