Nicolas Barré : États-Unis : le « boom du vaccin » fait repartir l’emploi

Europe 1 – 05.04.2021

Nicolas Barré

Grâce à la vaccination massive et à la réouverture progressive du pays, les États-Unis voient le taux de chômage chuter de 6% et 900.000 emplois se créer en seulement un mois. Nicolas Barré fait le point sur une question d’actualité économique.

On surnomme cela le « boom du vaccin ». Aux Etats-Unis, l’emploi repart très fort et les effets de la crise du Covid seront bientôt effacés.

Le Wall Street Journal, la bible des affaires, note dans un éditorial que, le même jour, ont été annoncés un nombre record de créations d’emploi et la fin des restrictions de voyages pour tous les Américains vaccinés. Plus la campagne de vaccination avance, plus les Américains retrouvent une vie normale et l’économie se redresse. Les stigmates de la crise disparaissent. En un mois en mars, l’économie américaine a créé plus de 900.000 emplois et le taux de chômage est retombé à 6%.

En fait, le retour à la normale s’accélère.

Ça va très vite, oui. Nicolas Barré invite ceux que ça intéresse à aller faire un tour sur le site de l’université du Maryland qui a mis au point un « indice de la distanciation sociale » en compilant les données personnelles fournies par Google et par les téléphones portables. On s’aperçoit que l’on est revenu pratiquement aux mêmes comportements qu’avant la pandémie, les gens se déplacent, se croisent, bref l’économie s’est littéralement remise en mouvement comme avant.

Au fond, le meilleur plan de soutien de l’économie, c’est le vaccin.

C’est exactement ce que disent les opposants à Joe Biden qui pensent qu’en fait, ça ne sert plus à rien d’injecter des centaines de milliards d’argent public dans l’économie. Vous allez voir, ça va être LE débat politique des prochains mois entre ceux qui diront : laissez faire l’économie, regardez, vous voyez bien, ça repart tout seul dès qu’on réouvre tout. Et les chiffres de l’emploi leur donnent partiellement raison. Et en face les démocrates qui voudront dépenser encore plus d’argent public, ce qui veut dire aussi alourdir les taxes sur les entreprises. Si l’économie américaine continue d’accélérer, paradoxalement, ça ne va pas faire les affaires de Joe Biden. Il aura du mal à justifier de dépenser encore tant d’argent public alors que le chômage sera bientôt retombé à son niveau d’avant crise. Il risque de se retrouver politiquement en difficulté quand l’économie ira beaucoup mieux. L’histoire est ironique…

Visualisez l’émission dans son intégralité sur le site d’Europe 1.

Jean de Kervasdoué – La fuite des cerveaux

Portrait de Jean de Kervasdoué. Crédit photo : Hannah Assouline/Opale/Leemage

Le Point – 05.04.2021

Par Jean de Kervasdoué

Pourquoi donc, en économie ou en sciences, nos plus grands talents partent-ils exercer ailleurs ? Notre chroniqueur nous livre quelques explications.

Àl’instar des milieux artistiques, le monde de la recherche est sans pitié, le classement y est permanent et l’élitisme, la culture commune. En France toutefois, si l’entrée dans la carrière est très sélective, car il n’y a, chaque année, qu’un ou deux postes dans une discipline donnée[1], la quête s’arrête là et la carrière devient du jour au lendemain toute tracée. Comme sous l’Ancien Régime, le jour où un chercheur du CNRS ou de l’Inserm est titularisé, il a acquis pour la vie un statut, une « charge ». Elle le protégera, mais ne lui donnera plus aucune stimulation financière ou symbolique […]

Retrouvez l’article complet sur le site du Point.

Renaud Girard: «Le défi migratoire de Joe Biden»

Par Renaud Girard

L’élection du 46e président des États-Unis a créé un immense appel d’air pour les migrants. Surtout pour ceux d’Amérique centrale fuyant la misère, les désastres naturels et la violence des gangs.

À la frontière entre le Mexique et les États-Unis, les trafiquants d’êtres humains se sont adaptés, avec le cynisme qui les caractérise, à la nouvelle donne administrative prévalant à Washington. Joe Biden a conservé la directive sanitaire – dite Title 42 – prise par son prédécesseur qui autorise les gardes-frontières américains à reconduire immédiatement les personnes ayant franchi illégalement la frontière. Mais il a fait une exception pour les mineurs non accompagnés. Alors, on a vu des trafiquants – filmés la nuit par une caméra de surveillance – jeter des enfants par-dessus un mur frontalier de 4,2 mètres de haut. Beaucoup se blessent en tombant, mais ils sont toujours, plus tard, soignés par les gardes-frontières.

L’élection de Joe Biden, candidat qui avait vertement critiqué l’inflexibilité de Trump en matière migratoire et dénigré son projet d’un mur courant tout le long de la frontière, a créé un immense appel d’air pour les migrants. Surtout pour ceux d’Amérique centrale fuyant […]

Retrouvez l’article complet sur le site du Figaro (réservé aux abonnés).

Samir Saran: Enough Sermons on Climate, It’s Time for ‘Just’ Action

ORF online – 31.03.2021

by Samir Saran

As Britain readies to host the 26th UN Climate Change Conference of the Parties (COP26) in Glasgow in November this year, there is a concerted effort to push countries towards publicly endorsing and adopting ‘Net Zero’—a carbon neutral emission norm—as policy. This is a demand for an inflexible, near-impossible, time-bound agenda to achieve what is no doubt a noble goal. And, as is often the case with climate-related issues, the nobility of intent is at risk of being overwhelmed by sanctimonious hectoring that raises hackles instead of ensuring meaningful participation.

On 3rd March, UN Secretary-General Antonio Guterres took to Twitter to call on governments, private companies and local authorities to immediately initiate three measures to mitigate climate change: Cancel all coal projects in the pipeline; end coal plant financing and invest only in renewable energy; and, jumpstart a global effort to a ‘just transition’ from carbon to non-carbon energy sources.

On the face of it, this was an unexceptionable call from the high priest of the UN to the global laity to rise in support of an important cause. But if we were to scratch the surface of the Secretary-General’s words, we would see that his call was little more than virtue-signalling.

For, there is nothing ‘just’ about the transition that he has sought without delay. Implicit in his call is the immoral proposition to disregard poverty, despair and the yawning development deficit between nations as he places them all on the same plane. Inherent in this approach is the unedifying complicity of global institutions in foisting an arrangement founded in the belief that the poor in the developing world should underwrite the climate mitigation strategy of the developed world. The climate high priests need to realise that depriving the world’s poorest of their aspirations can never be ‘just’ climate action. It can be convenient and, hence, it has much appeal in many quarters.

The climate high priests need to realise that depriving the world’s poorest of their aspirations can never be ‘just’ climate action. It can be convenient and, hence, it has much appeal in many quarters

An Alternative Script

A waffle-free alternative script for those given to sermonising to the world would focus on three other aspects that may actually lead to faster transitions and more justice. First, an impassioned call to those who control capital—managers of pension, insurance and other funds—to ensure larger amounts of money leave the country of origin and flow to countries of deficit for building sustainable, climate resilient infrastructure of the future. The Climate Policy Initiative has calculated that less than a quarter of climate finance flows across national boundaries; in other words, the overwhelming majority of climate finance is raised for domestic projects. The states expected to disproportionately do more to battle climate change are located in Asia, Africa and Latin America. Yet, they are inadequately funded and financed and cost of capital in these places dampens the scope of action. It would be stressing the obvious to say that the frontline states cannot be expected to engage in this battle without adequate inflow of climate capital at the right price for climate action.

Second, the assessors of risk—the intractable credit rating agencies, the cash-rich central banks and the big boys of New York, London and Paris—who decide how much capital should flow in which direction, should be called upon to recalibrate their risk assessment mechanism. Let it be said, and said bluntly, that objective ‘climate risk’ outweighs subjective ‘political risk’ which prevents the flow of capital to key climate action geographies. Risk must be reassessed objectively. Till then, the highfalutin sermons of the Pontiffs of Climate would be mere lip service, which none among the Climate Laity would bother to take seriously.

Third, and, perhaps, the most ‘just’ proposition the Secretary-General could make, would be a moral directive to all Western nations to shut down coal plants and fossil fuel- based enterprises immediately and entirely abandon carbon-fuelled energy for any purpose. After all, green energy sources need room to grow and space to mature and the OECD nations must allow this at warp speed. It is farcical to deny coal plants to countries that are still struggling to claw their way up the development ladder and demand that they turn carbon neutral while thousands of units and homes belch and blow climate emissions every day in rich economies. What is good for the rich cannot be bad for the poor.

Rich countries have failed to reduce their share of fossil fuel emissions. CSEP’s Rahul Tongia has calculated that the top emitting countries in terms of per capita emissions (nations above the global average emissions) still account for about 80 per cent of global Fossil CO2.  He further explains that the absolute emissions of these countries are rising even when measured in 2019. The rich took more than their fair share historically, and are still doing so. Any ‘Just Transition’ must involve evicting the squatters occupying carbon space to the detriment of others. Buying this space from the poorer is not ‘just’; it is another perverse business model based on extraction and mercantilism of centuries past.

Any ‘Just Transition’ must involve evicting the squatters occupying carbon space to the detriment of others. Buying this space from the poorer is not ‘just’; it is another perverse business model based on extraction and mercantilism of centuries past

In the run-up to COP26 at Glasgow, we are witnessing a new passion play of countries making a dramatic show of embracing the idea of Net Zero economies in the coming decades. The script of this passion play draws on starkly evocative narratives that seek to catalyse action through theatrical terms such as ‘climate emergency’. From appropriating the voice of the powerless to acquire legitimacy and crafting compelling narratives through a new cohort of well-funded ambassadors to push the envelope on climate change policy approaches, we are seeing varied actors engaging with climate issues in different ways. These different efforts have a common design, the economic objective of socialising the cost of climate action and making the poor carry the can for the rich.

That said, some facts are irrefutable. The last decade has been the warmest in recorded human history and its effects are visible to all. In February this year, an iceberg larger than New York City broke off the frozen Antarctic  and my just be a prelude to what lies ahead. Indeed, the possibility of the Arctic turning into a benign waterway in the near future can no longer be ruled out. It would require extraordinary un-intelligence to argue that global warming and its fallout can be mitigated by business-as-usual decision-making. But even as there is trans-world consensus on climate change and its impact, many would and must disagree on the proposed burden-sharing and distribution of responsibilities as we respond as a collective.

The India Imperative

India will be significantly affected by climate change in the coming decades. It is already feeling the heat and is combatting challenges from its mountains to its coasts due to shifting weather cycles and changing climate. It needs clearheaded policies, backed by political will, on this single most important issue that will impact its growth, its stability and the very integrity of its geography comprising a multitude of topographies.

This is happening at a moment when India is poised to exit the low-income orbit and take off on a trajectory towards becoming a middle-income country. Its journey from a US $3 trillion economy to a US $10 trillion economy coincides with ongoing climate action, polarising climate debate and climate-impacted economics. India can neither isolate itself from this reality, nor can it be reticent or timid in making its choices known to the world. India cannot be a receiver of decisions made elsewhere; it has to be on the high table, co-authoring decisions implicating its future.

For India, the moment offers three opportunities in these challenging times. First, India has to prepare itself through its policies, politics and internal rearrangements to seize and realise the single biggest global opportunity of leading a global effort to mitigate emissions of the future. The IEA, in its India Energy Outlook 2021 Report, estimates that India’s emissions could rise as much as 50 percent by 2040—the largest of any country, in which case India would trail behind only China in terms carbon dioxide emissions. This need not happen and is an opportunity for India and the World.

India must grab this chance to lower its future emissions through the right investments, technologies and global partnerships. The developed world, too, must make a matching response: Just like the Marshall Plan invested billions to rebuild post-War Europe with Germany at its heart, a new age Climate Marshall Plan must see India at its core. India must prepare and offer itself as the single biggest climate mitigation opportunity for the world and the most important green investment destination.

The developed world, too, must make a matching response: Just like the Marshall Plan invested billions to rebuild post-War Europe with Germany at its heart, a new age Climate Marshall Plan must see India at its core

Second, neither the world nor India should forget the dictum that on climate, India solves for the world. The solutions that India experiments with and implements successfully will be fit to be repurposed for other developing countries with similar geo-topographical conditions and economic sensitivities. Many of them are frontline countries in the climate battle.

India can and must become the hub of climate action for this decade and beyond, offering services, technology and infrastructure through climate supply chains that span the developing world. The International Solar Alliance is just a modest beginning. The future holds multiple opportunities. The country must lead the charge through building financial institutions that will support and sustain green transitions and helping create green workforces fit for purpose for the coming decades, amongst others.

Third, as India celebrates 75 years of its independence in 2022 and leads the G20 in 2023, it has the chance to make its most significant identity shift. India moved from being a British colonial state to a free nation in 1947, and then moved from being perceived as a land of snake-charmers to becoming an internationally acknowledged technology hub at the turn of the century. This decade offers the chance for it to emerge first as aUS $5 trillion and then as aUS $10 trillion economy that will be green and low carbon in its evolution – the first large green economy of the fourth industrial revolution.

India’s expectations from Glasgow COP26 should be uncluttered—its single purpose must be to catalyse global flows and investments to India and other emerging economies. If India fails to attract investments, the markets will clearly have not signed on to the climate agenda. In this effort, India needs a leg-up from the Climate Pontiffs.

Perpetuation of global poverty and low incomes cannot be the rich world’s climate mitigation strategy. ‘Net Zero’ should not seek this end state. On the contrary, investing in the emerging world’s green transition is the only way to build a ‘just’ world. The UN Secretary-General could help ensure that the largest pool of new money flows to where the climate battle will be fought—in India and in the emerging world. That would be a just transition and an efficient one.

 

Read the original article on ORF online’s website.

Masood Ahmed: IMF’s spring meetings lack ambition for a world in crisis

Countries risk a ‘dangerous divergence’ in economic fortune unless more is done to help.
Mark Lowcock & Masood Ahmed – Financial Times – 5 April 2021
IMF managing director Kristalina Georgieva.
IMF managing director Kristalina Georgieva. The fund’s projections show a prolonged and stumbling recovery for developing countries © Samuel Corum/Getty

At the spring meetings of the IMF and World Bank this week, we can expect measures to support low- and middle-income countries’ pandemic recovery that are laudable but fall well short of what is required.  One likely outcome will be an allocation of up to $650bn in IMF special drawing rights, the fund’s reserve currency that is used to supplement members’ official reserves. An extended pause on debt service payments for the poorest countries and a commitment from wealthy nations to help finance the global distribution of Covid vaccines will probably also be agreed. All these measures will be welcome. But they will be only marginally helpful for countries where the end of the pandemic remains far off. They certainly will not prevent IMF managing director Kristalina Georgieva’s warning of a “dangerous divergence” between economies from becoming a reality.  The IMF’s projections show a prolonged and stumbling recovery for developing countries. Most are unlikely to vaccinate enough people to achieve herd immunity until 2023. Their financial buffers are near depleted, threatening the first rise in global poverty since 1990. Already 270m people face starvation.  It is not too late to raise the ambition for the spring meetings. They could be used to trigger immediate action and set the agenda in a way that recognises the long-term impact of this crisis and matches it in scale, scope and duration. The IMF and the World Bank increased their lending last year. They now need to publicly commit to at least sustain their flows at this elevated level for the next five years. This will require an agreement between the institutions and their shareholders on more creative use of their balance sheets combined with commitments for new shareholder financing as needed.  Second, a fundamental restructuring or writedown of debt is required for a significant number of developing countries. The common framework for debt treatments agreed by the G20 last November has potential but has achieved little so far. Shareholders should ask the IMF and World Bank to apply the framework and more actively address the debt issue, for instance by bringing recalcitrant private creditors to the table. Third, neither future pandemics nor climate change can be managed unless developing countries are engaged in the process. International financial institutions need to adapt their historical country-focused business model. Now is the time for shareholders to ask the leadership of the IFIs to produce ambitious proposals to address these global challenges.

