Séoul promet une réconciliation avec Tokyo

VIDEO – Intervenant à l’ouverture de la World Policy Conference (WPC) à Séoul, la présidente sud-coréenne Park Geun-hye a annoncé la tenue d’un sommet trilatéral avec les dirigeants chinois et japonais.

Entre 2008 et 2012, les dirigeants coréens, chinois et japonais s’étaient retrouvés à 5 reprises à l’occasion de grands sommets trilatéraux pour tenter d’institutionnaliser leurs relations et de doper l’aura mondiale de leurs nations qui pèsent, ensemble, 25% du PIB mondial. Mais depuis décembre 2012, et l’arrivée au pouvoir au Japon de Shinzo Abe, aucune rencontre ne s’est tenue entre les trois exécutifs. “Il faut absolument ramener de la confiance en Asie du Nord-Est”, a martelé, hier, la présidente Park Geun-hye qui ouvrait, à Séoul, la septième édition de la World Policy Conference (WPC). La dirigeante qui n’a encore jamais eu d’échanges formels avec Shinzo Abe dont elle questionne l’idéologie conservatrice a révélé que ses diplomates travaillaient à l’organisation en 2015 d’un nouveau sommet réunissant les dirigeants sud-coréens, chinois et japonais.

Evoquant l’exemple de la construction européenne, la dirigeante sud-coréenne préconise la mise en place de programmes de coopération entre les trois pays avant l’établissement d’une structure institutionnelle plus poussée. “Il faut que les pays de la région s’entraident dans des secteurs concrets et pratiques, comme la sécurité nucléaire, le changement climatique, la gestion des catastrophes ou la sécurité énergétique”, a insisté la présidente.

L’héritage de la seconde guerre mondiale

Séoul négocie actuellement avec Tokyo les contours d’un rapprochement entre les deux capitales comparable à celui dessiné, ces derniers mois, entre la Chine et le Japon. Les deux pays s’étaient entendus en novembre sur la rédaction d’un communiqué fixant un statu quo sur leur différends territoriaux en mer de Chine orientale. Quelques jours plus tard, Xi Jinping, le président chinois, s’était entretenu pour la première fois avec Shinzo Abe et avait évoqué la relance de la coopération. Avant de reprendre leur projets avec Tokyo, les dirigeants sud-coréens veulent que l’exécutif japonais s’engage à ne pas remettre en cause sa lecture des crimes commis par l’armée impériale nippone dans la péninsule coréenne dans la première moitié du XXème siècle.

Si les experts saluent ce réchauffement, ils notent que les grandes puissances de la région peinent toujours à jeter un voile sur leur passé conflictuel. “L’héritage de la seconde guerre mondiale est toujours très présent dans la région”, pointe l’ancien diplomate français Jean-David Levitte, aujourd’hui consultant à la Brookings Institution. “Il n’y a jamais eu dans la zone de processus de réconciliation comparable au rapprochement franco-allemand qui a été en Europe à la base de la construction européenne”, complète Richard Haas, le président du Council on Foreign Relations (CFR). Ces tensions freinent, selon lui, la capacité des puissances de la zone à créer des institutions communes et à gérer paisiblement leurs nombreux différends géopolitiques.

Illustrant cette difficulté, des diplomates chinois et japonais se sont vivement interpellés, hier, au fil des débats du WPC. “Le Japon doit faire face à son histoire”, a ainsi lancé, très ému, Jianmin Wu , l’ancien ambassadeur de Chine en France, en réaction à une remarque de Shotaro Oshima, l’ancien ambassadeur du Japon en Corée au Sud qui tentait d’expliquer la position de Tokyo sur le temple de Yasukuni, où Shinzo Abe s’était rendu l’an dernier. Le sanctuaire shinto situé au centre de Tokyo honore l’âme de 2,5 millions de morts tombés pour le Japon, dont 14 criminels de guerre condamnés après 1945. “Que diraient les européens si la chancelière allemande se rendait dans un temple rendant hommage à Adolf Hitler ?”, s’est emporté le cadre chinois.

VIDEO Rapprochement sino-russe : l’analyse de Wu Jianmin, ancien ambassadeur de Chine en France