Qatar : « Nous croyons au droit international », affirme le ministre des Affaires étrangères

6 juin 2018

Par Jihâd Gillon, Jeune Afrique

Rupture des relations avec certains États africains, nucléaire iranien, stratégie diplomatique… Mohammed Ibn Abdulrahman Ibn Jassim Al Thani, le ministre qatari des Affaires étrangères, répond à JA.

Jeune Afrique : Quel est votre message pour les États africains, comme le Niger ou la Mauritanie, qui ont rompu avec le Qatar ?

Mohammed Ibn Abdulrahman Ibn Jassim Al Thani : Tout pays qui a la volonté de changer la position qu’il a prise contre le Qatar trouvera notre porte ouverte, et le Qatar accueillera toujours avec bienveillance ses amis africains, avec lesquels il entretient, pour la plupart, des relations depuis plusieurs décennies. Mais nous avons besoin de comprendre pourquoi ils ont rompu sans même chercher à communiquer avec nous, sans même nous permettre de comprendre quelles étaient leurs raisons. Nous estimons avoir le droit à une explication de leur part.

Le Tchad, après avoir rompu avec le Qatar, est revenu sur sa décision deux jours après l’accord entre Glencore, dont le fonds d’investissement qatari QIA est actionnaire, et l’État tchadien. Le levier économico-financier est-il au cœur de votre stratégie diplomatique en Afrique pour contrer l’influence saoudienne ?

Le problème, c’est que les pays qui nous imposent un blocus essaient d’utiliser tous les moyens comme un levier politique pour que les États africains rompent leurs liens avec le Qatar. Beaucoup de ces États ont subi ce genre de pression. Quelques-uns y ont répondu, mais beaucoup les ont ignorées. Pour ce qui est du Tchad, nos relations étaient fortes et très amicales avant le blocus. Nous avons travaillé ensemble sur de nombreux dossiers africains et régionaux, dont l’accord de Doha sur le Darfour est un exemple fort. Le Tchad y a joué un rôle positif et constructif, et il poursuit dans cette voie. Nous avons mis à plat tous les malentendus et nous avons de nouveau des relations amicales.

Comment jugez-vous la sortie américaine de l’accord sur le nucléaire iranien ?

D’abord, nous respectons cette décision. Notre principale préoccupation est la course au nucléaire dans la région. Si l’accord tombe à l’eau, nous craignons de revenir à la situation qui prévalait il y a dix ans, que d’autres pays essaient d’en profiter pour développer leur propre armement nucléaire. Nous ne voulons pas d’une région nucléarisée, qui affecterait notre sécurité nationale. Nous croyons au multilatéralisme, à la valeur des accords internationaux et au droit international. Aussi, nous espérons qu’une voie sera trouvée pour conserver l’accord. Avec l’Iran, nous avons des positions différentes sur des questions de politique régionale, mais notre souhait est de dépasser ces différences par le dialogue, et non par la confrontation.