Finally, international support for countries trapped in economic fragility and conflict remains fragmented and has yielded mixed results. The meetings should set out how IFIs and the UN can better co-ordinate on fragile states socially, politically and economically. During the pandemic there have been examples of solidarity and smart collaboration; the development of vaccines is perhaps the finest. As rich countries move from crisis management to shaping the recovery, it would be a mistake to think of the continuing crisis in the world’s poorest countries as someone else’s problem. Some will say these proposals extend the mandate of the IFIs. But maintaining the weak response we’ve seen so far would be a moral failure, and one lacking foresight. Aside from the obvious risk of leaving the virus free to circulate, it opens up the possibility of secondary crises — hunger, conflict and displacement — spilling over into the lives of everyone, everywhere. The spring meetings have the potential to determine whether this autumn is the beginning of the end of the pandemic, or the start of a more complex and dangerous phase for the world.

 

The writer is the UN under-secretary-general for humanitarian affairs.

Masood Ahmed, president of the Center for Global Development, co-authored this article.

Ana Palacio appelle l’UE à jouer « un rôle de premier plan » dans la résolution du conflit autour du Sahara

Le360 (avec MAP) – 25/03/2021

L’Union européenne (UE) est appelée à jouer un « rôle de premier plan » dans la relance des pourparlers entre les parties pour le règlement définitif du conflit autour du Sahara, a affirmé l’ancienne ministre espagnole des Affaires étrangères, Ana Palacio.

Ana Palacio cover

Le statu quo au Sahara -et au Maghreb plus largement- ne peut pas durer, a relevé l’ancienne cheffe de la diplomatie espagnole, dans une chronique publiée récemment par l’organisation médiatique internationale « Project Syndicate », basée à Prague, notant que « la guerre, si elle revenait, alimenterait l’instabilité dans toute la région ».

Revenant sur la reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté pleine et entière du Maroc sur ses Provinces du Sud, elle a relevé que les « USA ne sont pas les seuls à soutenir le Maroc dans le différend du Sahara ».

« A la fin de 2020, 18 pays d’Afrique subsaharienne et du Golfe avaient ouvert, ou exprimé leur intention d’ouvrir, des consulats au Sahara, impliquant une reconnaissance tacite de la souveraineté marocaine », a-t-elle expliqué. De l’autre côté, a-t-elle indiqué, le Polisario a récemment contesté, sans succès, la légalité des exportations agricoles et des accords de pêche entre le Maroc et l’UE devant la Cour européenne de justice.

Elle affirme que « les Sahraouis sont pris en otage par le Polisario afin de soutenir le discours selon lequel le Maroc est un occupant, un discours qui n’est pas confirmé par le droit international », soutenant qu’aucune des 69 résolutions du Conseil de sécurité sur le Sahara « ne fait référence à une occupation ».

Ces résolutions, a-t-elle précisé, appellent plutôt les parties à négocier un règlement politique. A rappeler que le Conseil de sécurité des Nations unies a, dans ses résolutions, notamment la dernière (2548), insisté sur la solution politique réaliste, pragmatique et durable qui repose sur le compromis, pour le règlement du conflit artificiel autour du Sahara. Il consacre de ce fait la prééminence de la proposition marocaine d’autonomie qui recueille le soutien de la communauté internationale et que l’administration américaine estime, à juste titre, comme étant la base de toute solution politique.

Retrouvez cet article sur le site du 360.

Les implications économiques potentielles d’une pandémie durable

Terranova – 16.03.2021

Par Jean Pisani-Ferry et Olivier Blanchard

SYNTHÈSE

Si le COVID-19 persiste et continue de menacer des vies, deux scénarios semblent possibles. Des vagues d’infection récurrentes qui conduisent les gouvernements à osciller entre l’imposition et la levée de mesures sanitaires en fonction des hauts et des bas de l’épidémie. Ou un scénario de « zéro COVID » dans lequel des politiques d’endiguement sévères et soutenues au début, suivies de mesures sanitaires plus douces associées à un traçage et à des tests systématiques, viseraient à atteindre et à maintenir un niveau d’infection très bas. Bien que l’expérience suggère que ce deuxième scénario entraînerait des coûts humains et économiques à long terme moins élevés, les réalités géographiques, humaines et politiques au sein des pays et entre eux le rendent moins probable, du moins dans le cas d’économies ouvertes, étroitement intégrées et densément peuplées comme celles de l’Europe. Le premier semble plus probable.
Les économistes Jean Pisani-Ferry et Olivier Blanchard voient trois principales implications économiques d’un scénario d’épidémies récurrentes, qu’ils détaillent pour Terra Nova. La première est la fermeture durable des frontières, les pays essayant de se protéger des infections survenant ailleurs. La deuxième est la probabilité de confinements répétés. La troisième concerne les effets durables sur la composition de l’offre et de la demande.

Cet essai fait partie d’une série du Peterson Institute for International Economics (PIIE) sur Economic Policy for a Pandemic Age: How the World Must Prepare for a Lasting Threat.
Les auteurs remercient Michael Kister pour son excellente assistance à la recherche, Nicolas Woloszko pour ses conseils sur les données de l’OCDE et Laurence Boone, Philippe Martin, Guntram Wolff et leurs collègues du PIIE pour leurs commentaires et critiques sur une version antérieure.

Téléchargez la note sur le site de Terranova.

Philippe Chalmin : « Il y a une montée en puissance des tensions » entre Chinois et Occidentaux

  

Par 

La filière des batteries électriques, en Europe et aux Etats-Unis, est renforcée par la reprise de la production de l’Usine du Sud en Nouvelle-Calédonie. Mais le nickel illustre aussi les tensions entre chinois et occidentaux.

La ville d’Anchorage en Alaska, avec ses températures polaires, tournée vers le Pacifique, a servi de décor adapté au climat de guerre froide qui règne entre la Chine et les Etats-Unis. Les deux pays, ont conclu vendredi deux jours de discussions « dures » mais « constructives » qui ont donné lieu au déballage inédit de leurs profonds désaccords, à l’image des tensions militaires et de la confrontation commerciale sans merci entre les deux premières puissances mondiales.

Chine
Les délégations chinoises et américaines face à face à Anchorage en Alaska.  ©Fred J Brown AFP

Symbole de ces tensions, la mer de Chine où s’observent désormais quotidiennement navires de guerre chinois et occidentaux. Cette route maritime, voit se croiser les exportations chinoises d’acier ou de batteries électriques, et les importations de matières premières venues d’Australie, d’Indonésie ou de Nouvelle-Calédonie pour le nickel. « Il y a une montée en puissance des tensions militaires dans la région qui s’ajoutent aux conflits commerciaux et ce sont les matières premières qui sont en première ligne » a estimé Philippe Chalmin, économiste et historien, fondateur du cercle Cyclope.

Taiwan
Chasseur F16 taïwanais escortant un bombardier à capacité nucléaire chinois H-6K dans le détroit de Formose.  ©AFP

Jeudi soir, après les durs échanges verbaux entre les délégations américaines et chinoises à Anchorage, les cours des matières premières avaient baissé par peur du risque ; ainsi pour le nickel qui était passé sous le seuil des 16.000 dollars la tonne.

Mais vendredi, oubliant le sommet américano-chinois de l’Alaska, les analystes londoniens prenaient connaissance, positivement, de l’information publiée par Nouvelle-Calédonie la 1ère annonçant la reprise progressive de l’activité de l’Usine du Sud (Goro Resources). Le nickel hydroxyde cake produit par le grand complexe industriel calédonien, l’un des plus importants au monde, est le principal composant utilisé dans l’industrie des batteries rechargeables, celle des véhicules électriques. La production serait principalement destinée aux constructeurs occidentaux. Elle n’irait pas en Chine…« L’Usine du Sud a produit 23.400 tonnes de nickel en 2019. Elle a la capacité de produire jusqu’à 60 000 tonnes par an de NHC » a rappelé Anna Stublum, stratégiste de Marex Spectron.

« Les opérations de lixiviation du nickel à l’acide, comme à Goro en Nouvelle-Calédonie, sont toujours bien meilleures pour l’environnement que la production de nickel par une filière de fonte ».

Lyle Trytten, expert canadien du nickel (Trytten Consulting Services)

Faut-il y voir un signe ? Les tensions qui opposent d’un côté les Etats-Unis et leurs alliés, et de l’autre la Chine, ne sont pas absentes non plus de la bataille qui se livre autour du nickel de la transition énergétique. Comme en réponse à la participation de l’Américain Tesla au renouveau de l’usine calédonienne, le conglomérat chinois Tsingshan a annoncé qu’il disposait d’une alternative pour fournir du nickel au marché des voitures électriques. Du nickel de qualité batterie à partir de Nickel Pig Iron, un processus métallurgique qui est critiqué pour son impact environnemental. « C’est cette information qui a entraîné la baisse substantielle du prix du nickel », a rappelé le Metal Bulletin de Londres. Comme une illustration de la « compétition rude » qui oppose la Chine et les occidentaux, selon les termes utilisées par la délégation américaine à Anchorage.

Usine du Sud (nickel et cobalt) Vale Nouvelle-Calédonie
Usine du Sud (nickel et cobalt) Vale Nouvelle-Calédonie

Cours du nickel au LME de Londres 16.262 dollars/tonne +1,56 % (-17,24 % sur un mois)

Retrouvez l’article complet sur le site de La 1ère – France TV Info.

Bertrand Badré: Europe’s ESG Opportunity

Bertrand Badré at 2019 WPC Finance workshop

11.02.2021 – Project Syndicate

Olivia Grégoire & Bertrand Badré

Far from being a purely technical matter, assessing firms’ non-financial performance is a deeply political issue. Europe’s inclusive governance model may give it a competitive edge in shaping global environmental, social, and governance regulations for firms and investors.

PARIS – Finance is evolving in a more sustainable direction, and just in time. Pension funds, insurance companies, and sovereign wealth funds have made multiple commitments on climate change, biodiversity, and economic inclusion. In each case, the aim is to treat finance as a tool, not an end in itself, and to adopt objectives that go well beyond financial returns.

Today, more than $40.5 trillion globally is invested according to environmental, social, and governance principles. But who defines what constitutes an ESG investment, and how far can we trust ESG statements issued by corporations? We need a set of  – and Europe can, and should, play a leading role in formulating and implementing them.

Far from being a purely technical matter, assessing firms’ non-financial performance is a deeply political issue. The first step is the choice of indicators to measure a company’s environmental or social performance. Then there is the question of establishing baseline ESG standards that Europe, the United States, or China will require from all firms that want to do business in their market, as well as a frame of reference that will directly influence financial and investment flows.

Designing such indicators is an invaluable instrument for building sovereignty. Europe, in many respects a global leader in the environmental and social domains, should therefore seize the opportunity, and advance the case for a different kind of sovereignty that serves as a launchpad for global initiatives.

Since French President Emmanuel Macron advocated building European sovereignty in a 2017 speech, the European Union’s view on the issue has evolved significantly. Nowadays, member states are far less ambivalent about defending European sovereignty, whether in response to emerging digital monopolies, the economic risks of Brexit, or the public-health threat posed by COVID-19.

To safeguard its model and values, Europe can no longer just respond to events, but needs to be proactive in identifying and initiating measures that will spread beyond its borders. Assessing corporations’ non-financial performance can form part of a more assertive sovereignty that also enables Europe to address equally urgent issues such as climate change, social problems, and shifting geopolitical alignments.

For example, the EU has set itself far-reaching environmental goals, starting with achieving carbon neutrality no later than 2050. To that end, it recently developed a so-called green taxonomy, a standardized classification that enables assessment of the sustainability of 70 economic activities that together account for 93% of the EU’s greenhouse-gas emissions.

On the social front, the EU established the Charter of Fundamental Rights in 2000, and in 2017 proclaimed the European Pillar of Social Rights – granting its citizens new and more effective means of ensuring equal access to the labor market, fair working conditions, and increased social protection. And in October 2020, the European Commission proposed an EU directive to ensure adequate minimum wages for workers in member states.

But here, too, Europe is trapping itself in a defensive situation. Although Europe is protecting its sovereignty by building such an environmental and social framework, it has no desire to introduce these ideas elsewhere. But in a global economy where each country is trying to shape standards to its own advantage, the key is not merely to defend a model, but to present it to the world as a basis for further discussion.

Since its inception, the EU has frequently been criticized for its sluggishness and bureaucratic red tape. But in a union of 27 sovereign states, every decision is necessarily the result of negotiation and compromise. Moreover, decisions about what constitutes good or bad behavior relative to a norm should not be made lightly. Ironically, therefore, Europe’s inclusive governance model may give it a competitive edge in shaping global ESG standards.

With its large and prosperous single market, high savings rate, and powerful financial sector, Europe can potentially influence these standards through what Zaki Laïdi calls “norms over force.” This is the exact opposite of traditional political and military power, or, as Laïdi puts it, the “ability to produce and set up a worldwide mechanism of norms able to structure the world, to curb unruly behavior from entering players, to offer those who abide by the rules, particularly the less powerful, ample opportunity to make the norms stand against all, including the powerful.”

Furthermore, because measuring non-financial performance goes well beyond simple accounting, the transition to a more ecologically and socially sustainable capitalism through participants’ transparency and shared responsibility may become the polestar of a new European identity.

At a time when Europe is seeking to outgrow its internal political divisions, the EU has an opportunity to reiterate its environmental and social values without requiring member states to support a particular economic model, but rather by simply sticking to a results-based approach. Despite their historical and cultural differences, member states have many shared values that enable them to agree on the basics on issues such as gender equality or environmental protection.

One of the founding fathers of European integration, Jean Monnet, believed that sovereignty declines when it is entrenched in old patterns. Having designed a sovereignty that differs fundamentally from previously tested governance models, the EU must now demonstrate its vitality by extending its power beyond its single market.

More than any other jurisdiction, the EU should embrace new norms, not fear them. By requiring an evaluation of a firm’s environmental and social impact before granting access to its market, the EU would have a unique opportunity to assert both the singularity and the extent of its sovereignty.

In doing so, Europe would contribute to a necessarily global debate regarding the transition toward a sustainable, resilient, and inclusive capitalist economic model. This goal was implicit in the Sustainable Development Goals and Paris climate agreement that the world adopted in 2015. We now have a duty to make it overt.

Read the article on Project Syndicate.

