Quelles perspectives pour le Liban ? Analyse de la situation géopolitique par Renaud Girard

13.02.2021 – France Culture

Les Répliques, par Alain Finkielkraut

Quelles perspectives pour le Liban ? Plusieurs mois après les explosions sur le port de Beyrouth et alors que le pays connaît une grave crise financière, Renaud Girard et Karim Bitar analysent la situation géopolitique.

Le Liban, c’était la coexistence miraculeuse dans un même Etat de dix-huit communautés religieuses, allant des musulmans sunnites aux chrétiens maronites, en passant par les chiites, les druzes, les Arméniens catholiques, les Arméniens orthodoxes, les Melkites et quelques autres.

Ce vivre ensemble plusieurs fois mis à mal est-il encore possible à l’heure de la guerre civile qui dirige l’islam et du choc Orient-Occident ? Faut-il considérer la double explosion dans le port de Beyrouth, le 4 août 2020, qui a soufflé les quartiers alentours et qui a fait 204 morts et 6 500 blessés comme l’apocalypse terminale de cette exception politique dont le pacte national stipulait qu’elle devait se tenir à égale distance de l’Occident et du monde arabe ? Pour nous éclairer et nous guider avec des idées justes dans le Liban compliqué, j’ai convié ce matin Renaud Girard, chroniqueur international au Figaro et Karim Emile Bitar, directeur de l’Institut de sciences politiques à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth.

Le Liban, tel que nous le connaissions, a définitivement disparu, il ne renaîtra pas. Les contours du nouveau Liban tardent à se définir et nous sommes dans ce clair-obscur où les monstres surgissent ; les monstres se sont bien évidemment les assassins de Lokman Slim. Karim Emile Bitar

L’un des gros problèmes du Liban, c’est l’absence de démocratie intra-communautaire. Il est extrêmement difficile de faire entendre une voix qui soit contraire à celle de la majorité de sa communauté. […] Aujourd’hui, nous sommes dans cette situation où une majorité a quelque peu embrigadé la communauté chiite. Le Hezbollah n’est que l’un des avatars de ces monstres qui surgissent sur la scène libanaise. Karim Emile Bitar

Enjeux internationaux

Karim Emile Bitar et Renaud Girard esquissent une géopolitique de la région, évoquent le communautarisme et la nécessité de faire triompher cette notion de citoyenneté.

La plupart des analystes estiment aujourd’hui que cette politique de pression maximale de Téhéran qu’a menée Donald Trump a plutôt été un échec, qu’elle est plutôt venue faire le jeu des ultra-conservateurs iraniens, qu’elle n’est pas véritablement venue affaiblir l’Iran. Mais au contraire, lui donner un certain nombre d’atouts. […] Près de 70 à 80% de la communauté chiite libanaise soutient le Hezbollah. Malgré toutes ces dérives idéologiques, même ceux qui ne partagent absolument pas son idéologie islamiste le suivent dans son opposition à Israël parce qu’ils estiment qu’il constitue une force de dissuasion et qu’ils ne souhaitent pas qu’Israël puisse à nouveau envahir le Liban comme par le passé. Karim Emile Bitar

Le général Gouraud, après avoir battu les armées arabes en Syrie lorsqu’il prononce la souveraineté du Grand Liban le 1 septembre 1920, envisage déjà un système de cantons suisses. Je pense que c’est sans doute la solution pour le Liban : le fédéralisme mais pas sur des lignes ethniques, sur des lignes régionales qui existent aujourd’hui. Renaud Girard

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