Géopolitique : des grenades dégoupillées et un ordre nouveau à inventer en 2020

11.10.2019

Virginie Robert, Les Echos

Le monde paraît plus périlleux que jamais. Les foyers de conflits se multiplient, aux frontières, dans les institutions internationales, et peut-être bientôt sur les marchés financiers. Le chaos ambiant est une occasion pour les Etats de s’émanciper des vieilles alliances et de tenter de construire une nouvelle gouvernance. Autant de questions qui seront abordées à la « World Policy Conference » ce week-end à Marrakech, dont « Les Echos » sont partenaires.

Difficile d’imaginer un environnement international apaisé dans les mois qui viennent. La rivalité entre les Etats-Unis et la Chine – entre droits tarifaires et guerre technologique – peut toujours atteindre de nouveaux sommets. Comment le monde va-t-il se réorganiser autour de ces deux géants ? Surtout quand Washington nargue ses alliés – l’Europe notamment -, ou les abandonne, comme les Kurdes -, et que Pékin fait la démonstration de sa toute-puissance  avec un défilé militaire hors normes pour les 70 ans de la révolution maoïste. Les vieilles alliances se délitent, mais sont pour l’instant incapables de se recomposer.

« Plus personne ne peut faire confiance aux Etats-Unis », souligne Thierry de Montbrial, fondateur de la « World Policy Conference », qui se tient ce week-end à Marrakech et dont « Les Echos » sont partenaires. Il va falloir s’habituer à un nouvel ordre mondial marqué par « la fin de l’hégémonie occidentale sur le monde » expliquait, fin août, Emmanuel Macron, lors de la  conférence des ambassadeurs. Une façon d’expliquer la main tendue de la France vers la Russie, l’Inde et la Chine.

Un monde dangereux

Partout, les grenades sont dégoupillées : dans le détroit d’Ormuz – théâtre des rivalités entre l’Arabie saoudite et l’Iran -, au Cachemire, dont l’Inde a révoqué l’autonomie, en Syrie, où la Turquie vient de faire entrer ses chars et rouvre la porte à une  vague migratoire. Terrorisme et cyberguerre vont continuer à s’imposer comme des menaces latentes. Les institutions multilatérales sont, elles aussi, en danger : l’OMC est dans un état de quasi paralysie tandis que les Nations unies n’ont même plus un budget de fonctionnement suffisant. La course aux armements a repris et elle n’est plus encadrée depuis que le président Trump a confirmé sa décision de retirer les Etats-Unis du traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI). La diplomatie brouillonne de Washington n’a fait qu’ouvrir de nouveaux fronts et s’est avérée incapable de fermer les chapitres ouverts avec l’Iran et la Corée du Nord.

Craintes financières

Toutes ces incertitudes géopolitiques ont pesé sur les marchés et ralenti les échanges comme la croissance mondiale. La guerre commerciale que se livrent les deux géants planétaires  va coûter 0,8 % de croissance d’ici à 2020 a prévenu la nouvelle directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva. D’aucuns prédisent déjà une nouvelle crise financière, dans un monde où les taux d’intérêt négatifs deviennent la norme.

Une surabondance de dirigeants autoritaires peut mener certains pays à de véritables crises humanitaires, comme au Venezuela. A Hong Kong , à Port-au-Prince  où à Alger, la société civile se rebelle tandis qu’en Europe, le mouvement « Exctintion Rebellion » tente de mobiliser les politiques sur le climat.

Cette grande instabilité va se poursuivre en 2020. Le  changement de locataire à la Maison-Blanche en novembre, s’il se réalise, pourrait diminuer les tensions et les déséquilibres. Mais il faut voir dans cette période une opportunité pour se libérer des vieux schémas. L’ancien chef de la diplomatie  Hubert Vedrine dit souvent que le moment est venu de choisir les valeurs qui importent et de se battre pour elles. C’est une occasion unique pour la nouvelle Commission européenne, une fois géré l’épineux dossier du Brexit . Son émancipation du monde bipolaire qui se dessine pourrait lui donner une attractivité nouvelle.

 

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