Quelles perspectives pour le Liban ? Analyse de la situation géopolitique par Renaud Girard

13.02.2021 – France Culture

Les Répliques, par Alain Finkielkraut

Quelles perspectives pour le Liban ? Plusieurs mois après les explosions sur le port de Beyrouth et alors que le pays connaît une grave crise financière, Renaud Girard et Karim Bitar analysent la situation géopolitique.

Le Liban, c’était la coexistence miraculeuse dans un même Etat de dix-huit communautés religieuses, allant des musulmans sunnites aux chrétiens maronites, en passant par les chiites, les druzes, les Arméniens catholiques, les Arméniens orthodoxes, les Melkites et quelques autres.

Ce vivre ensemble plusieurs fois mis à mal est-il encore possible à l’heure de la guerre civile qui dirige l’islam et du choc Orient-Occident ? Faut-il considérer la double explosion dans le port de Beyrouth, le 4 août 2020, qui a soufflé les quartiers alentours et qui a fait 204 morts et 6 500 blessés comme l’apocalypse terminale de cette exception politique dont le pacte national stipulait qu’elle devait se tenir à égale distance de l’Occident et du monde arabe ? Pour nous éclairer et nous guider avec des idées justes dans le Liban compliqué, j’ai convié ce matin Renaud Girard, chroniqueur international au Figaro et Karim Emile Bitar, directeur de l’Institut de sciences politiques à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth.

Le Liban, tel que nous le connaissions, a définitivement disparu, il ne renaîtra pas. Les contours du nouveau Liban tardent à se définir et nous sommes dans ce clair-obscur où les monstres surgissent ; les monstres se sont bien évidemment les assassins de Lokman Slim. Karim Emile Bitar

L’un des gros problèmes du Liban, c’est l’absence de démocratie intra-communautaire. Il est extrêmement difficile de faire entendre une voix qui soit contraire à celle de la majorité de sa communauté. […] Aujourd’hui, nous sommes dans cette situation où une majorité a quelque peu embrigadé la communauté chiite. Le Hezbollah n’est que l’un des avatars de ces monstres qui surgissent sur la scène libanaise. Karim Emile Bitar

Enjeux internationaux

Karim Emile Bitar et Renaud Girard esquissent une géopolitique de la région, évoquent le communautarisme et la nécessité de faire triompher cette notion de citoyenneté.

La plupart des analystes estiment aujourd’hui que cette politique de pression maximale de Téhéran qu’a menée Donald Trump a plutôt été un échec, qu’elle est plutôt venue faire le jeu des ultra-conservateurs iraniens, qu’elle n’est pas véritablement venue affaiblir l’Iran. Mais au contraire, lui donner un certain nombre d’atouts. […] Près de 70 à 80% de la communauté chiite libanaise soutient le Hezbollah. Malgré toutes ces dérives idéologiques, même ceux qui ne partagent absolument pas son idéologie islamiste le suivent dans son opposition à Israël parce qu’ils estiment qu’il constitue une force de dissuasion et qu’ils ne souhaitent pas qu’Israël puisse à nouveau envahir le Liban comme par le passé. Karim Emile Bitar

Le général Gouraud, après avoir battu les armées arabes en Syrie lorsqu’il prononce la souveraineté du Grand Liban le 1 septembre 1920, envisage déjà un système de cantons suisses. Je pense que c’est sans doute la solution pour le Liban : le fédéralisme mais pas sur des lignes ethniques, sur des lignes régionales qui existent aujourd’hui. Renaud Girard

Ecoutez l’émission sur le site de France Culture.

Renaud Girard: «Soyons réalistes face à la Russie!»

L’Europe se trompe en voulant imposer des sanctions à la Russie après la condamnation de Navalny. Elles pénalisent le commerce alors que c’est ce qui devrait les rapprocher.

Le Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne (UE), qui se tiendra le lundi 22 février 2021 à Bruxelles, sera dédié aux relations qu’elle doit construire avec la Russie. C’est dans cette enceinte que le haut représentant européen pour les Affaires étrangères rendra compte des résultats de son déplacement à Moscou du vendredi 5 février. L’Espagnol Josep Borrell y était allé notamment pour demander la libération de l’opposant Alexeï Navalny, qu’un tribunal moscovite vient de condamner à deux ans et huit mois de prison ferme, sans qu’il ait commis le moindre délit réel. Devant la presse, le ministre russe des Affaires étrangères avait fait la leçon au haut représentant. Sergueï Lavrov avait fustigé l’«exceptionnalisme» des Occidentaux qui, selon lui, s’arrogent le droit de s’ingérer, comme ils veulent et quand ils veulent, dans les affaires intérieures des autres pays. Le même jour, son ministère expulsait trois diplomates européens (un Allemand, un Polonais et un Suédois) ayant […]

Retrouvez la suite de la tribune de Renaud Girard sur le site du Figaro.

Antoine Flahault : « On pourrait rêver d’une sorte de week-end vaccinal en juin »

03.02.2021 – Le 1 hebdo

Entretien avec l’épidémiologiste Antoine Flahault

Qu’a-t-on appris des épidémies passées ?

Toutes les épidémies de maladies émergentes nous en apprennent beaucoup. L’épidémie de VIH a montré que trouver des traitements qui modifient radicalement le pronostic vital peut changer la donne. Changer le pronostic de la maladie, notamment chez les personnes âgées et à risque, pourrait avoir un effet similaire pour le Covid. L’épidémie de chikungunya nous a éclairés sur le rôle des mutations dans l’évolution de l’épidémie. On a aussi appris à mettre en place en France des vaccinodromes avec l’épidémie de H1N1 – un modèle qui réapparaît aujourd’hui, et que les Allemands appliquent depuis décembre et nous depuis janvier. En réalité, ceux qui ont le mieux tiré les leçons des épidémies passées sont les Asiatiques, les peuples proches de la Chine continentale : toutes les connaissances accumulées sur le SRAS pour mieux juguler le SARS-CoV-2, qui ressemble à s’y méprendre à son cousin éloigné le SARS-CoV, virus du SRAS.

Sait-on combien de temps encore pourrait durer l’épidémie ?

Nos outils prédictifs ont hélas très peu progressé. On sait davantage comment se comporte une pandémie de grippe, car la grippe saisonnière nous sert de guide dans nos modèles mathématiques. Mais une pandémie de coronavirus, ça ne s’est jamais vu dans l’histoire contemporaine. Il serait hasardeux de vouloir prédire quel scénario se réalisera. Même si nous avons espoir que la vaccination accélère sa disparition, nous ne sommes pas à l’abri d’un variant qui échapperait à l’immunité et nous ferait retomber dans une nouvelle forme de pandémie.

Ces variants nous exposent-ils à une pandémie sans fin ?

De nouveaux variants seront forcément découverts, car ces virus ARN sont connus pour beaucoup muter. On a plutôt de la chance, puisque ce coronavirus mute moins que le virus de la grippe. Le virus ARN du coronavirus a un grand génome. C’est le plus grand de tous les virus ARN connus, avec ses 30 000 bases. Ses mutations ne sont pas nécessairement alarmantes. Les inquiétude que suscite un nouveau variant concernent sa transmissibilité accrue, sa virulence – la sévérité des formes cliniques qu’il génère –, le fait qu’il puisse échapper au diagnostic PCR ou antigénique ou, enfin, à la protection conférée par les vaccins. S’agissant de sa transmissibilité, le consensus est que les variants actuels sont plus transmissibles. Il faut comprendre que le coronavirus a muté plusieurs milliers de fois depuis son apparition l’an dernier à Wuhan. Les variants britannique B 117, sud-africain ou brésilien comptent 15 à 25 mutations chacun, touchant des sites parfois stratégiques du virus, comme celui qui code pour la protéine Spike, celle-là même qui permet au virus de s’accrocher à nos cellules afin d’y pénétrer. C’est en quelque sorte le trousseau de clés dont se sert le virus pour infecter l’homme. Si vous changez des constituants de la protéine Spike, soit c’est bénéfique – par exemple, si la clé ne permet plus d’entrer aisément dans la cellule –, soit cela aggrave la situation – si la clé devient un passe-partout et permet au virus d’entrer encore plus facilement dans la cellule. Aujourd’hui, des arguments laissent à penser que ces trois mutants augmenteraient la transmissibilité du virus, peut-être aussi sa virulence, et on ne sait pas encore ce qu’il en est de la sensibilité au vaccin.

Que doit-on en conclure ?

Le fait que ces variants soient plus transmissibles n’est pas une bonne nouvelle. Y compris pour la mortalité. Dans la situation actuelle, il vaudrait mieux un virus 50 % plus mortel que 50 % plus transmissible. C’est contre-intuitif, mais un virus 50 % plus transmissible tuera proportionnellement davantage, car le pourcentage de morts ne sera pas augmenté, mais le pourcentage de cas le sera largement. Ce n’est donc une bonne nouvelle ni du point de vue du taux de saturation des hôpitaux ni de celui du risque de mortalité.

Où en sommes-nous de l’épidémie ? Ne fait-elle que commencer ou en voit-on le bout ?

Nous publions chaque jour une carte réactualisée du monde, qui nous permet de dire comment la situation évolue dans les 209 pays et territoires de la planète qui enregistrent des cas et des décès par Covid. En Europe, on a connu deux vagues, en mars puis en octobre. Cette deuxième vague n’est pas terminée. Si on regarde l’hémisphère sud, l’Australie, l’Afrique du Sud ou l’Argentine, on voit qu’une vague hivernale (entre mai et septembre chez eux) a déferlé de façon brutale et s’est prolongée jusqu’à la fin de l’hiver. Fin janvier, dans l’hémisphère nord, la deuxième vague n’était pas terminée. La pression du virus pendant toute la saison froide risque de rester importante pour les Européens. Ce qui n’est pas clair, c’est de savoir s’il y aura un rebond

[…]

A Global Pandemic Alarm Bell

Jean Pisani-Ferry

The appearance of mutant versions of the coronavirus in the United Kingdom, South Africa, and Brazil has given the world no choice but to design and implement a comprehensive global strategy. So, what’s stopping that from happening?

PARIS – Seen from Europe, Asia, or even North America, Manaus, the capital of the Brazilian state of Amazonas, is as remote as can be. Yet the 501Y.V3 variant of the coronavirus recently detected there has already been identified as a global threat, because its emergence in a city where two-thirds of the population was already infected in the spring of 2020 suggests that acquired immunity does not protect against it.

Scientists speculate whether 501Y.V3 may also thwart some of the existing vaccines. Even if the RNA-based vaccines can be quickly modified, the risk of ineffectiveness just when mass vaccination is being rolled out is extremely scary.

Viruses, of course, mutate all the time. While many mutations are innocuous, dangerous ones regularly appear. The larger the population that is infected at any time, the higher the probability that a hazardous variant, or possibly a new strain, will appear. Each person is a potential lab for these mutations. With some 600,000 new coronavirus infections identified daily, there are currently several million such labs in operation around the world. So it is a certainty that more mutations will occur.

This threat confronts the international community with a stark choice: either design and implement a comprehensive global strategy, or seal borders and let countries fight it out with the virus one by one. There is no effective middle way. The prevailing combination of vaccine nationalism and half-open borders is a losing strategy. In an open world where rich countries would attempt to protect their populations while poorer countries could not, contamination would repeatedly cross borders and defeat the most sophisticated health policies. Already, the South African and Manaus variants have been found in Germany.

On paper, the choice between acting globally and closing borders is a no-brainer. The total population of countries categorized by the World Bank as low-income and lower-middle income is about four billion. Assuming a $10 unit price, vaccinating 75% of this population would cost $30 billion, a mere two-hundredth of the crisis-induced fiscal loss already incurred by advanced economies. Even from a narrow economic standpoint, and even if ten times more expensive, investment by rich countries in curbing the pandemic in poor countries would be hugely profitable. The alternative of closing borders altogether to contain contamination would send a terrible signal and destroy prosperity on a massive scale.

Conscious of the challenge, rich countries actually support a program of this sort, though on a much smaller scale. The COVAX initiative, launched in April 2020 by the World Health Organization, the European Commission, and France, is meant to help participating states jointly negotiate procurement with vaccine producers, and to donate to poor countries enough free doses to vaccinate 20% of their population. Although this is insufficient to control the virus’s spread, it would be good enough to protect the elderly and health-care workers, and it would represent a significant stepping-stone to further action.

By the end of 2020, COVAX had raised $2.4 billion and pre-ordered enough doses to vaccinate a billion people in 2021, but it was still at pains to raise the additional $5 billion needed to finance its rather unambitious program. Under President Donald Trump, the US had refused to provide support. Moreover, vaccine manufacturers favor more profitable rich-country markets, where governments are willing to pay a premium to accelerate the supply of doses.

Not surprisingly, WHO Chief Tedros Adhanom Ghebreyesus recently warned that the world was “on the brink of a catastrophic moral failure.” But, alongside the moral failure, what is puzzling is the collective action failure this behavior represents. Self-interest, not just a sense of duty, dictates that rich countries should do more. Why aren’t they?

The first reason is short-sightedness. At home, too, governments are not doing enough. In Europe, investment in vaccine research and development has fallen short of the $18 billion the US has devoted to Operation Warp Speed. Oddly, the European Union’s €390 billion ($473 billion) in grant-making resources administered by the bloc’s Recovery and Resilience Facility does not include joint funding for vaccine research.

The second reason is the traditional temptation to free-ride on others’ efforts. Rich-country governments have strong incentives to protect their citizens, but support to poor states is vulnerable to free-riding, as each player’s interest is to let others pay for the common good. For example, Trump announced that he was withdrawing the US from the WHO at the very moment when joint action was urgently needed. Add to that China’s shirking of its global responsibilities, and international leadership has been dramatically absent since last spring.

The third reason is messy governance. The global health field is complex, scattered, and characterized by institutional overlap. Because the WHO is widely regarded as an ineffective and politicized institution, initiatives have developed on the side, with private donors such as the Bill & Melinda Gates Foundation, governments, and public agencies cooperating ad hoc to develop a flurry of initiatives. The resulting funding map defies imagination. This was fine as long as tackling emerging challenges required limited mobilization and resources, but the pandemic calls for acting on an entirely different scale.

Can the world change tack? Fortunately, US President Joe Biden’s administration has already announced its intention to join COVAX. Until recently, it was assumed that the repair of international trade and renewed engagement in climate action would be its first external priorities. Events may well turn the coordination of pandemic efforts into a litmus test of Biden’s global leadership. But if US commitment is clearly needed, much broader joint action is called for to prevent a moral, medical, and economic disaster.

Read the original article on Project Syndicate.

Promoting the diffusion of technology to boost productivity and well-being in Korea

Mathilde Pak, OECD Economist at the 2019 WPC

Korea is a top player in emerging digital technologies, with an outstanding digital infrastructure and a dynamic ICT sector. The COVID-19 outbreak highlighted the importance of digitalisation to contain the spread of the virus, by allowing quick testing and tracing of infected people, and spurred the development of the « untact economy ». Remote access both facilitated physical distancing and mitigated the economic impact of the crisis by enabling more people to continue working. Digital technologies offer opportunities to raise firms’ productivity and the population’s well-being. However, wide productivity gaps between large firms and SMEs and between manufacturing and services weigh on economy-wide productivity, which is far below the OECD average. A wide skills gap between youth and older generations prevents an increasing share of the population from taking part in and enjoying the benefits from a digitalised economy. This paper suggests ways to narrow the digital divide by enhancing the diffusion of digital technologies among firms and among individuals. Increased participation in quality ICT education and training for students, teachers, SME workers and older people is key to address the lack of adequate skills and awareness of digital benefits or dangers (online security, cyberbullying, addiction). Promoting innovation networks between SMEs, academia and large firms through vouchers or platforms can support SMEs’ R&D and commercialisation of innovative goods and services. Waiving stringent regulations through regulatory sandboxes can help identify and alter regulations that hinder the adoption and diffusion of digital technologies.

