« Les Vingt-Sept ont devant eux l’occasion de résoudre une injustice, celle de la politique de migration européenne »

Parmi les débats relancés par la guerre en Ukraine et l’exode de millions des réfugiés, celui sur la répartition des migrants entre les pays européens doit être une priorité. Afin de la rendre plus juste, Randy Kotti, chercheur en économie, prône, dans une tribune au « Monde », l’abandon du règlement de Dublin.

Publié le 01 avril 2022

Tribune. La couverture médiatique de la guerre en Ukraine n’a pas manqué de révéler les biais profondément ancrés que nous, Européens, avons construits sans distinction autour des mots « migrant » ou encore « réfugié ». Maintenant que l’opinion publique semble plus favorable à accueillir une vague de migration forcée, les Vingt-Sept ont devant eux l’occasion de résoudre la vraie injustice : la politique de migration européenne.

En application du règlement actuel, aussi appelé « règlement de Dublin », les demandes d’asile ne peuvent être déposées que dans le pays de première arrivée. Ce système avait été établi en 1997 dans un contexte où les flux migratoires étaient encore maîtrisables et maîtrisés. Mais dès que l’Union européenne (UE) a dû faire face à la « crise des migrants », commencée en 2015, le règlement de Dublin a imposé, de fait, une responsabilité disproportionnée aux Etats membres situés sur les principales routes migratoires au sud de l’Union, notamment la Grèce et l’Italie, qui se trouvaient déjà en position de fragilité à la suite de la crise de la zone euro.

En 2015, au plus fort de la crise migratoire, plus de 1,8 million d’entrées illégales ont été enregistrées sur le territoire européen, ainsi que 1,3 million de demandes d’asile. Les Etats membres de première ligne ont été submergés. La photo du petit Aylan, retrouvé mort noyé sur une plage [de Turquie], est devenue l’emblème de la crise. En dépit de l’urgence, l’UE n’est pas parvenue à trouver une solution de long terme ; la proposition de la Commission européenne de relocaliser les demandeurs d’asile entre Etats membres ne trouvant pas suffisamment de soutien. Même lorsque Angela Merkel, dans un rare élan de courage politique, a ouvert grande la porte de l’Allemagne, le reste de l’Europe est resté fermé. L’opinion publique était trop hostile aux migrants.

Pacte avec le diable

Pour résoudre la crise, l’UE n’a eu d’autre choix que de conclure un pacte avec le diable. En échange de 6 milliards d’euros d’assistance et de la redynamisation très controversée du processus d’accession de la Turquie à l’UE, Erdogan a accepté en 2016 d’accueillir la part de réfugiés qui incombait à l’Europe. L’UE a ainsi acheté un succès de court terme au prix fort – un pansement sur une jambe cassée. En externalisant sa politique migratoire et en se laissant extorquer des fonds par un gouvernement notoirement irrespectueux des droits de l’homme, l’UE a révélé son point faible, la migration, donnant plus tard l’occasion à la Biélorussie de Loukachenko d’utiliser les demandeurs d’asile comme arme de déstabilisation.

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