WPC: appel à plus de coopération sécuritaire entre l’Europe et le Maghreb

14.10.2019

Sara El Hanafi, Medias 24

C’est l’un des appels phares de la 12e édition de la World Policy Conference, tenue du 13 au 15 octobre à Marrakech. Thierry de Montbrial, le président de l’Institut français des relations internationales (IFRI), fondateur de ladite conférence, a appelé à davantage de coopération sécuritaire entre l’Europe et les pays du Sahel ainsi que du Maghreb, alors que la menace terroriste de l’ “Etat islamique” persiste.

“Si nous nous réunissons pour la cinquième fois au Maroc, c’est parce que nous voyons dans la co-construction de la sécurité Nord-Sud une contribution positive pour le système international dans son ensemble”, a-t-il lancé lors de son discours d’ouverture.

Et d’ajouter: “Point n’est besoin d’attendre pour travailler ensemble à renforcer le développement et la sécurité de nos voisins du Sud, comme les pays du Maghreb et du Sahel, dont le destin est imbriqué avec le nôtre”.

Pour lui, bien que Daech ait perdu ses territoires, l’organisation terroriste survit, “cachée et redoutable”; grâce à une politique de distanciation du président américain Donald Trump: “De ce fait, le danger du terrorisme islamiste n’a diminué nulle part. Il semble même se renforcer comme au Sahel”, argumente le président de l’IFRI.

Incertitudes pesantes

La World Policy Conference, classée troisième meilleure conférence de think tank mondiale selon le classement des think tanks de l’Université de Pennsylvanie, est organisée pour la cinquième fois au Maroc en partenariat avec le marocain Policy Center for the New South (ex- OCP Policy Center). La conférence a débattu, grâce à plusieurs panels et plusieurs intervenants de poids, les perspectives économiques et géopolitiques mondiales, dans un contexte visiblement marqué par des incertitudes pesantes sur l’économie mondiale.

“Il y a un an, à Rabat, lors de la onzième édition de la World Policy Conference, l’opinion dominante parmi les experts était que l’économie mondiale se portait bien, que ses perspectives étaient favorables, sous la seule réserve de chocs politiques susceptibles de l’affecter. Or, ceux-ci n’ont pas manqué, au-delà même de la guerre commerciale”, a regretté Thierry de Montbrial.

Au devant de la scène, l’arme économique utilisée par les Etats-Unis se traduisant par diverses sanctions imposées à ses opposants, et même ses alliés et autres partenaires que l’Amérique de Trump “ne craint pas de brutaliser en leur imposant sa propre politique extérieure et ses propres lois”, toujours selon Thierry de Montbrial. Une donne qui induit un effritement de la confiance dans le pays de l’Oncle Sam; perturbant l’échiquier mondial.

Cette utilisation des leviers non militaires de la puissance économique pour atteindre des objectifs politiques, dénommée “géo-économie”, est également prisée par la Chine, l’autre mastodonte de l’économie mondiale engagé dans une véritable guerre commerciale avec les Etats-Unis.

“C’est également par la géo-économie que, sans mettre en question ses grandes ambitions militaires, la Chine étend son influence partout sur la planète, avec de réels succès”, explique le président de l’IFRI. “Elle agit au nom du développement ou de la réduction de la pauvreté, et en se déclarant en faveur du multilatéralisme”.

Dans ce contexte, Thierry de Montbrial avance que les puissances moyennes, à l’instar de l’Union européenne qui endure le périple épineux du Brexit, se retrouvent dans l’obligation de comprendre cette nouvelle réalité internationale afin de mieux prendre en main leur destin; surtout en temps de durcissement nationaliste avec le phénomène des “démocraties illibérales”.

Une tendance qui s’étend jusqu’à l’Inde de Narendra Modi, qui affiche le projet sophistiqué de transformation de son pays en passe de devenir le premier du monde en termes démographiques, en une immense “démocratie ethnique”, hindoue, où les 120 millions de musulmans risquent de devenir des citoyens de second degré. Thierry de Montbrial rappelle, au passage, comment des doutes sont apparus sur la réalité du taux de croissance affiché par l’Inde mais également celui de la Chine.

L’empire du milieu reste pour sa part perturbé par la révolte d’une partie de la population de Hong Kong contre l’emprise du gouvernement de Pékin, alors que la République populaire de Chine célèbre en grande pompe son 70ème anniversaire.

“Les Chinois ont beau jeu d’accuser les Anglo-Américains d’être à la manoeuvre, et peut-être n’ont-ils pas complètement tort. De même le Kremlin n’a-t-il jamais eu complètement tort s’agissant du rôle des États-Unis en Ukraine depuis les années 1990. Mais la théorie du complot n’explique jamais tout”, martèle notre interlocuteur.

Pour le moyen-orient, Thierry de Montbrial rappelle qu’en dépit des approches géo-économiques des Etats-Unis, l’Iran n’a pas cédé aux sanctions imposées par celles-ci ; alors que l’Arabie Saoudite vient de manifester sa “grande vulnérabilité” en dépit des centaines de milliards de dollars investis dans sa défense.

“Le prince héritier du royaume saoudien n’a toujours pas établi sa crédibilité, que ce soit dans l’ordre politique ou par rapport à ses projets économiques”, ajoute le président de l’IFRI.

Au-delà de ces sujets qui façonnent l’attentisme et les inquiétudes ambiants chez diverses grandes et petites économies du monde, d’autres dossiers épineux régionaux ont été mis en avant comme le Brésil de Bolsonaro et le Venezuela de Maduro.

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