Click to access the PDF of the full OECD Economics Department Working Paper

Click to access the PDF from the OECD iLibrary 

Vers la deuxième croisade ?

Portrait de Thierry de Montbrial © Bahi

Éditorial du 26 janvier 2021

Du point de vue européen, la prise de conscience d’une possible pandémie date exactement d’un an. La vague est arrivée. Elle a submergé le monde, avec beaucoup de victimes directes et plus encore de dommages collatéraux. Dans ce maëlstrom, une sorte de miracle s’est produit : la mise au point, avec une rapidité sans précédent, non pas d’un, mais de plusieurs vaccins semble-t-il efficaces. Deux d’entre eux sont basés sur des technologies certes en gestation depuis longtemps, mais néanmoins révolutionnaires. A un moment où les hommages ne pleuvent pas sur Donald Trump, rendons-lui au moins celui d’y avoir cru et de les avoir financées un bon moment. Hélas, les espoirs en une défaite rapide du virus ont été déçus, pour au moins deux raisons. D’une part, la production et la distribution des vaccins ne se font pas avec un claquement de doigt. Elles se heurtent à diverses difficultés organisationnelles, en particulier logistiques. Nous sommes là dans une logique d’économie de guerre, à laquelle peu de pays étaient préparés. Et s’il est vrai que la vaccination est un bien public dans la mesure où chaque personne vaccinée protège aussi les autres, la traduction opérationnelle de cette constatation, notamment dans les pays en voie de développement, ajoute des difficultés aux difficultés. D’autre part, et peut être surtout, l’arrivée de variants plus contagieux, voire plus dangereux, a douché les espérances d’une fin prochaine de la crise. A présent, plus personne ne s’attend à un retour à la normale avant 2022 au mieux. Et encore s’agirait-il de toute façon d’une nouvelle normalité.

C’est dire qu’au moins le premier quart de la présidence de Joe Biden aura deux toiles de fond, entremêlées comme en 2020 : le virus et la Chine. Elles sont entremêlées car la première manche de la lutte contre la pandémie a été clairement gagnée par la Chine, tant sur le plan sanitaire que sur le plan économique, et cela même si le risque n’y a pas disparu. Les Etats-Unis sont encore très loin du compte. En outre, la Chine a rapidement saisi l’occasion de cette pandémie pour entreprendre tous azimuts une diplomatie sanitaire active, avec les masques d’abord, puis avec les appareils médicaux et maintenant son vaccin. Elle cherche à se présenter comme le champion de l’ouverture et du multilatéralisme à un moment où, malgré les paroles apaisantes et les appels de pied du nouveau président, les alliés et partenaires des Etats-Unis restent traumatisés par le mandat de son prédécesseur, et manifestent peu d’empressement à se rallier derrière la bannière étoilée face à la puissance montante. Biden voudrait que l’Amérique retrouve son statut de « leader du monde », mais ce n’est qu’un vœu pieux : à l’époque de la guerre froide, elle n’était que le leader du « monde libre », comme on disait alors, et c’était déjà beaucoup ; à présent, la République Populaire de Chine n’a nulle intention de se positionner en « follower » des Etats-Unis. Quand le 46e président parle d’un retour du leadership américain, comprenons que pour lui le système d’alliances élaboré au lendemain de la Seconde Guerre mondiale doit désormais se restructurer, non seulement face à une Russie toujours considérée comme menaçante ; mais encore et surtout face à la Chine, accusée de bafouer les libertés chez elle et de vouloir imposer par la force son hégémonie dans son environnement, en particulier en menaçant Taïwan. C’est d’ailleurs autour de Taïwan que tout se jouera.

Il ne faut pas s’attendre à ce que l’année 2021 soit décisive à cet égard. Les problèmes intérieurs des Etats-Unis sont trop sérieux pour que le successeur de Donald Trump – celui qui le premier a osé dénoncer à voix haute la menace chinoise – puisse se permettre de sonner immédiatement le début d’une nouvelle guerre froide. Au moins dans un premier temps, il va tenter de mettre en œuvre une stratégie de competitive rivalry, selon les termes du célèbre professeur de Harvard Joseph Nye – un démocrate très respecté – tout en essayant, sans trop montrer les muscles, d’empêcher Européens et autres de trop coopérer sur les plans économiques et technologiques avec la Chine. Les Européens, échaudés par l’expérience Trump, n’entendent pas se laisser faire, et essaient de renforcer leur marge de manœuvre. D’où, notamment, un accord sur les investissements avec Pékin, auquel on peut être certain que les Américains veulent faire obstacle. En Europe même, cet accord ne fait d’ailleurs pas l’unanimité. On lui reproche de faire la part trop belle aux intérêts allemands et d’ignorer les atteintes aux droits de l’Homme.

Les relations internationales ne se développent pas dans le monde des Bisounours. A mesure qu’elle prendra ses marques, la nouvelle administration de Washington poursuivra la politique de ses prédécesseurs en promouvant les intérêts économiques et technologiques américains par tous les moyens, parmi lesquels l’extraterritorialité juridique est le plus préoccupant pour les partenaires des Etats-Unis. A cert égard, on attend avec intérêt les conditions de leur éventuel retour dans l’accord nucléaire avec l’Iran (le JCPOA). Mais au niveau de discours ou du « narratif », les intérêts tangibles, tout en étant défendus bec et ongles, resteront plus ou moins masqués derrière les arguments idéologiques, tant à la Maison Blanche qu’au Congrès. La nouvelle croisade qui s’annonce sera, comme la première, au nom de la liberté.

Au risque de me répéter, je ne crois pas que les choses se décideront en 2021. Pour l’Europe, Trump et la pandémie ont servi la cause de l’autonomie technologique, sinon stratégique, et de leur côté les autres grands partenaires de l’Amérique en ont aussi tiré leurs propres leçons. Si l’on essaie de jeter un regard prospectif sur le mandat de Biden dans son ensemble, les questions essentielles sont l’évolution de l’image de la Chine et donc sa perception dans le « monde libre », entendu comme celui des démocraties libérales à économie de marché. Il est évident que cette image s’est dégradée depuis l’avènement du président Xi Jinping et le renforcement de son pouvoir, pour des raisons tant objectives que subjectives. Objectives, avec la montée en puissance toujours plus impressionnante de l’empire du Milieu, et une affirmation de plus en plus ferme de ses « droits » sur Hong Kong, sur la mer de Chine méridionale, ou surtout sur Taïwan ; subjectives, car pour beaucoup, à l’extérieur de l’aire culturelle chinoise, les ambitions du régime illibéral de Pékin sont perçus comme illimitées, c’est-à-dire que la Chine fait peur. Cela dit, Pékin projette aussi une face rassurante, et ne serait-ce que du seul point de vue des rapports de force, y compris sous l’angle du développement économique et social, la Chine n’est pas prête à un affrontement violent avec les Etats-Unis. Ni elle, ni quiconque d’ailleurs, en raison de l’interdépendance objective.

En 2021, donc, il faut s’attendre à des escarmouches plus ou moins sérieuses, mais dans un cadre encore davantage coopératif que confrontationnel. Les choses se décanteront sûrement dans les quatre prochaines années. On ne saura pas tout de suite, mais bientôt, si la deuxième croisade est en vue. Cela dépendra beaucoup des Chinois. Et si elle devait vraiment avoir lieu, il est hautement vraisemblable que le réflexe civilisationnel jouera à fond : le monde chinois ne se détournera pas de la Chine, le monde européen se tournera vers l’Amérique, et le reste ira où il pourra. Avec quelles conséquences ? On n’en est pas encore là.

Thierry de Montbrial

Fondateur et président dWPC
Fondateur et président exécutif de l’Ifri

The Next Frontier of Responsible Business

Bertrand Badré at 2019 WPC Finance workshop

L’Europe dans le monde : pour une refondation, modeste et efficace

Portrait de Thierry de Montbrial © Bahi

Éditorial du 16 décembre 2020

Cette triste année s’achève avec une pandémie qui continue de battre son plein sur une grande partie de la planète, en particulier aux États-Unis et en Europe, sans autre perspective rassurante que celle du ou plutôt des vaccins, ce qui est déjà beaucoup. Mais ce n’est pas sur ce sujet que je souhaite mettre l’accent dans cette huitième lettre, la dernière pour 2020.

Sur le plan international, deux autres faits ont dominé la scène au cours des derniers mois. Le premier est le tournant majeur des Occidentaux vis-à-vis de la Chine, dans le sillage de l’offensive de Donald Trump contre Xi Jinping. Encore en 2019, les Européens ne raisonnaient pas en termes d’une « menace chinoise », même si beaucoup commençaient à s’inquiéter de la mainmise de groupes chinois sur un nombre croissant d’entreprises technologiques du Vieux Continent. La dégradation des perceptions est devenue manifeste lors de la tournée du ministre Wang Yi et du conseiller d’État Yiang Jiechi à la fin de l’été. Certainement, l’émergence d’un sentiment de peur vis-à-vis de l’empire du Milieu tient aussi au changement de ton des dirigeants chinois, depuis l’avènement de Xi Jinping et la consolidation de son pouvoir. Ils n’hésitent plus à affirmer leur volonté de puissance au-delà d’un discours lénifiant sur les vertus du multilatéralisme, à un moment où les États-Unis lui tournaient le dos.

Le second fait est évidemment l’élection du tandem Biden-Harris à la présidence des États-Unis (comme dans ma dernière lettre, j’insiste sur cette notion de tandem), dont on peut attendre un retour aux bonnes manières dans la conduite de la politique extérieure américaine, mais sûrement pas un amollissement face à la Chine. Certains, comme mon illustre ami Joe Nye, grand forgeron de concepts parmi lesquels le soft power a fait fortune, veulent croire à la possibilité d’une competitive rivalry, sans dérapage majeur dans la durée autour d’enjeux dont le principal est Taiwan. Je crains que ce ne soit un vœux pieu, du moins si l’ascension technologique et économique de la Chine se poursuit au point de reléguer bientôt les États-Unis au second rang des puissances mondiales. Dans l’immédiat, le découplage technologique entre les deux superpuissances a déjà commencé.

La perspective de l’approfondissement d’une nouvelle guerre froide n’inquiète pas seulement les Européens. J’ai pu constater directement, dans de récentes rencontres à haut niveau (virtuelles, hélas), dont les participants étaient en majorité asiatiques, que beaucoup de pays de l’Asie de l’Est et du Sud-Est ne veulent pas qu’on les force à choisir entre les États-Unis et la Chine. Ils attendent la même attitude de la part de l’Europe. L’avertissement est clair, et dans les circonstances du moment il s’adresse d’abord à Washington. Les réalistes se méfient aussi du penchant, fort chez les démocrates américains mais pas seulement, à jouer avec l’idée de regime change sous le prétexte de la défense des droits de l’Homme. Du côté du continent européen, ce penchant est sans doute la raison la plus fondamentale de l’échec de la réconciliation avec la Russie après la chute de l’Union soviétique. Quoiqu’il en soit, la signature du RCEP (Regional Comprehensive Economic Partnership), vaste traité de libre-échange – très soutenu par les pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) – entre quinze États asiatiques en tête desquels figurent la Chine, le Japon et la Corée du Sud, est un signal fort. L’absence de l’Inde affaiblit par ailleurs le concept géopolitique d’une entité indopacifique supposée contrebalancer l’espace chinois.

Mais c’est surtout au point de vue européen que je voudrais me placer. Il est tout à fait clair que les membres de l’Union européenne restent attachés à l’Alliance atlantique, même si sa finalité a perdu toute clarté depuis la chute de l’Union soviétique. Le questionnement sur l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) est tabou en Allemagne, où l’on ne veut pas entendre parler d’« autonomie stratégique ». On se méfie des grands discours de la France, dont on souligne un décrochage économique qui n’a fait que s’accentuer avec la pandémie. Un État membre comme la Pologne ne voit de menace que du côté russe, et pour beaucoup la raison d’être de l’Alliance n’a pas changé avec la fin de la guerre froide. Pour autant, je ne connais encore personne parmi mes interlocuteurs européens qui ne soit conscient du risque de voir l’Alliance atlantique se transformer progressivement, sous la pression américaine, en une alliance antichinoise. Autrement dit, pas plus que les Asiatiques, les Européens dans leur ensemble ne veulent se trouver contraints à choisir d’emblée entre les deux rivaux, même s’ils ont bien des raisons de pencher du côté américain. Concrètement, nous ne voulons pas que les États-Unis continuent d’abuser de la pratique dévastatrice des sanctions secondaires. Ces sanctions visent à tordre le cou même de leurs alliés, s’ils ne s’alignent pas complètement sur leur politique, vis-à-vis de l’Iran par exemple.

La construction européenne est une œuvre de longue haleine, où l’on ne peut pas tout faire à la fois. Pour l’heure, un grand pas en avant s’effectue avec le concept de souveraineté technologique, désormais reconnu par l’Allemagne elle-même et qui me parait devoir se substituer avantageusement à celui d’autonomie stratégique, dont les connotations divisent. La souveraineté européenne ne prendra véritablement chair que si elle est soutenue par un discours partagé par tous les membres de l’Union, ce qui ne pourra pas advenir du jour au lendemain. Je suis convaincu – et là, je m’exprime en citoyen français – que le mieux que nous puissions faire à présent est de renouer avec l’esprit à la fois humble et pratique de nos compatriotes Robert Schuman et Jean Monnet dans les années d’après-guerre. Ils ont voulu poser les bases de la construction européenne, non pas avec de grandes envolées lyriques et sans lendemain, mais à partir de projets – à l’époque, la Communauté européenne du charbon et de l’acier – visant à faire émerger l’idée d’intérêts européens, transcendant la notion classique d’intérêt national. Or, n’est-ce pas exactement ce que s’emploie à mettre en œuvre la Commission présidée par Ursula von der Leyen, en promouvant le projet infiniment concret d’Europe technologique, auquel se vouent Thierry Breton et d’autres ? Il s’agit là d’une tâche bien circonscrite, qui ne fait offense à personne, qui est un préalable à toute autre ambition, certes de longue haleine. Mais son succès est à notre portée et constituera à terme notre meilleure chance collective pour contribuer à la restauration d’un équilibre mondial auquel les Européens ne sont pas les seuls à aspirer.

Je veux ainsi conclure sur une note d’optimisme, en vous adressant, à toutes et à tous mes vœux les plus chaleureux pour une année 2021 dont nous attendons tous une sorte de renaissance.

Thierry de Montbrial

Fondateur et président de la WPC
Fondateur et président exécutif de l’Ifri

L’élection de Biden-Harris : un répit en vue de quoi ?

