Davutoglu: Tant qu’Assad reste en place, les réfugiés ne retourneront pas en Syrie

6.11.17

By Michel Touma

La nouvelle de la démission du Premier ministre libanais Saad Hariri est tombée comme un couperet, non seulement pour la délégation libanaise présente à la conférence sur la gouvernance mondiale (World Policy Conference, WPC) qui se tient depuis vendredi dernier à Marrakech au Maroc, mais également pour nombre de personnalités politiques étrangères de haut rang participant aux travaux de ce forum de dialogue et de débats, organisé par l’Institut français des relations internationales (IFRI) sous l’impulsion de son fondateur et directeur, Thierry de Montbrial.

Au cours d’un des déjeuners-débats qui marque comme à l’accoutumée la WPC, l’ancien Premier ministre de Turquie, Ahmet Davutoglu, a ainsi souligné que la démission de M. Hariri représente l’un des exemples qui illustrent le caractère totalement imprévisible des développements dans la région, et le monde en général, depuis quelque temps. Faisant un parallèle avec d’autres phases de la conjoncture internationale qui était jadis régie par des règles du jeu plus ou moins rationnelles et bien définies, M. Davutoglu a notamment déclaré : « Nous sommes confrontés tous les jours à des développements majeurs qui augmentent l’incertitude et l’inquiétude. Nul ne peut désormais faire une analyse rationnelle de la conjoncture », donnant en exemple la démission de M. Hariri.

Le débat avec M. Davutoglu a évidemment fourni l’occasion de soulever le problème des réfugiés syriens. L’un des membres de la délégation libanaise, Riad Tabet, consultant international et membre de l’IFRI, lui a notamment demandé si la communauté internationale devait continuer à financer l’aide humanitaire aux réfugiés syriens dans les pays d’accueil ou plutôt financer leur retour en Syrie. Sans répondre directement à la question, M. Davutoglu a relevé qu’il n’y a pas de stratégie internationale concernant les déplacés qui ont fui la guerre en Syrie. « Il est devenu urgent d’organiser une conférence internationale sur les réfugiés syriens », a-t-il répondu, tenant à souligner que « tant que le régime Assad reste en place, les réfugiés ne retourneront pas ».

Le Qatar et le Hamas
Cette idée de développements imprévisibles qui bouleversent subitement la conjoncture du moment et qui plongent souvent dans le flou les analystes les plus chevronnés et même les responsables politiques les mieux placés est revenue sur le tapis au cours d’un autre débat dont l’invité d’honneur était le ministre des Affaires étrangères du Qatar, cheikh Mohammad ben Jassem al-Thani. Le président de l’Institut d’Israël et ancien ambassadeur d’Israël aux États-Unis, Itamar Rabinovich, a ainsi soulevé le cas de la réconciliation entre le Hamas et l’Autorité palestinienne – inconcevable il y a quelques mois. M. Rabinovich a notamment demandé au ministre qatari quelle sera la position de son pays après le rapprochement entre le Hamas et l’Égypte, sachant, a-t-il souligné, que le Qatar appuyait le Hamas à différents niveaux. Sur un ton courtois, cheikh al-Thani a répondu : « Le Qatar n’appuyait pas le Hamas, mais plutôt la population de Gaza, et votre gouvernement (israélien) était informé de l’aide que nous apportions aux Gazaouis. »

Abordant ensuite le dossier de la guerre syrienne, le ministre qatari a rappelé qu’au début de la crise, « la population manifestait pacifiquement pour réclamer des réformes et davantage de justice, mais le régime a réagi en bombardant les manifestants ». « La répression exercée par le régime a fait 500 000 tués et a provoqué l’exode de 15 millions de Syriens », a rappelé le chef de la diplomatie qatarie. Et concernant le contentieux de son pays avec l’Arabie saoudite, il a déploré sur un ton serein, sans se lancer dans une quelconque polémique, ce qu’il a présenté comme une attitude irrationnelle des dirigeants wahhabites, réaffirmant toutefois que le Qatar reste ouvert à tout dialogue constructif pour mettre fin à la crise avec ses voisins du Golfe.