World Policy Conference: La gouvernance mondiale défie la protection du climat

15.10.2019

Badra Berrissoule, L’Economiste

4 ans après l’Accord de Paris, les pays sont loin d’avoir débuté la transition énergétique, les économistes et les prix Nobel de la paix réclament une taxe sur les émissions de carbone

Laurent Fabius, ancien président de la COP21 et ancien ministre français de l’Intérieur, et Patrick Pouyanné, PDG de Total, regrettent le rythme que prend cette transition énergétique (Ph. WCP)

«Non, nous n’allons pas vers les objectifs fixés par l’Accord de Paris sur le climat. Pas au rythme actuel». Les propos sont de Laurent Fabius, ancien président de la COP21 et ancien ministre français de l’Intérieur. L’occasion était une conversation sous le thème «le climat et l’environnement» tenue dans le cadre de la 12e édition de la World Policy Conference (WPC).

Signé lors de la COP21, à Paris en 2015, et reconfirmé à Marrakech lors de la COP22, cet Accord fixe l’objectif climatique des gouvernements. Il reprend celui de ne pas dépasser 2°C de plus que la moyenne planétaire et de se rapprocher de 1,5°C, sous la pression des pays les plus vulnérables au changement climatique.

«Après Paris, l’on constate bien une prise de conscience universelle de l’ampleur du phénomène du changement climatique et une augmentation accrue de la part des énergies renouvelables, mais le retrait des USA de cet Accord a poussé d’autres pays à vouloir abandonner leurs engagements en matière de climat».

Patrick Pouyanné, président directeur général de la compagnie pétrolière et gazière française Total, n’est pas non plus confiant. Il rappelle d’ailleurs que depuis 2015, les investissements dans le charbon sont en augmentation et, situation contradictoire, ils sont le fait des entreprises pétrolières et gazières étatiques.

En Asie, il y a plusieurs centrales de charbon qui ne vont fermées qu’en 2030 alors que la construction d’autres centrales est planifiée. «L’erreur de l’Accord de Paris était de croire que tout allait se faire avec une baguette magique», commente Pouyanné. La part des énergies renouvelables va augmenter dans le mix énergétique, mais cela prendra plusieurs années.

En attendant, la solution est aussi du côté du gaz naturel. Utilisé pour produire de l’électricité, «il émet deux fois mois de CO2 que le charbon ou le pétrole», explique Pouyanné. Le monde est à un tournant de son histoire et le temps presse pour mettre en place mesures et politiques adaptées. Mais les changements sont également nécessaires en matière de comportement des consommateurs, rappelle Fabius.

Le secteur privé n’est pas en reste. Contributeur des émissions à effet de gaz, il doit prendre sa part dans cet effort collectif, recommandent les participants à la session Young Leaders. Les économistes et les lauréats du prix Nobel de la paix réclament la création d’une taxe sur les émissions de carbone qui augmenterait chaque année. Elle serait un signal fort pour guider les acteurs économiques vers un avenir bas carbone.

Outre le climat et les énergies, la WPC s’est attaquée également au commerce illicite transfrontalier qui connaît une croissance de 20% par an et un montant évalué à plus de 700 milliards de dollars. Ce commerce, aux mains des organisations internationales, utilise toutes les ressources numériques.

Pour des intervenants, la blockchain est une solution d’avenir pour lutter contre les circuits illicites. Le décryptage de l’Afrique était au cœur des débats thématiques des conférences mais aussi lors d’un atelier consacré au continent. Si l’Afrique se positionne dans le monde comme un continent d’avenir, son rôle jusque-là n’a pas fondamentalement changé et continue de peser peu dans le processus d’un ordre international plus juste.

« Les entraves ont pour nom le terrorisme, les violences diverses, le manque de capitaux, la dégradation climatique, la santé et l’éducation. Pour Elisabeth Guigou, présidente de la Fondation Anna Lindh, il faut travailler à une nouvelle alliance Afrique/Méditerranée/ Europe pour relever les défis communs et passer de l’aide publique à un financement privé en se basant aussi sur la diaspora africaine « qui est un trésor ». Le continent se doit aussi de revoir les cadres juridiques pour pérenniser les investissements et s’engager dans la recherche et le développement de l’agriculture.

Plus d’engagement pour la crise du Sahel

Parmi aussi les recommandations de la WPC qui a rassemblé 250 personnalités, experts, ministres, chercheurs, hommes politiques, académiques et leaders d’opinion, la sécurité et la stabilité de la région MENA et du Sahel. Les chercheurs et experts en géopolitique ont appelé à l’adoption d’une nouvelle approche multidimensionnelle basée sur la coopération et l’intégration en faveur d’un développement durable. La région du Sahel connaît des conflits communautaires en raison de l’infiltration des groupes terroristes et de la détérioration de la situation sécuritaire dans cette zone du continent. Cette crise tend à se propager ailleurs et la pression est mise sur plusieurs autres pays. D’où l’importance de l’engagement collectif pour que cette région ne devienne pas une autoroute du terrorisme et un foyer pour la diffusion des idéologies extrémistes, insiste Mohamed Ibn Chambas, représentant spécial du Secrétaire général et chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel.

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