Portrait de Thierry de Montbrial © Bahi

Éditorial du 8 novembre 2020

J’écris cette septième lettre le dimanche 8 novembre. Hier, la victoire du couple Joe Biden – Kamala Harris a été proclamée urbi et orbi par la presse mondiale. On nous dit cependant que les avocats de Donald Trump vont multiplier les recours et bien peu semblent penser qu’ils aient une chance d’aboutir. A ce stade, on doit donc prendre acte de ce que l’actuel occupant de la maison Blanche rejoint le club fort restreint des one term presidents. D’autres observations s’imposent non moins immédiatement. La vague bleue annoncée par les sondages n’a pas eu lieu, loin de là. Il s’en est fallu de peu que la balance ne penche en faveur de l’adversaire de Biden dans les Etats pivots, d’où les recours. Les démocrates n’ont pas atteint leurs objectifs au Sénat et à la Chambre des représentants. Plutôt que de la victoire d’un homme, qui s’est peu dépensé pendant la campagne, on parle beaucoup de celle d’un couple : Biden – Harris. Ce point est capital, car le nouveau président paraît fragile et l’ancienne procureure de la Californie a des chances d’accéder à la Maison Blanche dans quatre ans, sinon avant.

Or, contrairement à son ancien adversaire dans la bataille des primaires, Kamala Harris fait partie psychologiquement du nouveau monde, éloigné de l’Europe (mais proche de l’Asie), celui où se joue la compétition entre les Etats-Unis et la Chine pour l’accès à la primauté. Dans ce monde-là, les Européens sont relégués aux seconds rôles. En raison de son âge et de son expérience personnelle, le président élu (élu, sous réserve d’un coup de théâtre fort peu probable) reste attaché à l’Alliance atlantique, comme aussi certains de ses conseillers tel Anthony Blinken, bien connu en France. Mais les observateurs lucides savent que, au moins depuis le début de ce siècle, l’Europe n’a cessé de s’estomper dans l’esprit des acteurs comme des penseurs de la politique étrangère américaine. Avant d’entrer un minimum dans ce sujet, j’ajouterai encore deux remarques. D’abord, l’issue de l’élection du 3 novembre ne signifie nullement que les divisions de la société américaine vont disparaître comme par enchantement. Biden est certainement plein de bonne volonté, mais il est tout sauf un enchanteur, et les raisons des divisions américaines, dont j’ai parlé dans mes dernières lettres, sont profondes. Incidemment, le relatif échec des démocrates au Sénat et à la Chambre des représentants pourra aider le nouveau président à ne pas trop s’éloigner du centre, comme l’aurait souhaité Kamala Harris. Le point réellement important est que le trumpisme reste une force considérable dans le pays. Trump lui-même pourrait continuer de l’incarner dans les prochaines années s’il ne dérape pas dans les prochaines semaines. A ce sujet – c’est ma seconde remarque – on doit se féliciter de ce que les explosions de violence au lendemain de l’élection, prédites par nombre d’analystes, n’aient pas eu lieu. On peut penser qu’elles ne seraient pas dans l’intérêt du président sortant, si du moins celui-ci songe à préserver un capital politique dont l’ampleur est indéniable.

A l’évidence, les débuts du 46e président des Etats-Unis seront dominés par la pandémie de Covid-19 et ses conséquences de toutes sortes. Mais la politique étrangère n’attendra pas. Il est inutile de répéter ici le point de vue dominant parmi les experts reconnus sur le sujet, que l’on peut caricaturer ainsi : changement dans la forme (retour à la pratique classique de la diplomatie, à l’invocation des droits de l’homme, ou encore à une interprétation minimaliste du multilatéralisme), mais continuité dans l’objectif fondamental (America first) et dans l’attitude vis-à-vis des partenaires (« qui n’est pas pour nous est contre nous »). La culture américaine du pouvoir, au contraire de celle des Européens affaiblis par les deux guerres mondiales, est celle des rapports de force. Plutôt que d’enchaîner des lieux communs sur ces sujets, résumons à très grands traits trois points-clé amplement développés dans mes écrits depuis trois décennies. Je me limiterai ici au point de vue européen.

  1. La cause la plus fondamentale de la chute de l’URSS et donc la fin de la guerre froide fut la révolution des technologies de l’information et de la communication. On peut y voir le fruit du génie américain pour le capitalisme créatif et d’une culture unique dans son genre de soutien réciproque entre l’Etat et les entreprises quand l’intérêt national est en jeu. Cette révolution n’a cessé de s’approfondir depuis les années 1970. Elle est symbolisée aujourd’hui par les GAFA, en quelque sorte les fers de lance de l’Amérique conquérante.
  2. La vague libérale qui a submergé le monde entre la chute de l’URSS et la crise financière de la fin des années 2000 – en un temps où la Russie était hors-jeu ou très faible, et la Chine encore modeste (son PIB était à peine égal à celui de la France quand elle a rejoint l’OMC en 2001) – a d’abord profité aux Etats-Unis. L’Amérique a ainsi pu consolider sa domination sur les pays peu soucieux d’indépendance nationale. Ce fut le cas des Européens, désormais soumis à l’extraterritorialité des lois américaines. La vague libérale a également bénéficié à la Chine. Grâce à un effort extraordinaire dans le secteur éducatif, celle-ci a fort habilement utilisé sa situation de réservoir mondial de main d’œuvre à bas coût pour réaliser les gigantesques transferts de technologies grâce auxquels son accès à la primauté au cours du XXIe siècle est devenu une possibilité sérieuse.
  3. La réalité de base pour les prochaines décennies est la compétition stratégique sino-américaine, vis-à-vis de laquelle les puissances de second rang, comme l’Union européenne en tant qu’unité politique, devront prendre position. Donald Trump voulait se retirer de l’OTAN. Joe Biden voudra sans doute la renforcer, c’est-à-dire dans son esprit, rallier ses membres derrière la bannière étoilée, politiquement et économiquement, dans la lutte contre la Chine. Pour les Européens, dont l’appétit pour un rapprochement stratégique avec la Chine n’est pas débordant et qui, contrairement aux principales puissances asiatiques, n’ont pas brillé dans la course technologique, la tentation de s’en remettre encore plus que pendant la guerre froide au protectorat américain pourrait être irrésistible. Mais avec quelle perspective de long terme, et dans quelles conditions s’agissant de son voisinage immédiat en Europe de l’Est, au Moyen Orient et en Afrique ? Telle est la question.

Dans l’immédiat, les Européens se réjouissent de l’élection d’un président américain à nouveau empathique qui leur fera bon accueil dans le bureau ovale et ailleurs. Ils ne sont pas les seuls à aspirer au répit, à un moment où ils font face à l’ennemi invisible qui les menace comme il menace les Américains. Puisse l’Alliance atlantique à court terme être d’abord l’alliance contre le virus. Pour une fois dans son histoire, n’avons-nous pas l’occasion de réinterpréter l’article 5 du traité et de mobiliser toutes les ressources de l’OTAN pour un combat collectif contre la pandémie ?

Thierry de Montbrial

Fondateur et président de la WPC
Fondateur et président exécutif de l’Ifri

Joseph Nye: Can Joe Biden’s America Be Trusted?

Can Joe Biden’s America Be Trusted?

Project Syndicate – 04.12.2020

By Joseph S. Nye, JR.

America’s friends and allies have come to distrust it in the wake of Donald Trump’s presidency. Joe Biden will do all that he can to repair the damage, but the deeper problem is that many are asking whether Trump was merely a symptom of the decline of American democracy.

CAMBRIDGE – Friends and allies have come to distrust the United States. Trust is closely related to truth, and President Donald Trump is notoriously loose with the truth. All presidents have lied, but never on such a scale that it debases the currency of trust. International polls show that America’s soft power of attraction has declined sharply over Trump’s presidency.

Can President-elect Joe Biden restore that trust? In the short run, yes. A change of style and policy will improve America’s standing in most countries. Trump was an outlier among US presidents. The presidency was his first job in government, after spending his career in the zero-sum world of New York City real estate and reality television, where outrageous statements hold the media’s attention and help you control the agenda.

In contrast, Biden is a well-vetted politician with long experience in foreign policy derived from decades in the Senate and eight years as vice president. Since the election, his initial statements and appointments have had a profoundly reassuring effect on allies.

Trump’s problem with allies was not his slogan “America First.” As I argue in Do Morals Matter? Presidents and Foreign Policy from FDR to Trump, presidents are entrusted with promoting the national interest. The important moral issue is how a president defines the national interest.

Trump chose narrow transactional definitions and, according to his former national security adviser, John Bolton, sometimes confused the national interest with his own personal, political, and financial interests. In contrast, many US presidents since Harry Truman have often taken a broad view of the national interest and did not confuse it with their own. Truman saw that helping others was in America’s national interest, and even forswore putting his name on the Marshall Plan for assistance to post-war reconstruction in Europe.

In contrast, Trump had disdain for alliances and multilateralism, which he readily displayed at meetings of the G7 or NATO. Even when he took useful actions in standing up to abusive Chinese trade practices, he failed to coordinate pressure on China, instead levying tariffs on US allies. Small wonder that many of them wondered if America’s (proper) opposition to the Chinese tech giant Huawei was motivated by commercial rather than security concerns.

And Trump’s withdrawal from the Paris climate agreement and the World Health Organization sowed mistrust about American commitment to dealing with transnational global threats such as global warming and pandemics. Biden’s plan to rejoin both, and his reassurances about NATO, will have an immediate beneficial effect on US soft power.

But Biden will still face a deeper trust problem. Many allies are asking what is happening to American democracy. How can a country that produced as strange a political leader as Trump in 2016 be trusted not to produce another in 2024 or 2028? Is American democracy in decline, making the country untrustworthy?

The declining trust in government and other institutions that fueled Trump’s rise did not start with him. Low trust in government has been a US malady for a half-century. After success in World War II, three-quarters of Americans said they had a high degree of trust in government. This share fell to roughly one-quarter after the Vietnam War and the Watergate scandal of the 1960s and 1970s. Fortunately, citizens’ behavior on issues like tax compliance was often much better than their replies to pollsters might suggest.

Perhaps the best demonstration of the underlying strength and resilience of American democratic culture was the 2020 election. Despite the worst pandemic in a century and dire predictions of chaotic voting conditions, a record number of voters turned out, and the thousands of local officials – Republicans, Democrats, and independents – who administered the election regarded the honest execution of their tasks as a civic duty.

In Georgia, which Trump narrowly lost, the Republican secretary of state, responsible for overseeing the election, defied baseless criticism from Trump and other Republicans, declaring, “I live by the motto that numbers don’t lie.” Trump’s lawsuits alleging massive fraud, lacking any evidence to support them, were thrown out in court after court, including by judges Trump had appointed. And Republicans in Michigan and Pennsylvania resisted his efforts to have state legislators overturn the election results. Contrary to the left’s predictions of doom and the right’s predictions of fraud, American democracy proved its strength and deep local roots.

But Americans, including Biden, will still face allies’ concerns about whether they can be trusted not to elect another Trump in 2024 or 2028. They note the polarization of the political parties, Trump’s refusal to accept his defeat, and the refusal of congressional Republican leaders to condemn his behavior or even explicitly recognize Biden’s victory.

Read the original article published on Project Syndicate.

Les élections américaines et au-delà

Portrait de Thierry de Montbrial © Bahi

Éditoriaux de l’Ifri, 12 octobre 2020

J’écris ces lignes alors que l’incertitude règne encore sur l’état de santé de Donald Trump, ce qui ajoute une inconnue à l’équation déjà compliquée du 3 novembre prochain. Dans une perspective à court terme, le contexte de l’élection ne serait cependant bouleversé que si le président sortant ne pouvait pas se présenter. Autrement, ce nouvel avatar dans une campagne déjà à nulle autre pareille ne devrait pas changer fondamentalement les choses.

Quel que soit l’élu, l’Amérique restera divisée comme jamais depuis la guerre de Sécession, avec de nouvelles explosions de violence et une mise sous tension inédite de la Constitution, dont chacun sait qu’elle est le pilier de l’identité américaine. Si un autre que Trump est élu, ce sera par défaut, comme ce fut le cas pour Trump face à Hilary Clinton en 2016.

Les prochaines années seront agitées aux États-Unis. La dépendance de la politique extérieure vis-à-vis de la politique intérieure a peu de chances de se distendre. Qu’il s’agisse de la rivalité avec la Chine ou du centrage sur les intérêts israéliens de la politique au Moyen-Orient, par exemple, on voit mal un Joe Biden faire significativement marche arrière. Beaucoup d’Européens veulent croire qu’avec l’ancien vice-président d’Obama on en reviendrait au bon vieux temps de la concertation transatlantique et du multilatéralisme. En apparence, peut-être. Mais en apparence seulement, car la dérive des continents a commencé avec l’émergence du monde post-soviétique, c’est-à-dire plus ou moins au début du nouveau siècle. Cette dérive s’explique par des facteurs objectifs, principalement la montée de la Chine et l’abaissement de la Russie. La personnalité des hôtes successifs de la Maison-Blanche ne peut qu’en forcer ou en atténuer les traits. Ce détail n’est cependant pas insignifiant. Pour arriver à ses fins en politique intérieure, Trump n’a pas hésité à rompre avec tous les codes en politique extérieure. Il a fait des émules jusqu’en Grande-Bretagne avec Boris Johnson. Du point de vue de la stabilité du monde dans son ensemble, le mépris du droit et des institutions internationales est pire qu’un crime. C’est une faute à l’égard du monde, et donc aussi me semble-t-il à l’égard des États-Unis. De ce point de vue, un autre que Trump pourrait peut-être calmer les blessures, mais pas changer le cours des choses. C’est la raison pour laquelle certains, de ce côté de l’océan Atlantique, espèrent la réélection du milliardaire. Selon eux, seul un tel choc pourrait consolider le timide mouvement des Européens en faveur de leur souveraineté.

Pour ma part, je me refuse à pareilles spéculations. D’abord, parce que les Européens ne sont que des spectateurs de la scène politique américaine. Ils n’ont aucun moyen de l’influencer. Ensuite et surtout, au nom du réalisme : dans tous les cas de figure, un minimum d’entente euro-américaine est nécessaire pour que les pays occidentaux, et ceux de tous les continents auxquels ils sont liés par l’histoire et la géographie, affrontent en souplesse le défi de la montée des puissances illibérales. Il y a aussi le défi de l’islamisme politique, incompatible avec les valeurs occidentales, et a fortiori la menace persistante du terrorisme islamiste. La nécessaire entente euro-américaine suppose cependant que les États-Unis, avec ou sans Trump, cessent de traiter les Européens comme des adversaires, en leur imposant brutalement leurs propres choix notamment par la voix des sanctions. Ayant dit cela, il faut reconnaître qu’un Trump II aurait peu de chances de se distinguer vraiment d’un Trump I. Dans ce cas, l’Union européenne n’aurait d’autre choix que de chercher les moyens de sortir des griffes de l’oncle Sam sans tomber dans celles de la Cité interdite. Le point le plus délicat est qu’à ce stade rien ne nous permet de penser qu’une Amérique à nouveau démocrate ne chercherait pas elle aussi à imposer sa volonté aux Européens, certes en y mettant un peu plus les formes.

