Favoriser les puissances régionales pour un monde plus équilibré

La 7e édition de la WPC abordera des thèmes aussi variés que la conjoncture en Asie, la situation au Moyen-Orient, ou les défis du Big Data et du changement climatique.

Michel TOUMA | OLJ / de Séoul

08/12/2014

C’est par un discours de la présidente de la République de Corée du Sud, Mme Park Geun-hye, que la World Policy Conference (WPC) entamera ses travaux lundi matin à 9 heures (à 2 heures du matin dans la nuit de dimanche à lundi, heure de Beyrouth) dans le cadre merveilleux du somptueux hôtel Conrad de Séoul, édifié en bordure du fleuve Han, dans le nouveau quartier d’affaires aux imposantes tours modernes qui rappellent par leur architecture celles du quartier de La Défense, à Paris. La séance inaugurale de cette 7e édition de la WPC sera également marquée par une intervention de M. Thierry de Montbrial, directeur général de l’Ifri (Institut français des relations internationales) et principal initiateur de la WPC, qu’il a lancée en 2008.

Près de 200 décideurs, hauts responsables et experts du monde politique, diplomatique, économique, des affaires et de la presse, venant des quatre coins du monde, participeront à cette conférence internationale, bravant le froid glacial de la capitale coréenne (entre -3 et -8 degrés Celsius). Trois jours durant, les congressistes plancheront sur un large éventail de thèmes englobant aussi bien des sujets d’une brûlante actualité politique que des dossiers cruciaux portant sur les grands défis auxquels l’humanité est aujourd’hui confrontée. Le lieu choisi pour cette septième conférence implique, à n’en point douter, que les grands problèmes spécifiques à l’Asie seront largement discutés, d’autant que leur impact économique et commercial se fait ressentir un peu partout sur les marchés internationaux.

Séoul offre le cadre adéquat, de par sa situation géographique privilégiée, à un vaste débat multidisciplinaire et supranational. Instituée capitale de la Corée, dans le sillage de l’avènement de la dynastie des Joseon (1392-1910), cette métropole assure un rôle central dans l’économie mondiale, au point de concurrencer les géants de l’industrie occidentale, de même qu’elle a réussi à se tailler une place non négligeable sur l’échiquier diplomatique international en assumant des missions diplomatiques et de paix, comme l’illustrent notamment la présence de Ban Ki-moon à la tête de l’Onu ou, plus près de nous, l’intégration il y a quelques années d’un contingent coréen au sein de la Finul.

Dans cette optique, la Corée du Sud constitue ce que Thierry de Montbrial qualifie de « puissance moyenne » à l’échelle de la planète. Ses valeurs, précise le fondateur de la WPC, sont « proches de celles qui sous-tendent l’Union européenne », et à ce titre, elle met en œuvre une audacieuse action diplomatique visant à la réunification de la péninsule coréenne (à l’image de l’Allemagne), à l’application de « mesures de confiance » en Asie de l’Est et au développement d’une « ambitieuse politique d’ouverture au niveau eurasiatique ».

La première séance plénière de la Conférence, ce matin, après le discours de la présidente Park Geun-hye, sera d’ailleurs consacrée à un débat sur la conjoncture présente en Asie à la lumière de la montée en puissance de la Chine et sur un parallèle entre la structure de sécurité de l’Europe et l’organisation (non structurée) de la sécurité en Asie de l’Est. Dans ce même contexte, les perceptions russe, chinoise et coréenne de la géopolitique et de la géo-économie de l’Eurasie seront en outre exposées au cours d’une autre séance plénière qui regroupera d’éminents experts chinois, russes et coréens, ainsi que français.
La nouvelle conjoncture explosive au Moyen-Orient, à l’ombre notamment de l’émergence de « l’État islamique » et des retombées complexes qu’elle a entraînées, sera évidemment à l’ordre du jour de la Conférence et à cet égard, l’intervention, cet après-midi, de l’émir Turki al-Fayçal, président du Centre du roi Fayçal pour la recherche et les études islamiques, à Riyad, est particulièrement attendue.

Environnement, changement climatique et « Big Data »

Au-delà des sujets d’actualité, perçus sous l’angle géopolitique et macropolitique, les congressistes plancheront aussi sur les dossiers qui représentent un grand défi pour l’avenir de l’humanité. Un atelier de travail sera ainsi consacré au changement climatique, et d’une manière plus globale aux problèmes de l’environnement et de l’énergie. Les échanges prévus sur ces thèmes interviendront alors que se tient d’une manière concomitante à Lima la 20e Conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, dans la perspective d’un engagement international en vue de la réduction des émissions de carbone.
Autre dossier non moins crucial prévu à l’ordre du jour de la Conférence de Séoul : l’impact de la révolution des Big Data et les rapports des « Big Brothers » de ce troisième millénaire (tels que Google, à titre d’exemple) avec les États et les grandes entreprises industrielles.

Le point de presse de Thierry de Montbrial

Les débats autour de ce large éventail de dossiers s’inscrivent dans le sillage des objectifs que s’est fixé Thierry de Montbrial en lançant en 2008, à Évian, le projet de World Policy Conference, à savoir initier un débat d’idées entre les acteurs et experts d’horizons divers en vue de la recherche d’une bonne gouvernance susceptible de favoriser « un monde raisonnablement ouvert, équilibré et respectueux des identités, donc des différences ».

Au cours d’un point de presse qu’il a tenu hier, dimanche, en début de soirée, à l’hôtel Conrad, M. de Montbrial a apporté davantage de précisions sur l’idée de base qui a sous-tendu l’initiative qu’il a lancée en 2008. Il a indiqué sur ce plan qu’aucune des conférences internationales qui étaient généralement organisées dans le monde n’était d’inspiration européenne, et plus spécifiquement française. D’où l’idée, qui a mûri en 2006 et 2007, de mettre sur les rails une Conférence annuelle, d’inspiration française et européenne, qui soit ouverte à la presse (contrairement aux autres conférences internationales) et qui ait pour leitmotiv la bonne gouvernance mondiale dans différents domaines d’activité politique et socio-économique.

« L’autre idée qui a été à la base de la World Policy Conference, souligne encore Thierry de Montbrial, est de stimuler les puissances régionales dans l’objectif d’amener celles-ci à jouer un rôle régional en percevant leurs intérêts nationaux dans un cadre global et non pas étroit et réducteur. »
C’est précisément un tel rôle que la Corée du Sud cherche à assumer, ce qui explique qu’elle accorde un intérêt particulier à la WPC dont elle est le principal partenaire en Asie, d’autant que son approche de l’action diplomatique qu’elle mène à l’échelle régionale rejoint dans ses fondements l’approche européenne. « La Corée s’intéresse de plus en plus à l’Europe, parallèlement à ses rapports très étroits avec les États-Unis », a relevé M. de Montbrial qui souligne l’importance de la place que devraient occuper les « puissances moyennes » telles que la Corée du Sud.

Évoquant en outre la conjoncture internationale présente, le fondateur de la WPC déplore le fait qu’elle soit marquée par la montée des nationalismes sectaires, doublés de populisme, comme c’est le cas, à titre d’exemple, en Russie. Mais le plus préoccupant, selon M. de Montbrial, reste que le monde soit entraîné sur une voie influencée par l’actuelle donne obscurantiste au Moyen-Orient.