Modèle de développement: quelles pistes pour le Maroc? Des experts internationaux répondent

18.11.2017
by ZAKARIA BOULAHYA

La nécessité de construire un nouveau modèle de développement se fait pressante au Maroc. Médias 24 a interrogé à ce sujet des experts connus, en marge des travaux de la 10ème édition du World Policy Conference. Voici leurs points de vue.

Pr Thierry de Montbrial – Fondateur et président de la World Policy Conference

J’estime que le meilleur levier est de s’orienter vers une économie du savoir, qui permet de quasiment gagner une génération. Le Maroc a une réelle carte à jouer en ce domaine, d’autant plus qu’il a déjà commencé dans cette voie avec l’université polytechnique Mohammed VI par exemple.
Les créneaux les plus porteurs sont principalement les technologies de l’information et les technologies liées aux énergies renouvelables. Un autre levier est l’adaptation de ces nouvelles technologies aux besoins spécifiques du Maroc et du continent africain. C’est un choix intelligent et porteur d’avenir.
En matière de développement, il est clair que les efforts doivent se concentrer sur le niveau d’éducation et de formation, avec l’appropriation locale de best practices à l’international.

Pr Yi Xiaozhun, DG adjoint de l’OMC (Organisation mondiale du Commerce)

Au sein de l’OMC, nous encourageons les pays similaires au Maroc à maintenir leur économie ouverte, en instaurant une politique et un climat propices aux affaires.
Parallèlement, le Maroc doit aussi adapter sa politique en matière d’emploi, principalement en renforçant la formation – aussi bien initiale que continue, ce qui permet de disposer d’une force de travail ayant les atouts nécessaires pour être compétitive à l’international.
En complément de ce dispositif, il faut instaurer un système de sécurité sociale qui permet de protéger les employés et, par extension, de consolider la croissance.
Je recommande aussi au Maroc de rejoindre les pays africains qui ont déjà intégré l’initiative de l’OMC en faveur de la facilitation des investissements. Actuellement, le royaume étudie cette option mais n’a pas encore confirmé son adhésion. Cela peut créer de meilleures opportunités de croissance pour le pays, en diversifiant sa capacité d’exportation pour une meilleure intégration dans l’économie mondiale.

Kemal Dervis – vice-président de la Brookings Institution, ancien ministre de l’Economie de Turquie

Le socle d’un modèle de croissance soutenable doit reposer sur un équilibre entre création de richesse et redistribution des revenus, qui est souvent inéquitable. On constate partout dans le monde que les grandes compagnies améliorent leur rendement et leurs bénéfices, alors que les PME souffrent de l’inverse.
A mon avis, il faut se focaliser sur les TPE/PME qui assurent une redistribution plus équitable de la richesse entre différentes couches de la société. La stagnation des salaires est aussi un problème à résoudre pour assurer une croissance équitable et homogène.
On peut par exemple mettre en place une politique fiscale avantageuse, mais cela ne portera vraiment ses fruits que si l’on résout le problème des inégalités. Ce qui m’amène au second point: combattre l’inégalité en matière d’éducation, pas seulement en termes d’accès mais aussi en termes de qualité de l’enseignement dispensé.
Sur un plan macroéconomique, les économies qui s’appuient pour une grande part sur les financements extérieurs ont tout intérêt à rééquilibrer leur modèle et s’orienter davantage vers une croissance inclusive. Sinon, ce sera insoutenable.
De manière générale, il faut garder à l’esprit que les conséquences sociales d’une mauvaise distribution des richesses peuvent être dramatiques, surtout pour un pays en développement.

Jung Sung-Chun, vice-président de l’Institut coréen de politique économique internationale

Le premier axe consiste à développer de nouveaux secteurs de croissance – particulièrement dans l’industrie, en mettant l’accent sur les technologies et les ressources humaines. C’est ce qu’a fait la Corée pendant 30 ans avec les résultats qu’on voit aujourd’hui.
Le gouvernement doit aussi mener une politique fiscale volontariste et avantageuse pour les entreprises, tout en leur demandant d’agir en faveur de l’augmentation des salaires. Cela aura pour conséquence la réduction des inégalités sociales par le renforcement du pouvoir d’achat, ce qui au final bénéficie à l’économie toute entière.