Pour compléter ces propos pré-électoraux, prenons encore davantage de recul, avec un regard plus sociologique sur le monde contemporain. En premier lieu, on observe le rejet de toute notion d’autorité en général. Particulièrement spectaculaire à cet égard est l’effondrement du christianisme dans le monde occidental, incroyablement rapide à l’échelle de l’Histoire. Cela est vrai globalement du catholicisme mais aussi des protestantismes, particulièrement au profit des églises évangéliques. Ce dernier point est frappant aux États-Unis, où ce qui reste de la culture protestante, si importante pour l’identité de la première puissance mondiale, se trouve transfiguré dans des communautarismes sectaires d’autant plus irréalistes et intolérants qu’ils se sont coupés de leurs racines. Par analogie, comment ne pas faire un parallèle avec l’idéologie communiste, ce travesti du christianisme où l’on avait remplacé Dieu par « le peuple » et l’Église par le Parti. En Europe de l’Est, les églises orthodoxes résistent encore. Dans l’avenir proche, c’est peut-être aux États-Unis que la perte d’identité est la plus frappante, malgré les tentatives pour la dissimuler. En fin de compte, le phénomène Trump ne traduit-il pas la crispation d’une moitié de la population qui craint sincèrement la disparition des valeurs américaines ? La peur identitaire ne se manifeste pas qu’aux États-Unis. Elle est visible en France, et depuis longtemps. En fait, en dehors de l’orthodoxie en Russie, s’il est un monothéisme qui depuis un demi-siècle n’a cessé de renforcer ses positions, sur le plan tant religieux que politique, c’est l’islam. Et, depuis les décolonisations au sens large, l’islam politique a tendu à dégénérer dans les pires formes d’obscurantisme.

Après ou plutôt à côté de la religion, je citerai les réseaux sociaux et la conception libertaire qui prévaut encore à leur sujet. Il aura fallu beaucoup de temps pour qu’on commence à reconnaître que des segments entiers d’opinions publiques sont conditionnés par le déferlement continu de propos ou d’« informations » non contrôlés. Et les jugements éthiques à leur sujet ne coulent jamais de source. Les problèmes posés aux sociétés contemporaines sont extrêmement complexes. On ne peut traiter ces questions qu’en examinant toutes leurs faces et aucune synthèse parfaite n’est possible. Quand plus aucune autorité n’est reconnue, manipulateurs et cyniques ont le champ libre pour propager la « post-vérité » et justifier leurs crimes. La technologie est un formidable instrument sur lequel ils peuvent s’appuyer. Sans doute, le temps passant, la nécessité de légiférer sur l’internet se fera-t-elle de plus en plus sentir. Mais avant qu’un droit nouveau n’émerge, combien de drames se seront-ils déroulés, et avec quels effets ?

Pour mémoire, mentionnons sans commentaires l’explosion des inégalités pendant le temps de la « mondialisation heureuse », la surexploitation de la nature et les manifestations de plus en plus tangibles du changement climatique. Autant de faits qui, à eux seuls, suffiraient à expliquer le retour de formes quasi-révolutionnaires du socialisme (ou leur apparition dans le cas des États-Unis), fort éloignés de la social-démocratie.

Enfin, il y a l’interminable pandémie de COVID-19. Elle nous oblige à reconsidérer la gouvernance mondiale en matière de santé, alors que la tendance – exacerbée par la pandémie – est à la déglobalisation et à l’affaiblissement du multilatéralisme. Cet affaiblissement est accru par la suspicion d’incompétence qui prévaut au moins dans les opinions occidentales, sur la capacité des gouvernants à mener des politiques publiques cohérentes et efficaces.

J’ajoute pour terminer que les régimes autoritaires ou totalitaires ne sont pas à l’abri des révolutions, en partie pour les mêmes raisons. Aucun pays de nos jours ne peut se mettre entièrement à l’abri du regard des autres. Les régimes apparemment les plus solides peuvent se trouver balayés en un clin d’œil. Le déséquilibre est un phénomène mondial. Le mieux que l’on puisse attendre du prochain président des États-Unis, c’est un peu plus de sagesse. La sagesse n’exclut pas la fermeté. Ce serait déjà un grand progrès pour le système international dans son ensemble.

Je vous donne rendez-vous après le 3 novembre.

Thierry de Montbrial

Fondateur et président de la WPC
Fondateur et président exécutif de l’Ifri

Franciscus Verellen et Jean-Pierre Cabestan, experts sur la Chine

4 Instituts Pour Mieux Comprendre La Chine D’Aujourd’hui

Forbes – 16.11.2020

Par Philippe Branche

“Quand on s’intéresse à la Chine : il est important de connaitre la pensée chinoise : d’Anne Cheng à Jacques Gernet en passant par Léon Vandermeersch”, explique le professeur Jean-Pierre Cabestan. A l’heure où le futur des relations diplomatiques avec la Chine est plus que jamais incertain avec l’élection de Joe Biden, le travail des sinologues est d’autant plus important. Peu connus du grand public, la France compte pourtant de nombreux instituts qui fournissent une intelligence de terrain pour les décideurs politiques et économiques. Retour pour Forbes France sur les différentes sources d’information pour comprendre la Chine d’hier et d’aujourd’hui.

Getty Images ©

Comprendre le passé de la Chine avec Franciscus Verellen – Ancien Directeur de L’École française d’Extrême-Orient (EFEO), membre de l’Institut.

L’École française d’Extrême-Orient (EFEO). Une institution qui a donné ses lettres de noblesse à la sinologie française. Sa mission scientifique vise l’étude des civilisations classiques d’Asie par le prisme des sciences humaines et sociales. Depuis sa création en 1898, l’École a connu une croissance constante avec un total de 18 centres et antennes en Asie : de Pondichéry, à la Thaïlande, en passant par Tokyo ou encore Hong Kong, et même un chantier archéologique en Corée du Nord.

Institute of Chinese Studies de l’Université Chinoise de Hong Kong où l’EFEO a établi son Centre de recherches depuis 1994

L’EFEO n’aurait pas pu connaitre un tel essor sans les compétences apportées par ses enseignants-chercheurs. Franciscus Verellen, ancien directeur de l’École de 2004 à 2014 qui est aujourd’hui responsable du centre de Hong Kong, décrit l’École comme un exemple reconnu au plan international de « l’importance de la connaissance directe et acquise sur le terrain qui reste, encore aujourd’hui, une spécificité de la sinologie française ». Les implantations de l’EFEO sont considérées par les décideurs politiques et économiques comme une ressource fiable sur la Chine comme sur l’Asie.

Franciscus Verellen à la World Policy Conference ©

Les travaux de Franciscus Verellen s’inscrivent dans la tradition d’excellence de la sinologie française. Son ouvrage « Imperiled Destinies : the Daoist Quest for Deliverance in Medieval China » retrace sur huit siècles l’ouverture du taoïsme à différentes influences et l’essor de la religion chinoise par excellence. Un livre passionnant pour comprendre l’évolution du taoïsme et ses liens complexes avec le bouddhisme et le confucianisme. L’expertise de Franciscus Verellen lui permet aussi d’avoir une compréhension subtile des enjeux religieux actuels en Chine. Lors de son intervention à la World Policy Conference créée par Thierry de Montbrial, le sinologue a mis l’accent sur la réponse politique au fait religieux dans l’Empire du Milieu. Selon lui, la Chine est un « État fondamentalement religieux » et ce renouveau spirituel a été provoqué par « la question des valeurs ». Depuis février 2018 le Front uni du parti communiste chinois régule et « sinicise » les cinq religions reconnues, taoïsme, bouddhisme, islam, catholicisme et protestantisme. Franciscus Verellen fait ainsi partie des sinologues dont le regard d’historien est précieux pour mettre en perspective des enjeux contemporains.

 

MERICS et l’Insitut Ricci – deux instituts internationaux pour l’actualité chinoise

La France n’est pas le seul pays européen à vouloir mieux comprendre la Chine contemporaine ; l’Allemagne s’y intéresse également. En 2013 fut établi le Mercator Institute for China Studies (MERICS), un think tank dédié uniquement à l’étude de la Chine. Les experts du MERICS se définissent d’abord comme “ouverts à de nouvelles perspectives sur la Chine et à de nouvelles propositions destinées à façonner les relations avec ce pays”. Leur dernier podcast, publié le 10 Novembre, ouvre des perspectives pour mieux cerner les enjeux d’actualité : “ US-Chine : les relations après les élection”, un échange pour appréhender l’agenda chinois de Joe Biden. Ce think tank s’avère d’autant plus important que la Chine affiche malgré la pandémie mondiale un objectif de croissance annuelle du PIB de 5% pour les cinq prochaines années selon l’agence Reuters. De même, un autre institut plus ancien a pour objectif d’analyser les échanges culturels sino-occidentaux: l’Institut Ricci, dont le nom vient du premier prêtre Italien Matteo Ricci (1552-1610) à inaugurer l’inculturation du christianisme en Chine. Contrairement au MERICS qui se consacre principalement aux enjeux géopolitiques, ce dernier se consacre avant tout à l’étude de la civilisation chinoise et au dialogue interreligieux. Une conférence universitaire par Sophie Boisseau du Rocher (IFRI) devrait se tenir le 20 février 2021 prochain à Paris avec comme thème « Les Nouvelles Routes de la Soie, vues de l’Asie». Autant d’instituts donc pour mieux comprendre la Chine contemporaine d’un point de vue géopolitique et culturel.

Comprendre le présent du monde chinois avec Jean-Pierre Cabestan, ancien directeur du Centre d’études français sur la Chine contemporaine (CEFC)

Jean-Pierre Cabestan est directeur de recherche au CNRS et professeur à l’Université baptiste de Hong Kong. Il a été directeur du CEFC de 1998 à 2003 et s’intéresse tout particulièrement aux phénomènes politique en Chine populaire, à Hong Kong comme à Taiwan. Dans son ouvrage, ‘Chine-Taiwan, la guerre est-elle concevable?’, Jean-Pierre Cabestan d’une part analyse la menace chinoise et la capacité militaire,  politique et économique de Taipei à résister. D’autre part, il évalue les risques de guerre et considère les différents scénarios possibles, avec ou sans implication américaine. Pour des sujets aussi sensibles et complexes, les experts comme Jean-Pierre Cabestan sont indispensables pour appréhender en profondeur cette zone de tension.

En analysant l’histoire de la sinologie française, l’un des premiers pionniers de la recherche locale en Chine fut le général Jacques Guillermaz (1911-1998). Le général devient un observateur attentif des événements politiques de la Chine avec l’idée de l’étudier sur le terrain, une notion que de nombreux sinologues suivent encore aujourd’hui” explique Jean-Pierre Cabestan. “Le général a été l’un des fondateurs du Centre de recherche et de documentation sur la Chine contemporaine, qui fait maintenant partie de l’EHESS.” Dans son ouvrage Demain la Chine : démocratie ou dictature ? (publié en français et en anglais), Jean-Pierre Cabestan estime que le régime politique mis en place par Mao Zedong reste solide et doté d’une certaine capacité d’adaptation. Mais l’ancien directeur du CEFC pense qu’à plus long terme, du fait de la modernisation et la mondialisation de l’économie comme de la société chinoises, la question de la démocratie se posera, comme partout ailleurs.

Jean-Pierre Cabestan à la World Policy Conference ©

Jean-Pierre Cabestan à la World Policy Conference ©

L’EFEO, le MERICS, l’Institut Ricci et le CEFC. Quatre instituts pour mieux apprécier la pluralité du monde contemporain chinois. Sans Franciscus Verellen ou Jean-Pierre Cabestan, il nous serait de plus en plus difficile d’appréhender le présent chinois. Par le biais d’un travail de recherches de terrain, nous comprenons qu’il y a non pas une mais différentes manières d’être chinois. “Ceux qui souhaitent bien connaître la Chine doivent se garder de prendre une partie pour le tout “ recommande finalement le Président chinois Xi Jinping.

Accédez à l’article original paru sur Forbes.

Rozlyn Engel: Carnegie report on the U.S. foreign policy

Making U.S. foreign policy work better for the middle class

Carnegie Endowment for International Peace

Co-editors:

Salman Ahmed, Rozlyn Engel, Wendy Cutler, Douglas Lute, Daniel M. Price, David Gordon, Jennifer Harris, Christopher Smart, Jake Sullivan, Ashley J. Tellis, Tom Wyler

Summary

If there ever was a truism among the U.S. foreign policy community—across parties, administrations, and ideologies—it is that the United States must be strong at home to be strong abroad. Hawks and doves and isolationists and neoconservatives alike all agree that a critical pillar of U.S. power lies in its middle class— its dynamism, its productivity, its political and economic participation, and, most importantly, its magnetic promise of progress and possibility to the rest of the world.

And yet, after three decades of U.S. primacy on the world stage, America’s middle class finds itself in a precarious state. The economic challenges presented by globalization, technological change, financial imbalances, and fiscal strains have gone largely unmet. And that was before the novel coronavirus plunged the country into the worst economic crisis since the Great Depression, exposed and exacerbated deep inequities across American society, led long-simmering tensions over racial injustice to boil over, and launched a level of societal unrest that the United States has not seen since the height of the civil rights movement.

If the United States stands any chance of renewal at home, it must conceive of its role in the world differently. That too has become a point of rhetorical consensus across the political spectrum. But what will it actually take to fashion a foreign policy that supports the aspirations of a middle class in crisis? The Carnegie Endowment for International Peace established a Task Force on U.S. Foreign Policy for the Middle Class to answer that question. This report represents the conclusion of two years of work, hundreds of interviews, and three in-depth analyses of distinct state economies across America’s heartland (Colorado, Nebraska, and Ohio). It proposes to better integrate U.S. foreign policy into a national policy agenda aimed at strengthening the middle class and enhancing economic and social mobility. Five broad recommendations bear highlighting up front.

First, broaden the debate beyond trade. Manufacturing has long provided one of the best pathways to the middle class for those without a college degree, and it anchors local economies across the country, especially in the industrial Midwest. It makes sense, therefore, that so much of the debate about the revival of America’s middle class is centered around the effects of trade policy on manufacturing workers. But while millions of manufacturing jobs have been lost in the United States, other economic forces beyond global trade have also played a major role in the decline. In this sense, debates about “trade” are often a proxy for anxieties about the breakdown of a social contract—among business, government, and labor—to help communities, small businesses, and workers adjust to an interdependent global economy whose trajectory is increasingly shaped by large multinational corporations and labor-saving technologies.

Moreover, the majority of American households today sustain a middle-class standard of living through work in areas outside manufacturing, especially in the service sectors where the United States has competitive advantages. Many of these Americans generally support the trade policies of past decades that have largely served them well. In a February 2020 Gallup poll, 79 percent of Americans agreed that international trade represents an opportunity for economic growth.1 Many of these Americans are less concerned with overhauling past trade policies and are more preoccupied with how military interventions and changes in the United States’ global commitments, among other aspects of foreign policy, might affect their security and economic well-being.

Middle-class Americans are not a monolithic group. Their interests diverge. Different aspects of foreign policy impact them differently, including across gender, racial, ethnic, and geographic lines. Getting trade policy right is hugely important for American households but it is not a cure-all for the United States’ ailing middle class and represents only one element of a broader set of middleclass concerns about U.S. foreign policy.

