World Policy Conference: Comment dégager les opportunités de demain

7.11.17

By Badra BERRISSOULE
L’économiste.com

En trois jours, la World Policy Conférence (WPC) a fait un tour d’horizon complet sur les changements qui s’opèrent dans le monde: le conservatisme des USA et les conséquences de la politique de Donald Trump, la crise des Balkans, la division de l’UE, la sécurité en Asie, la montée en puissance de la Chine. Et d’autres sujets plus pointus, mais tout aussi importants comme la révolution numérique ou encore l’intelligence artificielle et sa menace sur l’avenir du travail humain.

La conférence n’a pas la prétention de résoudre les problématiques économiques et politiques, mais se propose de livrer des réflexions pour contribuer à une bonne gouvernance. A Marrakech, les participants s’inquiétaient davantage des virages de Trump. Tant sur le plan économique -où ils voient dans le protectionnisme américain un risque pour l’économie mondiale-, que sur sa politique étrangère où le personnage reste imprévisible.

Pour son 10e anniversaire, tout comme lors de son premier sommet il y a 10 ans, la WPC, fondée par Thierry de Montbrial, a choisi Marrakech pour tenir sa rencontre annuelle soutenue en cela par l’OCP Policy Center. Et tout naturellement, le décryptage de l’Afrique était au cœur du débat.

«Il est temps de reconfigurer les priorités stratégiques»
Dans son message adressé aux participants à la WPC, le Souverain marocain a été très clair: «Il est temps de reconfigurer les priorités stratégiques de la Communauté internationale en reconsidérant l’apport de l’Afrique. A la lumière des récents développements et des avancées reconnues du continent, il est primordial que notre continent soit au centre d’un échiquier mondial redessiné et qu’il se fasse entendre sur la scène internationale». L’occasion est saisie pour revenir sur le potentiel du continent, sa résilience face aux crises, mais aussi sur les défis.

Sans aller vers l’afro-pessimisme, Cheikh Tidiane Gadio, ancien Ministre des Affaires étrangères du Sénégal, rappelle que l’Afrique ne va pas aussi bien que semble laisser croire sa croissance. «Comment pourrait-on parler de croissance alors que le continent réalise un PIB de 2.500 dollars par habitant. Comment pourrait-on parler de sécurité alors que Bokoharam fait beaucoup plus de victimes que Daech et que la communauté internationale fait la sourde oreille. Comment pourrait-on parler de potentiel alors que l’Afrique est en train de perdre son plus grand atout, à savoir sa jeunesse qui émigre».

Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin, rappelle de son côté que le continent doit chaque année absorber des millions de jeunes qui font leur entrée sur le marché du travail. Exercice très difficile! Alors faut-il tourner le dos à l’Afrique et ne plus y investir? Non! Aux yeux de tous les participants, le développement et l’organisation de l’Afrique représentent un enjeu planétaire.

Pour Miriem Bensalah, Présidente du patronat marocain, il y a trois défis à relever pour continuer les investissements économiques dans ce continent. Le premier est une régulation claire et une plus grande souplesse bureaucratique qui, en leur absence, compromettent la viabilité des investissements. Le deuxième défi concerne l’éducation car, l’Afrique manque cruellement de ressources qualifiées. Le 3e défi est celui de l’infrastructure où il existe un énorme déficit.

Révolution verte africaine
Malgré ces contraintes, le Maroc reste le deuxième investisseur africain en Afrique, comme le rappelle si bien Nizar Baraka, Président du Conseil économique, social et environnemental et les entreprises marocaines y croient. Parmi elles, l’OCP animé par le challenge de créer une véritable révolution verte africaine à l’instar de ce qui a été fait en Inde ou au Brésil. L’Afrique, qui compte plus de 65% des terres arables, sera dans les prochaines années le grenier du monde, rappelle Mostafa Terrab, PDG du Groupe OCP.

Et la fertilisation est le pilier majeur dans le développement de son agriculture. «Le groupe phosphatier y investit plus de 4 milliards de dollars en fertilisants mais, pour réaliser plus de croissance, nous avons besoin d’écosystèmes d’entreprises et d’infrastructures, qui nous permettront de réaliser nos objectifs en la matière». Bonne nouvelle: grâce aux investissements de l’OCP, une voie ferrée inutilisable depuis 25 ans a été remise sur les rails et désenclave toute une région dans son périmètre.

Les recommandations royales
A l’ouverture de cette 10e édition de la WPC, le Souverain a tenu à donner sa vision pour l’Afrique à travers la lettre royale lue en son nom par son conseiller Yassir Znagui. On retiendra notamment son plaidoyer pour l’accompagnement de cette Afrique qui a su se forger sa propre destinée, à la faveur de réformes structurelles audacieuses engagées. «Il est de notre devoir de promouvoir des stratégies novatrices et des politiques ambitieuses, fondées sur les succès d’ores et déjà acquis et s’inspirant d’initiatives mondiales réussies, adaptées à la diversité de nos réalités sociales, économiques et culturelles», insiste le Souverain. Par ailleurs, la richesse de l’Afrique en capital humain constitue, aujourd’hui, une opportunité unique pour son développement… la jeunesse africaine, loin de constituer un handicap, s’avère un atout majeur.