Second, tackle the distributional effects of foreign economic policy. Globalization has disproportionately benefited the nation’s top earners and multinational companies and aggravated growing economic inequality at home. It has not spurred broad-based increases in real wages among U.S. workers. It has not driven a wave of public and private investments to enhance U.S. productivity generally and make more American workers and small businesses globally competitive. And while it has brought down the prices of certain highly tradable goods, it has done little to alleviate the growing pressure on American middle-class families from the rising costs of healthcare, housing, education, and childcare. Making globalization work for the American middle class requires substantial investment in communities across the United States and a comprehensive plan that helps industries and regions adjust to economic disruptions.

In particular, foreign economic policy will need to:

• prioritize international policies that will stimulate job creation and allow incomes to recover; • revamp the U.S. international trade agenda and ensure it is paired with a domestic policy agenda to support more inclusive economic growth;
• modernize U.S. and international trade enforcement tools and mechanisms to better combat unfair foreign trade practices that are especially harmful to small and medium-sized enterprises (SMEs) and workers;
• pursue other international agreements that close regulatory and governance gaps across countries to improve burden-sharing and help address equity concerns; and
• craft a National Competitiveness Strategy that includes efforts to make U.S. SMEs and workers more competitive in the global economy and enhances the ability of communities to attract job-creating business investment.

Third, break the domestic/foreign policy silos. For decades, U.S. foreign policy has operated in a relatively isolated sphere. National security strategists and foreign policy planners have articulated national interests and set the direction of U.S. policy largely through the prism of security and geopolitical competition. That remains a critical perspective, especially at a time when geopolitical competition with China, Russia, and other regional powers is on the rise. But with so many Americans now struggling to sustain a middle-class standard of living, threats to the nation’s long-term prosperity and to middle-class security demand a wider prism—informed by a deeper understanding of domestic economic and social issues and their complex interaction with foreign policy decisions. That is not an easy shift to make. It will take better interagency coordination, interdisciplinary expertise, and some policy imagination. It will also require the contributions of a new generation of foreign policy professionals who break free of the mold cast during the Cold War and its immediate aftermath.

Fourth, banish stale organizing principles for U.S. foreign policy. National security strategists and foreign policy planners in Washington, DC, crave neat organizing principles for U.S. strategy. But there is no evidence America’s middle class will rally behind efforts aimed at restoring U.S. primacy in a unipolar world, escalating a new Cold War with China, or waging a cosmic struggle between the world’s democracies and authoritarian governments. In fact, these are all surefire recipes for further widening the disconnect between the foreign policy community and the vast majority of Americans beyond Washington, who are more concerned with proximate threats to their physical and economic security.

A foreign policy agenda that would resonate more with middle-class households and, in fact, advance their well-being, should:

• reinvigorate relations with close allies to build an agile and cohesive network that can effectively address the full range of diplomatic, economic, and security challenges—from pandemics and cyber attacks to unsecure weapons of mass destruction and climate change—that could imperil middle-class security and prosperity;

• manage strategic competition with China to mitigate the risk of destabilizing conflict and counter its efforts toward economic and technological hegemony;
• reduce the threat of a digital crisis and promote an open and healthy digital ecosystem;
• boost strategic warning systems and intelligence support to better head off costly shocks and build up protective systems at home;
• shift some defense spending toward research and development (R&D) and technological workforce development to protect the U.S. innovative edge and enhance long-term readiness;
• strengthen economic adjustment programs to improve the ability of middleclass communities to adjust to inevitable changes in the pattern of economic activity; and
• safeguard critical supply chains to bolster economic security.

This may seem like a somewhat less ambitious foreign policy agenda than might be expected from a task force comprised of foreign policy professionals who served in Democratic and Republican administrations from George H.W. Bush to Barack Obama. And to a large extent it is. That is the point. The United States cannot renew America’s middle class unless it corrects for the overextension that too often has defined U.S. foreign policy in the post–Cold War era. It is equally evident that retrenchment or the abdication of a values-based approach is not what America’s middle class wants—or needs.

Middle-class Americans have no illusion that their fate can be walled off from the fate of the world. They embrace the sense of enlightened self-interest that has motivated U.S. foreign policy over the past seven decades and want the United States to serve as a positive and constructive force around the world. They appreciate that U.S. foreign assistance cannot simply be about short-term transactional benefits for the United States but must serve a wider purpose. They understand that repressive regimes make the world less safe and less free, and that it is in the United States’ self-interest to stand up for human rights. All this requires a larger international affairs budget to retool American diplomacy and development for the twenty-first century.

Middle-class Americans interviewed also understand that the United States must sustain a strong national defense and that, moreover, it is in their economic interests. Defense spending and the defense industrial base are—and will remain for some time—the lifeblood for many middle-class communities across the country. That is why drastic cuts in the defense budget in the near term would be unwise. Instead of slashing the defense budget, a more prudent course would be to reduce defense spending gradually and predictably over the longer term, while shifting some resources toward a broader conception of national defense—to include workforce development, cyber security, R&D to enhance U.S. economic and technological competitiveness in strategic industries, pandemic preparedness, and the resilience of defense supply chains.

At the same time, middle-class Americans are concerned about the cost of U.S. interventions and the potential for political overreach. They want the country to exercise its power judiciously and to selectively seek out the best opportunities for effecting positive change. But to credibly assert global leadership, the United States must redress democratic deficits and social, racial, and economic injustice at home while seeking to reclaim the moral high ground abroad. The United States must get its own house in order.

Fifth, build a new political consensus around a foreign policy that works better for America’s middle class. None of the current major foreign policy approaches hold the key to American middle-class renewal—be it post–Cold War liberal internationalism, President Donald Trump’s America First, or progressives’ elevation of economic and social justice and climate change and the potential downsizing of U.S. defense spending. This may partly explain why no single view commands broad-based bipartisan support. In fact, despite the variation in middle-class economic and political interests, their foreign policy preferences point the way toward a potential new foreign policy consensus that is not yet reflected in today’s highly polarized political class.

A Gallup poll from February 2019 showed that 69 percent of Americans thought the United States should take a major or leading role in world affairs, a figure that has been relatively stable for a decade. There is simply very little public support for Trump’s revolution in U.S. foreign policy and its call to turn back the clock on globalization and international trade, constrain legal immigration, gut foreign aid, abandon U.S. allies, or abdicate U.S. leadership on the global stage. But that should not be overinterpreted as support for the restoration of the foreign policy consensus that guided previous Republican and Democratic administrations. That set of policies left too many American communities vulnerable to economic dislocation and overreached in trying to effect broad societal change within other countries. America’s middle class wants a new path forward.

A foreign policy that works better for the middle class would preserve the benefits of business dynamism and trade openness—which does not feature prominently enough in the progressive agenda—while massively increasing public investment to enhance U.S. competitiveness, resilience, and equitable economic growth. It would sustain U.S. leadership in the world, but harness it toward less ambitious ends, eschewing regime change and the transformation of other nations through military interventions. And it would recognize that a foreign policy that works for the middle class has to be connected to a domestic policy that works for the middle class.

Taken collectively, the task force’s recommendations provide a blueprint for rebuilding trust. So much of what is required to make U.S. foreign policy work better for the middle class will not be visible to, or verifiable by, most Americans at the local level. And in many instances, it will require working through difficult trade-offs, where the interests of industries, workers, or communities do not align. The American people need to be able to trust that U.S. foreign policy professionals are managing this tremendous responsibility as best they can, with the interests of the middle class and those striving to enter it at the forefront of their consideration.

U.S. foreign policy professionals will also need to regain the trust of U.S. allies and partners, which no longer have confidence that the deals struck with one U.S. administration will survive the transition to the next or that basic alliance structures that have endured for decades are still a given. As a result, they are increasingly hedging their bets, trying to stay in the United States’ good graces while also keeping their options with China and other U.S. rivals open.

Restoring predictability and consistency in U.S. foreign policy requires building broad-based political support for it. And the best and perhaps only viable path right now to rebuilding such support lies in making U.S. foreign policy work better for the middle class. The ideas in this report represent a starting point for discussion—one that will hopefully lead to healthy debate and bring many more innovative and actionable ideas to the table.

 

This publication can be downloaded at no cost at https://carnegieendowment.org/specialprojects/usforeignpolicyforthemiddleclass/.

 

Antoine Flahaut : Covid-19, peut-on continuer à tracer tous les cas contacts?

Antoine Flahault dirige l'Institut de santé globale à l'Université de Genève.

16.10.2020 – Heidi News

par Kylian Marcos

Les concepteurs de SwissCovid, application de traçage de contacts à l’échelle nationale, ont annoncé travailler sur une autre application destinée aux évènements privés. Dans plusieurs cantons, le traçage numérique des cas contacts est de rigueur, plusieurs applications se disputant le marché. Malgré cela, les services de santé publique sont proches de la rupture dans certains cantons, comme Genève. Se pose la question de la stratégie de traçage à adopter face à l’essor de nouveaux cas Covid-19.

Changer de focale. Le 15 octobre, dans son rapport quotidien, l’OFSP annonçait 2613 nouveaux cas en Suisse. A chaque fois, des personnes en contact sont placées en quarantaine. Ils sont actuellement plus de 11’000, selon l’OFSP, contre 6000 au début du mois. Pour le Pr Antoine Flahault, épidémiologiste et directeur de l’institut de santé globale de l’université de Genève, un changement de stratégie est nécessaire: […]

Lire la suite sur Heidi News. 

 

Antoine Flahaut est Directeur de l’Institut de Santé Publique à l’Université de Genève, et ancien directeur et fondateur de l’EHESP.

Laurent Fabius : La Covid est moins grave que le dérèglement climatique

16.10.2020 – Radio Classique

Antoine Mouly

La Covid est moins grave que le dérèglement climatique au regard de la gravité des phénomènes, selon Laurent Fabius

Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel était ce matin l’invité de Bernard Poirette. L’ancien président de la COP 21, à l’occasion de la sortie de son livre « Rouge Carbone » aux éditions de l’Observatoire, est revenu sur le changement climatique. Il en a notamment souligné le danger, affirmant que ses conséquences étaient plus graves que celle de la Covid.

L’élection américaine sera décisive dans la lutte contre le changement climatique

Interrogé par Bernard Poirette sur les perquisitions chez Olivier Véran, Agnès Buzyn, Edouard Philippe et Jérôme Salomon dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire, Laurent Fabius a expliqué que cette situation lui a « évidemment rappelé son parcours » et l’affaire du sang contaminé. Pour l’ancien premier ministre, c’est « une évidence que les politiques doivent être transparents ». Il estime par ailleurs qu’ « il ne faut pas de politisation de la justice ni de judiciarisation de la politique ». Il est également revenu sur la formule de Georgina Dufoix « responsable mais pas coupable » qui est selon lui une « formule malheureuse » interprétée par l’opinion, à tort, comme une formule exprimant que les politiques se défilent devant leurs responsabilités.

Ancien président de la COP 21, Laurent Fabius est revenu sur ce qu’il restait de l’accord de Paris. Pour lui, cet accord restera comme « le premier accord mondial signé par tous les pays du monde pour enrayer le changement climatique ». Il a expliqué que ce résultat a été le fait de trois piliers : « le scientifique, la société civile et le politique ». Estimant que les deux premiers piliers ont continué à travailler dans le bon sens, il a pointé du doigt le manque dans la sphère politique et l’inaction de certains gouvernements : « l’accord reste mais il faut que la volonté politique soit mise en œuvre ». Sur ce point, l’ancien premier ministre est optimiste et a expliqué au micro de Bernard Poirette quels sont ses trois espoirs. Pour lui, le premier espoir réside en l’Europe, qui a une politique qui « va dans le bon sens ». Ensuite, il estime que la Chine représente un espoir avec les récentes annonces de son président Xi Jinping : « le président chinois a annoncé vouloir la neutralité carbone en 2060 ». Mais pour le président du Conseil constitutionnel, la grande question concerne l’élection américaine qui se tiendra dans deux semaines : « Si Donald Trump est élu, ce sera la catastrophe, alors que si c’est Joe Biden, il réintègrera l’accord de Paris et fera pression pour le respecter ».

« La Covid est moins grave que le dérèglement climatique »

Laurent Fabius a expliqué ce qu’il appelle le « giga paradoxe ». Selon lui, au regard de la gravité des phénomènes, « la Covid est moins grave que le dérèglement climatique ». Il a en effet rappelé que le changement climatique cause plus de morts et a des conséquences à long terme plus grandes. Pour lui le grand effort à faire est « de faire prendre conscience que ce problème est tout aussi important que la Covid » et que nous devons « mobiliser toutes nos forces ». Un changement d’esprit doit s’opérer.

Selon l’actuel président du Conseil constitutionnel, « on ne peut pas se résigner » face à cette situation. Il a par ailleurs expliqué que le changement climatique ne sera pas un problème pour nos petits-enfants mais pour nous et que les « dégâts actuels sont déjà épouvantables ». Evoquant le recul des gaz à effet de serre pendant le confinement, il regrette que ces émissions « soient en train de repartir avec l’activité économique ». Il a affirmé la nécessité de « relances vertes et non pas brunes », des relances brunes qui risqueraient d’accroître encore plus les émissions de CO2 dans l’atmosphère. Laurent Fabius estime qu’il est indispensable d’ « intégrer la préoccupation environnementale à la relance économique ».

Enfin, Bernard Poirette l’a interrogé sur sa vision du futur. Laurent Fabius s’est dit « n’être ni optimiste, ni pessimiste mais volontariste ». Il a rappelé l’importance de tenir les engagements pris mais a aussi mis en garde expliquant qu’il faut aller plus loin. Le président du Conseil constitutionnel a expliqué que « si les engagements de Paris étaient respectés, nous limiterions le réchauffement à 3 ou 4 degré, alors que l’objectif est de 2 ». Ainsi, la COP de Glasgow qui se tiendra l’année prochaine aura un rôle déterminant pour évaluer à nouveau les objectifs.

Retrouvez cette interview sur le site de Radio Classique.

Hélène Rey : « Le changement climatique ne pourra être combattu en réduisant l’activité économique »

14 octobre 2020 – Le Monde

Hélène Rey

L’économiste Hélène Rey préconise, dans sa chronique, de neutraliser l’effet de la taxe carbone sur la politique monétaire de lutte contre la hausse des prix.

Chronique. Emboîtant le pas de la Réserve fédérale américaine, la Banque centrale européenne (BCE) a décidé de réexaminer en profondeur sa stratégie de politique monétaire. Les pays européens s’étant engagés à atteindre une économie neutre en carbone d’ici à 2050, la BCE doit désormais réfléchir à la manière dont son cadre de politique monétaire peut contribuer à cette transition.

Bien que le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne fasse du maintien de la stabilité des prix l’objectif principal du Système européen des banques centrales (SEBC), le texte énonce également que « sans préjudice de [cet] objectif… le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l’Union, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union, tels que définis à l’article 3 du traité sur l’Union européenne ». Selon cet article, l’Union « œuvre pour (…) une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement ».

Le changement climatique ne pourra être combattu en réduisant purement et simplement l’activité économique : une refonte des systèmes de production existants sera absolument nécessaire. La seule manière d’atteindre l’objectif zéro émissions d’ici à 2050 consiste à transformer nos modes de production, de transport et de consommation.

Chocs d’offre

L’un des moyens les plus efficaces pour y parvenir – voire le seul – consiste à augmenter le prix du carbone tout en accélérant la cadence de l’innovation technologique. Cette approche entraînerait toutefois inévitablement d’importants chocs d’offre. Le coût des intrants, en particulier des énergies, deviendrait plus volatile à mesure de l’augmentation du prix du carbone et du remplacement progressif des combustibles fossiles par les énergies renouvelables. De même, les transports et l’agriculture seraient également soumis à d’importants changements, potentiellement perturbateurs dans les prix relatifs.

Quel que soit le cadre monétaire dont conviendront les banques centrales, ce cadre devra pouvoir s’adapter aux changements structurels majeurs ainsi qu’aux effets sur les prix relatifs engendrés par la décarbonation. Dans le cadre actuel, la BCE cible l’inflation de la zone euro à travers l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH). Or cet indice inclut les prix de l’énergie, ce qui le rend inadapté au défi de la décarbonation. L’inflation des prix du carbone étant décidée par les dirigeants politiques de l’UE, la BCE ne saurait tenter de pousser d’autres prix à la baisse dans l’IPCH alors même que le prix de l’énergie augmente, ce qui créerait des distorsions encore plus importantes.

Lire la suite de l’article (réservée aux abonnés) sur le site du Monde.

 

Europe’s futile search for Franco-German leadership

16 Oct 2020 Australian Strategic Policy Institute (ASPI) 

Josef Joffe

For decades, France and Germany have been known as Europe’s ruling ‘tandem’ or ‘couple’, even its ‘engine’. Together, they aimed to work to unify the continent. But, to pile up the metaphors, the French want to drive the jointly leased Euro-Porsche, while the Germans insist on rationing the petrol money. As a long list of crises—from Belarus to Nagorno-Karabakh—now shows, the two countries are not following the same road map.

That’s not surprising. As former German foreign minister Sigmar Gabriel has put it, France and Germany ‘view the world differently’ and thus have ‘distinct interests’. The truth is that Franco-German divergence is almost as old as the European Union.

That division bedevils the current French and German leaders—President Emmanuel Macron and Chancellor Angela Merkel—as much as it did their towering predecessors, Charles de Gaulle and Konrad Adenauer, ever since the two of them linked hands across the Rhine 60 years ago. They were to turn ancient enemies into trusted friends. But states don’t marry. They obey interests, not each other.

When two powers are so closely matched, the issue always is, who leads, and who follows? The hyperactive Macron certainly wants to run Europe (as, truth be told, all of his predecessors in the Élysée Palace have sought to do). Meanwhile, the plodding Merkel keeps stressing German priorities.

The current divergence is also a matter of personalities. Temperamentally, Macron is the opposite of Merkel. Whereas Macron craves the limelight, Merkel, known at home as Mutti (mum), reads from a well-thumbed script about continuity and caution.

This is reflected in their foreign policies as well. Since he won the presidency in 2017, Macron has successively flirted with US President Donald Trump, Russia’s Vladimir Putin and China’s Xi Jinping, then turned away in disillusion from all three. France simply doesn’t play in their league. Merkel, by contrast, has kept her distance from Trump, Putin and Xi.

Macron has also pronounced the ‘brain death’ of NATO, echoing Trump’s description of the alliance as ‘obsolete’. But a German chancellor would be the last to turn off the lights at the alliance’s headquarters in Brussels. After all, NATO has guaranteed Germany’s security for 70 years—and at a steep discount.

The most recent Franco-German disagreements centre on the eastern Mediterranean, where Greece and Turkey—both NATO members—threatened to come to blows over gas exploration in contested waters. Macron was quick to side with Greece, dispatching warships and planes while promising arms. Last month, he hosted a summit in Corsica involving the leaders of six other Mediterranean EU member states to provide a counterweight against Turkey. Germany wasn’t there.

Merkel instead mumbles platitudes about a ‘multi-layered relationship’ with Turkey, which must be ‘carefully balanced’. German interests are clear: Turkish President Recep Tayyip Erdogan is guarding the Turkish–Syrian border against an uncontrolled influx of Middle Eastern refugees who will head for Germany if given half a chance. Provoke him, and he can open the refugee spigot at will.

Then there’s the current flare-up between Armenia and Azerbaijan over Nagorno-Karabakh. Macron, Putin and Trump have urged the two countries to negotiate immediately, while Erdogan has sided with the Muslim Azerbaijanis against Christian Armenia. Germany, however, is merely ‘alarmed’, because Merkel can’t afford to alienate Erdogan.

After large parts of Beirut were levelled by a deadly explosion in August, Macron dashed off to Lebanon, pledging to organise an international donor conference without coordinating with Merkel. France, which controlled the Levant after World War I, wants to keep a foot in the door to maintain its regional influence; Germany has no strategic interests there and instinctively shies away from anything smacking of escalation. Different interests, different schemes.

Germany is also taking a hands-off approach to Libya, whose civil war has drawn in Russia, Egypt, Saudi Arabia, Turkey and France. The best Germany can do in the Middle East is to arrange yet another peace parley in Berlin, as is the German habit.

This is just a short list of Franco-German foreign policy differences in the past few months. But it confirms the pattern: France likes to jump in, while Germany prefers to hang back. Merkel recently proclaimed ‘the hour of Europe’ in an ‘aggressive world’. But if France and Germany won’t pull together, how could the other 25 EU members?

The irreducible reason is structural. Twenty-seven do not add up to one, whether on Russia or Belarus, where President Alexander Lukashenko is dead set on wiping out the democracy movement. When the 27 tried to hash out sanctions against Belarus, tiny Cyprus refused unless the rest agreed to penalise Turkey over illegally exploring for gas in the Mediterranean.

That could have been anticipated. Cyprus is practically a Russian economic colony, and Lukashenko is Putin’s client. After weeks of wrangling, Cyprus finally relented. The EU will now sanction 40 Belarusian officials—a punishment that gives Lukashenko no reason to pack his bags.

The EU is the world’s second-largest economic power, ahead of China, and on paper has as many troops as the United States. But riches alone do not make a strategic actor. If they did, Switzerland would be a great power.

Of course, no European leader will ever fail to appeal to Europe’s common destiny. But in the EU’s case, ‘unity’ is often the opposite of ‘agency’, the capacity to act as a whole. A bloc of 27 states bound by a unanimity requirement on issues members consider essential will never be a strategic actor, because it will always be guided only by the lowest common denominator that all can accept.

Even if France and Germany ever do march in lockstep, the others will not fall into line, because they fear the duo’s domination. Unless and until they fuse into the United States of Europe, the EU’s member states will never leave vital strategic issues up to majority rule.

 

Read the original article on ASPI.

Joschka Fischer : La tragédie transatlantique

28 septembre 2020

Joschka Fischer

fischer173_ugurhan_getty images_US EU

BERLIN – Entre les péripéties d’un duel sino-américain de plus en plus tendu et la persistance de la crise du Covid-19, le monde vit indubitablement un changement profond, historique. Des édifices apparemment immuables, bâtis voici de nombreuses décennies font soudain preuve d’une extrême malléabilité, ou disparaissent purement et simplement.

Dans les temps anciens, les événements sans précédents du temps présent auraient persuadé aux populations inquiètes de scruter les signes d’une apocalypse à venir. Outre la pandémie et les tensions géopolitiques, le monde est aussi confronté à la crise climatique, à la balkanisation de l’économie mondiale et aux profondes perturbations technologiques engendrées par la numérisation et l’intelligence artificielle.

Les jours ne sont plus où l’Occident – sous la houlette des États-Unis soutenus par leurs alliés, notamment européens – jouissait d’une primauté politique, militaire, économique et technologique incontestée. Trente ans après la fin de la guerre froide – quand l’Allemagne s’est réunifiée et que les États-Unis sont apparus comme l’unique superpuissance –, rien ne justifie plus l’hégémonie occidentale, et l’Asie orientale, avec une Chine de plus en plus autoritaire et nationaliste à sa tête, s’avance, prête, sans tarder, à la remplacer.

Mais ce n’est pas dans l’aggravation de la rivalité avec la Chine qu’il faut chercher l’affaiblissement de l’Occident. Ce sont ses développements internes qui, des deux côtés de l’Atlantique, ont presque entièrement précipité son déclin, particulièrement, quoiqu’il n’en ait pas l’exclusivité, au sein du monde anglo-saxon. Le référendum sur le Brexit au Royaume-Uni et l’élection aux États-Unis du président Donald Trump en 2016 ont marqué une coupure décisive dans ce qui avait été l’engagement transatlantique en faveur des valeurs libérales et d’un ordre mondial fondé sur des règles, et cette coupure présageait la résurrection d’une obsession bornée pour une souveraineté nationale sans avenir.

L’Occident transatlantique, idée qu’incarnait la création de l’OTAN après la Seconde Guerre mondiale, était le produit du triomphe militaire des États-Unis et du Royaume-Uni sur les théâtres pacifique et européen. Ce sont les dirigeants de ces deux pays qui ont créé l’ordre de l’après-guerre et ses principales institutions, des Nations Unies et de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (le précurseur de l’Organisation mondiale du commerce) à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international. En tant que tel, l’« ordre libéral du monde » – et bien sûr, d’une manière générale, l’« Occident » – était tout entier une initiative anglo-saxonne, dont la victoire à l’issue de la guerre froide renforçait encore la légitimité.

Mais au cours des décennies qui ont suivi, les forces du monde anglo-saxon se sont épuisées et, dans sa population, beaucoup se sont mis à rêver au retour d’un âge d’or impérial et mythique. La perspective d’une restitution de la grandeur passée est devenue, dans les deux pays, un slogan politique gagnant. Entre la doctrine de « L’Amérique d’abord » de Trump et les appels du Premier ministre du Royaume-Uni Boris Johnson à « reprendre le contrôle », le dénominateur commun est un ardent désir de revivre les temps idéalisés des XIXe et XXe siècles.

En pratique, ces slogans conduisent à un retour en arrière voué à l’échec. Les fondateurs de l’ordre international, qui ont consacré la démocratie, l’État de droit, la sécurité collective et les valeurs universelles, sont désormais occupés à le démanteler de l’intérieur, et par conséquent à détruire les fondements de leur propre puissance. Et cette autodestruction anglo-saxonne crée un vide, qui ne conduit pas à un nouvel ordre mais au chaos.

Certes, les Européens, à commencer par les Allemands, seraient malvenus à jouer les spectateurs complaisants ou à pointer du doigt les Anglo-Saxons. Parce qu’ils se sont trop peu intéressés aux questions de défense ou ont persisté à minimiser l’importance des surplus commerciaux, ils portent eux aussi une part de responsabilité dans la résurgence actuelle des nationalismes.

Si l’Occident, comme idée et comme bloc politique, veut survivre, quelque chose doit changer. Les États-Unis et l’Union européenne seront l’un et l’autre plus faibles s’ils sont séparés que s’ils forment un front uni. Mais les Européens n’ont aujourd’hui d’autre choix que de faire de l’Union un véritable acteur, en tant que tel, de la puissance. Une faille profonde s’est ouverte entre les Européens du continent – à qui revient la tâche de poursuivre la construction occidentale – et des Anglo-Saxons de plus en plus nationalistes.

Car le Brexit n’est pas vraiment affaire de pragmatisme et de relations commerciales ; il représente plutôt une rupture fondamentale entre deux systèmes de valeurs. Pour poser clairement la question, que se passera-t-il si Trump est réélu en novembre ? Il est presque certain que l’Occident transatlantique ne survivrait pas à quatre années supplémentaires, et l’OTAN devrait probablement faire face à une crise existentielle, même si les Européens augmentaient, conformément aux exigences des États-Unis, leurs dépenses de défense. Pour Trump et ses partisans, il ne s’agit pas vraiment d’argent. Ce qui leur importe d’abord, c’est la suprématie américaine et l’allégeance européenne.

Si, en revanche, l’ancien vice-président Joe Biden est élu, les relations transatlantiques prendront certainement un tour plus amical. Mais il n’y aura pas de retour à l’ère d’avant Trump. Même avec une administration Biden, les Européens n’oublieront pas facilement la profonde défiance semée au cours des quatre années qui se sont écoulées.

Quel que soit le vainqueur en novembre, les États-Unis devront compter avec une Europe qui accordera beaucoup plus d’importance à sa souveraineté, notamment pour ce qui concerne la technologie, qu’elle ne l’a fait par le passé. Les interdépendances complices des années qui ont suivi la guerre froide sont révolues depuis longtemps. L’Europe devra se montrer beaucoup plus attentive à la protection de ses propres intérêts, et l’Amérique comprendra opportunément que ceux-ci puissent diverger des siens.

Retrouvez l’article original sur Project Syndicate. 

François Barrault : La 5G, un enjeu géopolitique ?

BMF Business  | 29 septembre 2020

Ce mardi 29 septembre, François Barrault, président de l’IDATE DigiWorld, est revenu sur les enjeux de la 5G et a parlé de son top départ pour la vente aux enchères des fréquences, dans l’émission Good Morning Business présentée par Sandra Gandoin et Christophe Jakubyszyn.

Good Morning Business est à voir ou écouter du lundi au vendredi sur BFM Business. Dans « Good morning business », Christophe Jakubyszyn, Sandra Gandoin et les journalistes de BFM Business (Nicolas Doze, Hedwige Chevrillon, Jean-Marc Daniel, Anthony Morel…) décryptent et analysent l’actualité économique, financière et internationale. Entrepreneurs, grands patrons, économistes et autres acteurs du monde du business… Ne ratez pas les interviews de la seule matinale économique de France, en télé et en radio.

Retrouvez l’article original et la vidéo de l’Interview sur BFM Business.

 

Polina Vasilenko: HelioRec installed the first in the world hybrid system for lake purification

HelioRec | September 2020, Issue 1

Fruitful cooperation between EcoEnergy and HelioRec

On 13th of September 2020 the first in the world hybrid system for lake
purification: floating PV and aeration system was installed on lake Ak
Gel. This lake is located in the center of Makhachkala (Dagestan
Republic, Russia) and it faces many serious ecological problems:

  • Oxygen concentration is 3 times less than normal;
  • Active algae growth;
  • Water evaporation (area was reduced twice during the last 20 years).

Engineers from HelioRec, a Skolkovo innovation center resident, and EcoEnergy (project developers) invented the unique solution to solve these problems.

Floating power plant with the total area of 150 m2 that consist of:

  • 24 floaters with 295W photovoltaic modules (Solar Systems);
  • 36 footpaths;
  • 4 batteries;
  • 4 aerators which can help to bring needed amount of oxygen to revive the lake within 1 year.

In the process of developing the first project of its kind in the world,
engineers were required to apply fundamentally new solutions: aerators are powered by an autonomous solar generation with a 7 kW capacity based on a floating system, and “smart control technology” allows to control the power plant from a mobile phone. The system could survive the first storm (19th of September 2020) with wind speed more than 30 m/s. Based on the results of the first installation, HelioRec and Eco-Energy will decide about increasing size of the power plant and further project development.

Would like to build something innovative, let us know: savetheplanet@heliorec.com

See more of the project here.